Turquie : à Istanbul, la campagne pour les élections municipales prend une dimension nationale
Sur le toit de son bus, Ekrem Imamoglu harangue la foule. Le maire d'Istanbul est en campagne pour les prochaines municipales, qui se déroulent dans un mois, le 31 mars, en Turquie. Ce scrutin local revêt un enjeu national car les grandes villes sont le dernier levier de pouvoir de l’opposition. La mère des batailles se déroule à Istanbul, le président Erdogan ayant juré de faire tomber le maire.
Dans le quartier populaire de Gaziosmanpasa, qui a voté conservateur lors du dernier scrutin, Ekrem Imamoglu vient vanter son bilan. Devant une foule tout acquise, il rappelle ses réalisations : crèches, gymnase, piscine et en promet d’autres. De nombreuses femmes voilées sont venues l’écouter, comme Fidès, qui agite un petit drapeau. "Il a donné des coupons de nourriture aux mères, il aide les retraités. Il a réalisé toutes nos demandes. Imamoglu a toute notre confiance, explique-t-elle. On espère qu’il va pouvoir continuer ainsi. Il est présent partout. Il est proche des pauvres et des orphelins. Regardez ma fille, elle n’a pas de mari mais elle a des enfants, Imamoglu donne du lait et tout ce qui est nécessaire. Si Dieu le veut, il va gagner de nouveau."
Fidès dit aussi ses difficultés, avec une maigre retraite qui fait des seniors la frange la plus défavorisée de la population.
La prochaine présidentielle en ligne de mire
Pendant ce temps, la voiture du candidat du pouvoir sillonne les rues de Beyoglu, un quartier plutôt cossu du centre. Murat Kurum est le visage de l’AKP pour Istanbul, mais nul n’est dupe : celui qui mène campagne, c’est bien le président Erdogan, qui enchaîne les visites de terrain. Récemment à Istanbul, lors de l'inauguration d'une nouvelle ligne de train, il a de nouveau fait planer la menace de dotations en berne si la ville restait aux mains de l’opposition. "Qui gouverne aujourd’hui ce pays ? C’est nous. Et ceux qui dirigent Istanbul, est-ce qu’ils ont les mêmes moyens que nous ? Non", a-t-il lancé.
Le président a juré de reprendre la ville, c'est une question d’honneur car il n’a jamais accepté la cuisante défaite de 2019, mais c'est aussi parce que "celui qui gagne Istanbul obtient un énorme avantage politique pour accéder au pouvoir au niveau national, souligne le politologue Berk Esen. Erdogan sait que s'il perd les élections, si son candidat perd les élections une deuxième fois, alors Imamoglu deviendra une personnalité nationale." Et un sérieux candidat à la prochaine présidentielle.
Le scrutin s’annonce serré. L’opposition désunie aligne plusieurs candidats cette année. Fidès ne doute pas de la victoire de son héros mais elle prendra quand même ses précautions : "Lors des dernières élections, j’ai sacrifié un mouton pour qu’Imamoglu l’emporte. Cette année je vais faire pareil."
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