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Incendies à Hawaï : pourquoi les feux ont été si meurtriers

Selon un bilan provisoire, 89 personnes sont mortes sur l'île de Maui et un millier d'autres sont introuvables. Un bilan particulièrement lourd qui s'explique par des facteurs aussi bien humains que climatiques.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Deux habitants de l'île de Maui (Hawaï) cherchent leurs effets personnels dans leur maison familiale, après l'incendie qui a touché la ville de Lahaina, le 11 août 2023. (PATRICK T. FALLON / AFP)

"Comprendre les décisions prises avant et pendant les incendies". C'est le but de l'enquête lancée par Anne Lopez, la procureure générale d'Hawaï (Etats-Unis), après les incendies qui ont ravagé l'île de Maui. Le dernier bilan provisoire des autorités locales, diffusé samedi 12 août, fait état de 89 morts. Le chef de la police du comté de Maui, John Pelletier, a affirmé jeudi que jusqu'à 1 000 personnes pourraient manquer à l'appel. Cela ne signifie pas qu'elles sont officiellement portées disparues ou mortes, a-t-il toutefois souligné.

Alors qu'on compte encore les morts à Lahaina, la capitale historique d'Hawaï qui a été presque entièrement détruite, les habitants dénoncent déjà une gestion calamiteuse des incendies par les autorités locales. Néanmoins, les causes d'un si lourd bilan ne sont pas liées qu'à l'activité humaine. Franceinfo revient sur les raisons de l'une des pires catastrophes naturelles de l'histoire récente de l'archipel américain.

Parce que les sirènes d'alerte n'ont pas été actionnées

La gestion humaine des feux suscite la polémique chez les personnes sinistrées. Est pointé du doigt le fait que les sirènes d'alerte aux incendies n'ont pas été actionnées malgré de multiples départs de feux. L'intervention des pompiers a aussi été limitée à Lahaina : leurs efforts ont été divisés à cause des départs de feux simultanés. Pris de court, une dizaine d'habitants ont été contraints de se jeter dans la mer pour échapper aux feux, selon des garde-côtes interrogés par l'AFP. Le journal La Croix précise que des centaines de sirènes sont installées sur l'ensemble du territoire pour avertir les habitants d'un danger imminent. Les alertes, habituellement transmises par téléphone, n'ont pas pu être reçues car "il n'y avait pas de réseau" et "clairement, nous n'avons pas prévu de solutions de secours pour assurer la sécurité des habitants", a admis samedi Jill Tokuda, élue démocrate d'Hawaï, sur la chaîne CNN. "Nous avons sous-estimé la dangerosité et la rapidité du feu", a-t-elle regretté.

William Harry, un habitant de Lahaina, a expliqué auprès de l'AFP n'avoir pu compter que sur le "réseau noix de coco", c'est-à-dire le bouche-à-oreille, pour fuir le danger des flammes. Un porte-parole de l'agence responsable de la gestion des crises à Hawaï a toutefois tenu à rappeler que des messages d'alerte ont bien été diffusés par le biais des médias audiovisuels et des téléphones portables des habitants. Face à ces divers éléments, la procureure générale de l'Etat américain du Pacifique, Anne Lopez, a annoncé l'ouverture d'une enquête pour faire la lumière sur la gestion de crise menée par les autorités.

Parce que les terres agricoles ont été remplacées par une végétation plus inflammable

Un autre facteur humain explique l'ampleur des feux qui ont ravagé Hawaï : le délaissement des terres agricoles dans les années 1990. Les champs autrefois bien entretenus, qui auraient pu ralentir le feu, ont été remplacés par de "vastes étendues de plantes non locales, laissées à l'abandon" explique sur Twitter Clay Trauernicht, spécialiste des incendies à l'université d'Hawaï.

Depuis une trentaine d'années, des herbes envahissantes comme l'herbe de Guinée et l'herbe fontaine ont été introduites par l'homme, explique Libération. Elles ont deux particularités, rapporte le New York Times : celle de repousser vite après un incendie, mais aussi de s'enflammer plus facilement. A Lahaina, précise le quotidien américain, les fermetures d'exploitations de canne à sucre dans les années 1990 ont également entraîné l'arrêt de systèmes d'irrigation qui auraient pu limiter la progression des feux cette semaine.

Parce que l'île a été touchée par une sécheresse et des vents inhabituels

Des conditions météorologiques particulièrement défavorables ont aussi joué dans le scénario catastrophe qui s'est déroulé sur l'île de Maui. Les flammes ont été attisées par des vents forts, qui ont dépassé les 100 km/h selon les services météorologiques américains (NWS). Ils ont été alimentés par un ouragan de catégorie 4 baptisé Dora, qui soufflait pourtant à plusieurs centaines de kilomètres au sud dans les eaux de l'océan Pacifique. Résultat, des rafales venues de l'océan se sont donc transformées en "vents descendants" qui "ont été poussés sur les pentes de l'île vers la ville", analyse Thomas Smith, professeur de géographie environnementale à la London School of Economics, interrogé par l'AFP. Ces vents sont généralement "secs et chauds", ce qui rend les incendies "plus extrêmes", précise l'expert.

Pour ne rien arranger à la situation, l'année a été bien moins pluvieuse que de coutume à Hawaï : 16% du territoire était touché par une sécheresse "sévère" mercredi 9 août, d'après l'US Drought Monitor, un dispositif qui évalue l'intensité de la sécheresse sur l'ensemble du territoire américain. Kenneth Hara, commandant général de la garde nationale d'Hawaï, a déclaré avoir été informé "à l'avance par le service météorologique national" d'une "situation d'alerte rouge [en raison] des conditions de sécheresse".

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