Jury du prix Albert Londres en Turquie : "Une main tendue très forte", selon Christophe Deloire, secrétaire général de RSF
A la veille de la remise du prestigieux prix de la presse à Istanbul, le secrétaire général de Reporters sans frontières indique sur franceinfo que le reportage sur le terrain est devenu une chose "extrêmement difficile" en Turquie pour les étrangers et davantage encore pour les journalistes turcs.
Les jurés français du prix Albert Londres sont à Istanbul en Turquie ce week-end, à la veille de remettre le prestigieux prix de la presse, lundi 22 octobre. Ils veulent marquer leur solidarité avec les journalistes trucs, nombreux à subir la censure et des condamnations du pouvoir depuis la tentative de putsch contre le président Erdogan en 2016. "C'est une main tendue très forte", explique Christophe Deloire, le secrétaire général de Reporters sans frontières, dimanche sur franceinfo.
Alors que trois journalistes turcs ont été condamnés à la prison à vie pour avoir "envoyé des messages subliminaux lors d'une émission de télévision" au début de l'année, alors que 25 reporters ont été condamnés à sept ans de prison au printemps dernier, alors que cette semaine a débuté le procès d'une jeune femme turco-allemande qui risque 15 ans de prison pour avoir fait des reportages sur le Parti communiste turc, Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, constate que "le reportage sur tous les terrains est devenu une chose extrêmement difficile en Turquie, pour les étrangers qui s'y rendent, et encore plus pour les journalistes turcs".
"Erdogan se permet à peu près tout"
"Depuis le début de l'année, il y a eu des dizaines et des dizaines de condamnations, explique Christophe Deloire. Aujourd'hui, le président turc Recep Tayyip Erdogan se permet à peu près tout." "On pensait qu'à la faveur des pressions allemandes, il allait un peu baisser le ton sur les journalistes, mais il a redit devant Angela Merkel que Can Dündar, - l'ancien rédacteur en chef du journal turc d'opposition Cumhuriyet, exilé en Allemagne - était un terroriste, que l'Allemagne devait l'extrader", constate-t-il à regret.
"Peut-être que ce qui fera qu'Erdogan baissera le ton contre les journalistes, c'est la crise économique dans laquelle est enfoncé le pays", espère le responsable de RSF. "Parce que la situation de la Turquie devient déplorable et Erdogan essaie de le camoufler en faisant en sorte que la presse officielle n'utilise pas le mot 'crise', en lançant des dizaines, voire des centaines de procédures pour manipulation de l'information qui aggraverait la crise économique. Il rajoute aberration sur aberration."
"On a une vérité extrêmement partielle"
Alors que l'Arabie saoudite a reconnu samedi que le journaliste d'opposition Jamal Khashoggi était bien mort dans le consultat saoudien à Istanbul en Turquie, Christophe Deloire demande que "toute la vérité sur cette affaire". "Il y a une chose incontestable désormais, c'est que le journaliste Jamal Khashoggi a été tué par les Saoudiens au consulat d'Arabie saoudite", constate-t-il. "Mais pour l'instant on a une vérité extrêmement partielle", regrette le responsable de RSF.
Samedi, après l'annonce des Saoudiens sur la mort de Khashoggi, Reporters sans frontières a appelé dans un communiqué au boycott du "Davos du désert", sommet économique qui doit se tenir à Ryad en Arabie saoudite, du 23 au 25 octobre. “Nous appelons au boycott de cet événement et plus largement au gel des affaires commerciales avec l’Arabie saoudite car il semble inimaginable de s’y adonner au business as usual et de bavarder sur les investissements comme si de rien n’était", a déclaré Christophe Deloire. L’organisation de défense de la liberté de la presse estime qu’une telle reprise des discussions avec l’Arabie saoudite reviendrait à accorder au Royaume un “permis de tuer” les journalistes.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.