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Détention d'un journaliste français en Turquie : "On lui reproche d’avoir essayé de faire son travail"

Après l'arrestation du journaliste français Loup Bureau en Turquie, le responsable du bureau Europe de l'Est-Asie centrale de Reporters sans Frontières, Johann Bihr, attend de l’Union européenne "une attitude beaucoup plus ferme et beaucoup plus claire sur la répression à laquelle on assiste".

Article rédigé par franceinfo
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Le responsable du bureau Europe de l'Est-Asie centrale de Reporters sans Frontières, Johann Bihr. (FRANCEINFO)

Incarcéré en Turquie, mardi 2 août, le journaliste français indépendant Loup Bureau est soupçonné d'assistance à une organisation terroriste. Le jeune homme de 27 ans a été arrêté la semaine dernière alors qu'il entrait en Turquie au point de passage de Habur, à la frontière avec l'Irak, en possessions de photographies et d'interviews avec des combattants kurdes, selon l'agence de presse Anadolu.

"On lui reproche d’avoir essayé de faire son travail, d’avoir couvert la question kurde qui est une question majeure au Proche-Orient ", a expliqué Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l'Est-Asie centrale de Reporters sans Frontières (RSF) jeudi 3 août sur franceinfo. "Il y a une volonté d'intimidation" des journalistes de la part des pouvoirs turcs. "La Turquie est la plus grande prison du monde pour les journalistes, avec plus de 100 confrères derrière les barreaux."

franceinfo : Les autorités turques reprochent à Loup Bureau d’avoir fréquenté des Kurdes, c’est un peu court comme explication ?

Johann Bihr : Oui, on lui reproche d’avoir essayé de faire son travail, d’avoir couvert la question kurde qui est une question majeure au Proche-Orient en ce moment. Parmi les éléments qu’on lui reproche, il y aurait ce reportage réalisé en 2013 au Kurdistan syrien documentant l’offensive kurde contre Daech. C’est malheureusement quelque chose de courant, voire de systématique en Turquie, d’être accusé de terrorisme, lorsque l’on s’attache à ce genre de sujets.

Il n’a rien fait d’illégal aujourd’hui ?

D’après les informations que l’on a, absolument pas. Loup Bureau est un jeune freelance de 27 ans qui terminait son école de journalisme. Il s’est déjà rendu sur de nombreux terrains chauds en tant que journaliste. Il a fait un reportage en Ukraine qui a été primé par l’Union européenne au moment de Maïdan. Il a été en Egypte au moment de la Révolution. Il a vraiment cela dans le sang. Il essayait de réaliser le même genre de travail dans le Kurdistan irakien, dans le sud-est de la Turquie. Ce sont des zones tendues, où la paranoïa est de rigueur, où les combats font rage entre l’armée turque et les rebelles kurdes du PKK. Malheureusement, on assiste une fois de plus à la criminalisation du journalisme, c'est quelque chose de systématique.

Selon vous, le pouvoir turc cherche clairement à intimider la presse internationale ?

Il y a une volonté d’intimidation. Les journalistes étrangers ont longtemps été épargnés en Turquie, contrairement à leurs collègues turcs. Il faut rappeler aujourd’hui que la Turquie est la plus grande prison du monde pour les journalistes, avec plus de 100 confrères derrière les barreaux. La plupart d’entre eux sont en détention provisoire, donc n’ont pas encore été jugés. Pourtant, ils sont derrière les barreaux depuis un an. Sous l’état d’urgence, près de 150 médias ont été fermés par décret, sans procès. C’est vraiment une situation d’exception. Aujourd’hui, on assiste à une élimination de ce qui restait de pluralisme en Turquie. Ces derniers temps, il est vrai que les journalistes étrangers sont de plus en plus pris à partie. Malheureusement, dans le cas de Loup Bureau, la situation semble plus grave que dans celle de Mathias Depardon, puisqu’à ce jour, il est en détention. Malheureusement, la détention a tendance à durer longtemps en Turquie.

Que demandez-vous aux autorités turques ?

On appelle les autorités turques à le remettre en liberté au plus vite. On attend de l’Union européenne et de ses pays membres une attitude beaucoup plus ferme et beaucoup plus claire sur la répression à laquelle on assiste en Turquie. Aujourd'hui, le pluralisme en Turquie est réduit à peau de chagrin. Une poignée de journaux à faible tirage est harcelée, or elle représente ce qui reste de pluralisme. Toutes les chaînes télévisées d'opposition ont été fermées. Les principaux journaux également. Les derniers journaux, soit 4 ou 5 titres qui s'opposent encore au pouvoir sont harcelés.

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