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Attentat d'Istanbul : "À l’approche des élections, nous nous attendions à ce genre de situation", confient des habitants

Depuis la puissante explosion du dimanche 13 novembre à Istanbul, qui a fait au moins six morts et 81 blessés, la capitale touristique du pays est sous le choc. Les habitants dénoncent une insécurité à l'approche d'élections générales en juin prochain.

Article rédigé par franceinfo - Marie-Pierre Vérot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
 L’avenue Istiklal est décorée de drapeaux turcs après l’attaque terroriste à Istanbul du 13 novembre 2022. (MURAT SENGUL / ANADOLU AGENCY)

Survolées par un hélicoptère, par les forces de police, la place Taksim et la rue Istiklal, d’habitude grouillantes de touristes, sont comme sonnées au soir de l'explosion d'une bombe dans une rue très commerçante qui a fait six morts et plus de 80 blessés. Dimanche 13 novembre, un attentat a fait au moins six morts et 81 blessés."La personne qui a déposé la bombe a été arrêtée" ainsi que 21 autres suspects selon le ministre de l'Intérieur turc, Süleyman Soylu. La plupart des commerces ont baissé le rideau.

>> Attentat d'Istanbul : ce que l'on sait de l'enquête au lendemain de l'attaque qui a fait six morts et 81 blessés

"TNT de forte puissance"

Les badauds regardent les forces anti-émeutes qui barrent l’entrée de cette rue piétonne, le cœur battant d’Istanbul. Des touristes perdus se demandent, eux, comment rejoindre leur hôtel situé dans le périmètre interdit. Dans sa petite échoppe à l’entrée d’Istiklal, Muamer se désole : "Regardez une place comme Taksim qui est centrée sur le commerce, tout est fermé... Et il n’y a plus personne. Mais ce n’est pas ça le plus important : ce qui compte, ce sont les gens. Car nous n’avons pas peur, notre nation n’a pas peur. Mais nous avons de la peine pour les victimes."



Sur des vidéos partagées sur les réseaux sociaux, on peut voir des images de corps gisant à proximité d’un large cratère noir. Depuis, un tapis rouge couvre l'emplacement de l'explosion, sur lequel les passants viennent déposer des oeillets, rouges eux aussi. La puissance de l’explosion a fait voler les vitres aux alentours. Le président Erdogan a fustigé un "lâche attentat", désignant la responsabilité d'une "personne qui a posé la bombe" : une jeune femme de nationalité syrienne qui aurait agi "sur ordre du Parti des travailleurs du Kurdistan" (PKK), en lutte armée contre Ankara depuis près de 40 ans, selon les autorités turques, a été interpellée. Selon le ministre de l'Intérieur Süleyman Soylu, 46 suspects ont été arrêtés, dont certains au même endroit que la jeune femme. L'engin explosif était composé de "TNT de forte puissance", selon la police qui affirme avoir découvert dans l'appartement une importante somme en euros et des pièces d'or dans un sac, ainsi qu'un pistolet et des cartouches.

"Il y a eu un bruit effroyable au moment de l’explosion"

Au lendemain de l’attentat, les Stambouliotes veulent dire leur détermination face à la terreur et leur compassion, comme Hasan, un retraité qui s’apprête à déposer deux œillets rouges sur les lieux de l’explosion. "J’ai porté ces fleurs comme c’est la tradition en tel cas ici. C’est un hommage à nos victimes."

Un homme soutient une vieille dame qui a échappé de peu à l'attentat survenu le dimanche 13 novembre à Istanbul. (Marie-Pierre Vérot)

Juste à côté, un homme qui a revêtu un sweat-shirt blanc orné du drapeau turc soutient une vieille dame, qui fixe, hébétée, le parterre de fleurs rouges. Dimanche, ils étaient tout à côté quand la bombe a explosé.

"J’ai vu beaucoup de blessés, il y avait du sang partout, des fenêtres brisées On aurait pu y passer. On a été sauvés à cinq secondes près. Ma mère est encore sous le choc. Il y a eu un bruit effroyable au moment de l’explosion."

"Sentiment de peur et d'insécurité"

De nombreux Stambouliotes confient avoir redouté ce moment, comme Mirke, croisée devant la rue Istiklal : "À l’approche des élections, nous nous attendions à ce genre de situation. C’est très triste, c’est affreux. Cela crée un sentiment de peur et d’insécurité au sein de la population turque."

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Chacun ici a en tête le compte à rebours électoral avant les législatives et la présidentielle de juin prochain. Un scrutin très incertain. En 2015 et 2016 déjà, au moment des élections, une vague d’attentats avait fait plusieurs centaines de morts. En décembre 2016, un double attentat près du stade de foot de Besiktas, à Istanbul, qui a fait 47 morts dont 39 policiers et 160 blessés, avait été revendiqué par les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), groupe radical kurde proche du PKK. Le PKK, considéré comme une organisation terroriste par Ankara mais aussi par ses alliés occidentaux dont les Etats-Unis et l'Union européenne, est en lutte armée contre le gouvernement turc depuis le milieu des années 1980. Il a été souvent été rendu responsable par le passé d'attentats sanglants sur le sol turc. 

Le PKK dément toute implication

Le PKK dément toute implication et assure ne jamais viser de civils. Sa branche syrienne dit tout ignorer de la femme présentée comme terroriste. Le HDP, le parti kurde, dont le leader a été emprisonné, présente ses condoléances et nie aussi farouchement tout lien avec cet acte terroriste.

Les autorités promettent de venger ces morts. "Ils ont voulu nous adresser un message, nous l'avons reçu et nous allons y répondre de la façon la plus ferme qui soit", martèle le ministre de l’Intérieur.

Or on le sait la Turquie a récemment mené des raids contre les Kurdes dans le nord syrien et irakien et pourrait intensifier ses opérations. Les Kurdes redoutent que les accusations portées contre leur parti et contre la guérilla kurde n’aient justement pour objectif que de justifier une nouvelle campagne militaire.

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