L'ancien président américain Jimmy Carter est mort à l'âge de 100 ans
"C'est probablement un des rares présidents dont on se souvient pour ce qu'il a accompli après son mandat." Ces mots, prononcées par une Américaine interrogée par Radio Canada lors d'une rencontre avec Jimmy Carter en 2019, résument l'héritage du 39e chef de l'Etat américain. Le démocrate avait passé la deuxième partie de sa carrière à militer pour les droits humains et la paix dans le monde. Il est mort "paisiblement" et "entouré de sa famille" le 29 décembre, à l'âge de 100 ans, a annoncé la fondation Carter Center dans un communiqué. Il était le plus vieux président américain encore en vie.
Jimmy Carter avait annoncé en 2015 qu'il souffrait d'un cancer du cerveau et bénéficiait de soins à domicile depuis près deux ans. Le président sortant, Joe Biden, a décrété une journée de deuil national le 9 janvier en l'honneur du démocrate et promis la tenue de funérailles nationales.
D'une ferme de Géorgie à la Maison Blanche
James Carter naît le 1er octobre 1924 à Plains, une bourgade du sud de l'Etat de Géorgie. Fils d'un cultivateur d'arachides, il rencontre Rosalynn Smith, une amie de sa petite sœur, en 1945. Ils se marient un an plus tard, alors que "Jimmy" vient d'obtenir son diplôme de l'école navale d'Annapolis. Ensemble, ils ont quatre enfants : Jack, Chip, Jeff et Amy Lynn.
Engagé dans la Marine, Jimmy Carter sert sur plusieurs sous-marins avant de reprendre la ferme familiale à la mort de son père, en 1953, raconte son musée. Il se lance en politique au début des années 1960. D'abord élu au Congrès de Géorgie, il devient gouverneur de l'Etat en 1970. Le jeune démocrate marque les esprits avec un programme axé sur l'écologie et la lutte contre les discriminations raciales, rappelle la Maison Blanche. Et il ne s'arrête pas là : alors que rien ne le prédestinait à une carrière en politique, Jimmy Carter annonce en 1974 sa candidature à la présidentielle.
La partie est loin d'être gagnée. "Il était quasi inconnu au niveau national", rappelle le Miller Center. "Jimmy Qui se présente à quoi ?!" raille le principal journal de Géorgie après l'annonce de sa candidature. Mais, dans une Amérique récemment choquée par le scandale du Watergate, le relatif anonymat de Jimmy Carter devient un atout dans la campagne pour les primaires démocrates. Le gouverneur se présente comme un politicien qui s'est construit loin des arcanes de la capitale, prêt à "nettoyer le bazar à Washington".
L'idée séduit la population, dont la défiance envers le gouvernement avait atteint des sommets. Début 1976, l'ancien agriculteur remporte les deux premiers scrutins des primaires, dans l'Iowa et le New Hampshire. Il fait campagne dans tous les Etats, tentant de grappiller des voix partout où il le peut, rappelle le Miller Center. C'est un succès : en juillet, il est officiellement nommé candidat du parti démocrate lors de la Convention nationale à New York.
Elu de peu, puis largement battu
Dans la course à la Maison Blanche, Jimmy Carter fait face au président sortant Gerald Ford. Le républicain a été propulsé dans le Bureau ovale après la démission de Richard Nixon et sa popularité est en berne, relève le Miller Center. Une partie de l'opinion publique lui reproche d'avoir accordé un pardon présidentiel à son prédécesseur, épargnant à ce dernier toute poursuite judiciaire dans l'affaire du Watergate. En prime, Ford enchaîne les gaffes pendant la campagne, faisant pencher la balance en faveur de Jimmy Carter. Le 2 novembre 1976, le démocrate est élu avec une courte avance sur son adversaire.
En quatre ans à la Maison Blanche, Jimmy Carter s'offre plusieurs accomplissements majeurs : il sert d'intermédiaire pour la signature des accords de Camp David entre l'Egypte et Israël, signe le traité du canal du Panama et normalise les relations avec la Chine communiste, liste Al-Jazeera. Au niveau national, il œuvre aussi à la protection des espaces naturels, développe le ministère de l'Education et instaure des règles pour lutter contre la corruption au sein de l'administration, souligne le New York Times.
