Armée : et vint le temps des robots terrestres
Tout le monde connaît les drones, ces avions sans pilote, armés ou non, capables de rester des dizaines d’heures dans le ciel, commandés depuis n’importe quel point de la Terre, via des système complexes de transmission.
Mais à côté de ces appareils, les armées développent des robots terrestres aux fonctions précises (déminage, écoute, découverte…). «L’avantage pris par les drones aériens s’explique par le fait qu’ils se déplacent dans un milieu homogène – le ciel –, ce qui n’est pas le cas des robots terrestres qui doivent affronter un milieu plus difficile», explique Eva Crück, ingénieure à la DGA (Délégation générale pour l’armement).
La nature du sol, le relief, les obstacles… des difficultés que doivent prendre en compte les ingénieurs qui développent ces engins sont infinis, mais les résultats sont là.
Aujourd’hui, il y a plus de 7.000 drones et 12.000 robots terrestres utilisés par toutes les branches de l’armée américaine, selon le site robotblog. «Entre 2003 et 2007, 10.000 engins explosifs improvisés (EEI) auraient été détruits par 5.000 robots de l’armée américaine», rappelle Antonin Tisseron, chercheur associé au Centre de recherche des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan. Des robots comme le Packbot.
Les guerres d'Irak et d'Afghanistan
«La robotique militaire a démarré lors des guerres d’Irak et d’Afghanistan en raison des pertes causés par les IED (Improvised Explosive Device, Engins explosifs improvisés), ces bombes artisanales qui ont causé environ 50% des pertes de l’armée américaine», nous explique le colonel Boisboissel, du Centre de recherche des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan.
«La première utilité des robots est de protéger l’humain, c'est-à-dire lui faire faire ce qui est dangereux pour l’homme. La seconde est d’apporter un plus tactique, à savoir voir, sentir, écouter, agir plus loin que ne peut le faire le soldat», ajoute-t-il.
Des besoins que les Américains ont résumé par l'expression «dull, dirty and dangerous» (ennuyeux, sales – environnement radioactif ou toxique – et dangereux).
Des robots français
Pour cela, ingénieurs et militaires ont développé toute une série d’engins dont les spécificités sont d’être capables de résister aux besoins du terrain, tout en utilisant des capteurs nécessaires à leur mission (voir, entendre, manipuler) tout en pouvant communiquer avec leur utilisateur.
La robotisation gagne toute la société et est déjà largement opérationnelle. A Lille, le métro est automatique depuis 1983. Pour les militaires, la difficulté est de rendre ces engins opérationnels dans toutes les circonstances (terrains et conditions méteo de toute nature), tout en garantissant leur fiabilité (rusticité, durabilité), leur autonomie (alimentation) et leur communication quel que soit le terrain. Le robot doit en plus ne pas être trop lourd pour pouvoir être porté par les soldats.
Si les Américains ont pris une grosse avance (les USA et Israël sont les deux pays les plus en avance), la France a développé ses propres engins.
En France aussi, «le robot est susceptible de prendre de l’importance dans des domaines de plus en plus nombreux, de la logistique à la surveillance de sites, en passant par les champs de la maintenance ou de la santé», note le ministère de la Défense.
Dans cette recherche, l'aspect économique n'est pas neutre. «Le coût d’un robot reste bien inférieur à celui d’un soldat en opération. Un combattant américain envoyé en Afghanistan revient à un million de dollars par an, formation incluse. Or, un Packbot coûte environ 150.000 dollars et un MARCbot 5.000», note Antonin Tisseron.
Un incroyable bestiaire
Dans le domaine, nous le disions, la recherche semble donner libre cours à l'imagination. Que ce soit dans les exosquelettes (destinés à assister le corps des militaires) ou dans les minidrones, les ingénieurs copient souvent les mouvements des animaux pour répondre à des besoins simples.
Les Américains ont ainsi développé une mule-robot destinée à porter du matériel pour les troupes au sol. L’AlphaDog LS3 (pour Legged Squad Support System) est un robot autonome sur «pattes», pouvant porter de lourdes charges sur une grande distance, dans le but d’accompagner les militaires sur le terrain et de les soulager du poids de certains de leurs équipements. Vu le bruit de l'appareil, il n'est pas sûr qu'il entre en service tout de suite.
Toujours en copiant le règne animal, les ingénieurs israéliens ont développé un robot serpent qui rampe dans les herbes jusqu'aux lignes ennemies pour pouvoir les filmer en toute discrétion.
Toujours plus délirant, les recherches portant sur le mouvement ont abouti à mettre au point un robot, reprenant le mouvement du léopard (ou du cheetah) capable d'aller plus vite qu'Usain Bolt.
Des robots tueurs
Militaires, juristes et associations de défense des droits de l'Homme s'interrogent aujourd'hui sur les dangers d'un système qui pourrait devenir incontrôlable. Les américains se servent déjà de drones pour procéder à des liquidations à l'étranger (au Pakistan et au Yémen), mais ces attaques sont encore dirigées par des êtres humains.
Des robots capables de tirer automatiquement ont été déployés sur certaines frontières, comme en Corée.
Les «armes totalement autonomes n’existent pas encore mais des modèles, qui se déclenchent sous supervision humaine, les préfigurent», précise le site robotblog citant les antimissiles MK Phalanx de la Navy américaine, Iron Dome en Israël ou le NBS Mantis développé par l’Allemagne.
Human Rights Watch, International Human Rights Clinic et les Prix Nobel de la paix de la Nobel Women’s Initiative ont annoncé devant la presse à Washington une campagne pour l’instauration «d’un traité international qui interdirait totalement le développement, la production et l’utilisation de ces armes totalement autonomes», surnommées les «robots-tueurs». Un appel qui devrait être lancé le 23 avril prochain à Londres.
Un sujet sur lequel pourra sans doute réfléchir le prochain soldat-robot, un robot humanoïde aux gestes incroyablement déliés, mais dont la tête ne semble pas encore tout à fait au point.
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