Internet, téléphones mobiles : les perdants, les gagnants
«La roche Tarpéienne est proche du Capitole», disaient les Romains pour signifier que les honneurs ne sont pas éternels et que la déchéance est toujours proche… Dans le monde de l’Internet, la formule s’applique avec une rapidité fulgurante. La courte histoire du web compte déjà de nombreuses victimes à qui on avait pourtant promis un avenir mirifique : le moteur de recherche Altavista, Myspace ou Palm… et aujourd’hui Nokia.
Coup de froid sur Nokia
Symbole de ces changements ultra rapides, le sort de Nokia. Pour avoir raté le virage du smartphone, la marque finlandaise, pendant longtemps numéro un mondial du téléphone portable… vient de vendre sa branche téléphone à Microsoft, pour 5,5 milliards d’euros (Google avait payé 12 milliards de dollars pour Motorola).
C’est dans les années 1990 que la planète entière avait découvert le nom de ce groupe né en 1835 avec une papeterie implantée au bord d'une rivière à Tampere, dans le sud-ouest de la Finlande. En 2003, le Nokia 1100 débarque sur le marché. Il sera vendu à 250 millions d’exemplaires. En 2007, Nokia avait 24.700 salariés en Finlande, soit près de 1% de sa population active, sans compter sa multitude de sous-traitants.
Dans ce secteur très porteur de la téléphonie mobile, Nokia a eu le tort de rater l’arrivée des téléphones intelligents capable de marier voix et internet. D’abord distancé par le canadien Blackberry, il n'a pas pu suivre l’américain Apple, puis le coréen Samsung.
Nokia a tenté à plusieurs reprises d’enrayer sa chute. En s’alliant avec un autre géant qui avait, lui aussi, raté la révolution des mobiles, l’américain Microsoft, Nokia avait tenté de rattraper son retard. En vain. Les modèles Lumia produit sur la base du logiciel Windows n'ont pas rencontré le succès escompté. Aujourd’hui la marque nordique fait ce qu’elle a toujours fait, elle vend ce secteur pour se lancer sur d’autres marchés. En 1992, elle avait vendu toutes ses activités pour se lancer dans la téléphonie, avec son premier modèle le Nokia 1011. Le début d’une success story, aujourd’hui arrêtée.
Blackberry : la chute
Le fabricant canadien de smartphones BlackBerry, en difficulté sur un marché de plus en plus concurrentiel, a annoncé début septembre explorer des alternatives stratégiques parmi lesquelles une vente partielle ou totale de la société.
BlackBerry, pionnier de l'internet mobile, autrefois coqueluche des investisseurs et des cadres supérieurs, a été mis en difficulté par l'iPhone d'Apple et les appareils utilisant le système d'exploitation Android de Google. Sa nouvelle ligne de smartphones BlackBerry 10, lancée en début d'année, n'a pas enrayé le déclin de ses parts de marché.
La nouvelle gamme des BlackBerry 10 a été commercialisée au moment où le segment haut de gamme du marché commençait à montrer des signes de saturation. Samsung Electronics a récemment publié des résultats inférieurs aux attentes et Apple a subi au premier trimestre une érosion de ses bénéfices, une première depuis plus d'une décennie.
Sur le marché d'entrée et de milieu de gamme, la concurrence s'intensifie également avec la montée en puissance de fabricants chinois comme Huawei Technologies et ZTE.
Microsoft perd la tête
Le géant de l’informatique, qui a richement vécu sur le succès des PC équipés Windows et Word, connaît une mauvaise passe. Au point que son DG, Steve Ballmer, a annoncé en août un départ anticipé, 13 ans après son arrivée à la tête du groupe. Départ qui a provoqué une hausse du cours de l’action qui avait baissé de plus de 35% depuis sa nomination… Il faut dire que Microsoft, aussi, a raté plusieurs virages: après avoir eu du mal à se mettre à l’Internet, il a lui aussi manqué la révolution du mobile intelligent.
Pour tenter de se positionner sur ce marché, l’entreprise, créée notamment par Bill Gate, avait passé une alliance avec Nokia (un homme de Microsoft avait d’ailleurs pris la direction du groupe finlandais) pour développer des portables équipés d’un système Windows. Mais le mariage n’a pas convaincu les acheteurs et le système Windows pour téléphone reste loin derrière Androïd et Apple. Même déconvenue dans les tablettes, puisque le modèle de Microsoft, Surface, n’a pas non plu réussi à se faire une place.
