Mariage d'une fillette de six ans en Turquie : le procès des parents et du mari relance la polémique sur les unions forcées de mineurs
Le scandale a éclaté en décembre 2022. Une jeune femme turque accuse alors ses parents de l’avoir mariée alors qu’elle n’avait que six ans. Son père dirige alors une fondation islamique liée à l’une des confréries très influentes en Turquie.
Saisie par deux fois, notamment en 2020, la justice avait décidé de classer l’affaire. Finalement, après les unes de presse sur le sujet et la colère de l'opposition, un procès doit s'ouvrir lundi 30 janvier. Dans le box des accusés, il y aura le mari et les parents de la plaignante.
"On parle de viol systématique"
Ce scandale judiciaire est aussi devenu politique, car l’opposition, menée par Kemal Kiliçdaroglu a décidé d'interpeller le pouvoir sur ce sujet. "On parle de viol systématique, explique le leader de l'opposition laïc Kemal Kiliçdaroglu. Vous le savez depuis deux ans ! Heureusement qu'il y a des journalistes dans ce pays pour que nous l'apprenions aussi. En fonctions de quels intérêts les procureurs étouffent-il cette affaire ? Cette fille réclame justice ! C'est notre enfant, notre fille !"
L’affaire révèle le poids des confréries religieuses dans la Turquie d’Erdogan et leur proximité avec les plus hautes sphères du pouvoir. Elle rappelle aussi que les mariages précoces, bien qu’interdits en Turquie, existent toujours. Selon une étude récente, une femme turque sur cinq a été mariée alors qu’elle était mineure. C’est le cas de Ayten, une jeune femme d’une trentaine d’année.
"Je me suis mariée à 14 ans, à 15 ans, j’étais mère, à 16 ans, je suis arrivée à Istanbul pour travailler comme femme de ménage."
Aytenà franceinfo
Cette femme, comme beaucoup d'autres, n’a pas vraiment eu son mot à dire. "Je ne voulais pas me marier, c’était trop tôt. J'étais trop jeune pour me marier. Parce qu'à 14 ans, tu es encore un enfant. Tu as besoin de ton papa et de ta maman et c’est très difficile de t’en séparer. Mais au village, dès que tu es adolescente, on vient demander ta main. Par exemple, mon frère a neuf ans de plus que moi et quand ses copains sont revenus du service militaire, ils voulaient m’épouser."
Ayten sourit, rajuste son foulard, elle affirme avoir eu de "la chance ", car ses parents lui ont donné le choix entre plusieurs prétendants."J’aurais voulu étudier, j’aurais vraiment voulu faire des études. Malheureusement, ça ne s’est pas fait. Et ce désir est toujours resté en moi. Si j’avais pu faire des études, j’aurais aimé avoir un bon travail. Mon désir le plus cher, c’était de faire des études de droit." Après son second enfant, la mère a sauté le pas, en plus des ménages, Ayten a terminé le collège, et commencé le lycée. "J’ai pris confiance en moi", explique-t-elle. Elle voudrait aujourd’hui devenir institutrice.
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