"Il est celui qui a redonné de la légitimité à la présidence et qui n'a pas menti aux Américains. Il a fait ce qu'il a dit."
Barbara Perry, politologue au Miller Centerà Al-Jazeera
Mais le démocrate se heurte à des obstacles conséquents : une crise énergétique mondiale et une inflation galopante qu'il ne parvient pas à endiguer, rappelle la radio américaine NPR. Alors que sa popularité est en chute, la crise iranienne de 1979 finit d'entacher son image. Le 4 novembre, un groupe de 400 étudiants prend en otages 66 diplomates dans l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran. Washington organise une opération de sauvetage en avril 1980, mais elle se solde par un échec et la mort de huit militaires américains, rappelle Le Point. En novembre de la même année, Jimmy Carter est écrasé par Ronald Reagan lors de l'élection présidentielle (489 votes de grands électeurs pour le républicain, contre 49 pour le chef d'Etat sortant).
Son militantisme récompensé par un Nobel
C'est finalement après ce court passage à la Maison Blanche que les actions de Jimmy Carter ont été le plus louées, pointe le Constitution Center. En 1982, il crée une fondation pour promouvoir les droits humains et la démocratie. Le Carter Center participe aux tentatives de résolution diplomatique de plusieurs conflits, de la Corée du Nord au Moyen-Orient en passant par le continent africain, liste la Jimmy Carter Library. On lui confie aussi des missions d'observation d'élections à travers le monde.
En parallèle, la fondation lutte pour l'éradication de maladies tropicales comme la malaria, souligne la radio américaine WNYC. Et Jimmy Carter engrange un succès notable dans ce domaine : en 2015, on ne comptait plus que 22 cas de dracunculose dans le monde, contre plusieurs millions au milieu des années 1980, remarque Vox. Un incroyable recul permis par les efforts de prévention déployés par le Carter Center, insiste le site.
Les diverses actions humanitaires de Jimmy Carter sont récompensées, en 2002, par un Nobel de la paix. Le prix lui est décerné pour saluer ses "efforts inlassables" pour faire progresser la démocratie et les droits humains, note Al-Jazeera. "Ce qu'ils ont entrepris pour le bien de l'humanité, avec sa femme Rosalynn, contraste avec la manière dont les autres présidents ont décidé d'utiliser leur temps", estime son biographe, Jonathan Alter, interrogé par la chaîne qatarie.
Un retour à ses terres natales
S'il ne perd rien de son engagement politique lors de cette deuxième carrière, Jimmy Carter choisit en revanche de mener une vie plus modeste que la plupart des ex-présidents. Il retourne vivre à Plains et se refuse à tirer profit de son passage à la Maison Blanche pour obtenir des postes dans de grosses entreprises ou être rémunéré pour ses interventions en public, relève Courrier international. Contraint de vendre sa ferme, il vit de sa confortable retraite de chef d'Etat et de droits d'auteurs, publiant une trentaine d'ouvrages au fil des ans.
L'une de ses plus récentes batailles était contre le cancer. En 2015, Jimmy Carter s'était vu diagnostiquer un mélanome, qui avait atteint son foie et son cerveau. Il avait finalement été déclaré en rémission après quatre mois de radiothérapie, rapporte NBC News. "Mon IRM la plus récente ne révèle aucun signe des tumeurs d'origine, ni de nouvelles lésions", s'était alors félicité le démocrate de 91 ans, qui avait poursuivi ses actions caritatives pendant son traitement.
La santé de l'ancien président s'était toutefois dégradée à la fin de sa vie. En 2019, il avait été hospitalisé à plusieurs reprises et avait dû subir une intervention pour "relâcher la pression sur son cerveau, causée par un saignement survenu après [de] récentes chutes", rappelle Le Monde. L'un de ces incidents lui avait également valu une fracture du bassin.
Jimmy Carter n'était plus apparu en public depuis les obsèques de son épouse Rosalynn, en novembre 2023. La même année, en février, sa fondation avait annoncé qu'il voulait désormais "recevoir des soins palliatifs" à son domicile, "plutôt qu'une intervention médicale supplémentaire". Il souhaitait ainsi "passer le temps qu'il lui [restait] chez lui, avec sa famille".
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