En achetant aujourd’hui la branche téléphonie mobile de Nokia, Microsoft va pouvoir contrôler toute la chaîne, l’OS (le système d'exploitation) et l’appareil, comme le font déjà Apple et Android (Google avait acheté Motorola) de quoi dégager de meilleures marges, de mieux gérer l’écosystème (les applications). Mais, avec cette concentration verticale, Microsoft court le risque de fâcher les marques qui étaient prêtes à choisir son OS. Avec cet achat, Microsoft espère se positionner sur ce secteur. Un pari dangereux.
Dans cet esprit, la logique pourrait être l'arrivée de l’ex-PDG de Nokia, venu donc de Microsoft, Stephen Elop, à la tête du groupe.
iPod, iMac, iPhone, iPad… Icahn
Même l'inventeur de l'iPhone et de l'iPad, Apple, n'est pas à l'abri des problèmes. A la première baisse de ses profits et de son cours de bourse, les difficultés apparaissent.
Icahn, ce n’est pas un nouveau produit Apple, c’est le nom du raider qui annonce vouloir faire monter le titre de la société en l’obligeant à racheter une part de son capital. Carl Icahn, nom d’un vieux monsieur qui profite des règles du capitalisme pour gagner des fortunes.Il entend obliger Apple a dépenser une partie de ses bénéfices (et réduire ainsi ses fantastiques capacités d'investissement) pour réduire son nombre de titres. Il a donc massivement investi dans Apple pour en tirer une jolie plus-value.
Au-delà de l’aspect boursier, cette pression mise sur la société à la pomme montre que depuis le décès de Steve Jobs en octobre 2011, Apple n’est plus aussi triomphante. Trajectoire boursière en panne et manque supposé d'innovation pèsent sur l'image du groupe qui a vu le système Androïd, lancé par Google, lui passer largement devant. Résultat, Apple se fait devancer par Samsung, alors que les deux entreprises se livrent une guerre commerciale et juridique sans merci.
Au 3e trimestre 2013, le bénéfice net était en recul et les ventes d’iPad ont marqué le pas. Apple est désormais obligé de rassurer ses fans (et les investisseurs) qui attendent toujours plus de nouveautés de la part de la marque à la pomme, à qui on pardonne moins qu'à d'autres toute erreur dans l'innovation. En septembre, normalement, Apple doit dévoiler un nouveau modèle d'iPhone, autour desquels les rumeurs vont bon train. De quoi rassurer Carl Icahn ?
Yahoo: la résurrection Marissa Mayer
Le groupe internet américain Yahoo, créé en 2004, qui tente de redresser ses résultats, a dépassé en juillet son rival Google en termes de fréquentation de ses pages pour la première fois depuis deux ans aux Etats-Unis, d'après une étude du cabinet spécialisé Comscore. C'est la première fois depuis mai 2011 que Yahoo prend la tête du classement devant Google, qui était depuis lors le numéro un, selon Comscore.
Et les chiffres ne prennent pas en compte le très populaire site de blogs Tumblr, racheté par Yahoo en mai. Tumblr figure encore séparément dans le classement, à la 28e place, devant Twitter, 30e du classement.
Les marchés boursiers ont salué l’information qui devrait conforter la DG du groupe, Marissa Mayer, dans sa politique dynamique à la tête de Yahoo, en achetant notamment de nombreuses entreprises. S’il est trop tôt pour parler de résurrection pour Yahoo, ces résultats montrent que dans le monde de l’Internet les positions ne sont jamais acquises.
Venue de Google en 2012, Marissa Mayer essaye de relancer la marque Yahoo par une politique d’achats pour dynamiser le groupe dans des secteurs où il est en retard (consultations sur mobile ou publicité). Elle a ainsi acheté Tumblr. Elle avait aussi essayé de s'offirir Dailymotion, mais la vente du site de vidéos en ligne a été bloquée par Paris.
Aujourd’hui, après avoir personnalisé le groupe (en posant dans Vogue par exemple), elle vient de lui donner une nouvelle image, en modifiant son logo… quasiment inchangé depuis sa création.
L'actuelle hiérarchie des groupes qui dominent l'Internet ou la téléphonie mobile (Google, Apple, Facebook, Samsung...) peut changer très rapidement avec la multiplication des secteurs touchés par la mobilité ou l'Internet: télévision, banques... Des virages à ne pas manquer pour rester dans la course... La roche Tarpeienne n'est jamais loin.
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