Exposés, des membres du site Ashley Madison dénoncent "une humiliation publique"
Les noms et coordonnées de millions d'utilisateurs de ce site de rencontres extraconjugales ont été dévoilés par des hackers. Ils témoignent.
"La vie est courte. Tentez l'aventure" : des millions d'internautes se sont laissé tenter par la devise du site de rencontres extraconjugales Ashley Madison. Leur vie pourrait bien basculer après la publication en ligne, mardi 18 août, de données piratées sur les utilisateurs du site : entre autres, leurs nom et pseudonyme, leur adresse e-mail et, parfois, leur adresse postale.
Le groupe de hackers, qui se fait appeler Impact Team, justifie son geste par la morale. En juillet, après avoir piraté Ashley Madison et un autre site de rencontres, Established Men, ils avaient lancé un ultimatum demandant la mise hors ligne des deux sites, sous peine de révéler les secrets de leurs membres. "Tant pis pour ces hommes, ce sont des salauds adultères", expliquaient alors les pirates. Cette fuite a touché quelques figures publiques, comme un conservateur américain chantre de la fidélité, mais surtout des particuliers. Des médias américains ont retrouvé la trace de certains d'entre eux, qui témoignent anonymement.
En apprenant la nouvelle, il a failli vomir
"Cela va détruire mon mariage", explique Tom, terrifié, au site Fusion (tous les liens de cet article sont en anglais). Utilisateur d'Ashley Madison depuis des années, "il a failli vomir" en apprenant que le site avait été piraté, et a immédiatement effacé son compte, trop tard. Un autre utilisateur, qui a rencontré sa maîtresse sur le site, anticipe les conséquences s'il était démasqué par sa femme : "C'est le divorce, sans aucun doute."
Mais, si ces utilisateurs étaient actifs, d'autres avaient tourné la page et voient cette révélation comme une injustice. Un homme explique à Fusion qu'il s'était inscrit après avoir été trompé par sa femme, sans jamais passer à l'acte : "Nous essayons de mettre [cet épisode] derrière nous", assure-t-il, et ce piratage "peut tout faire ressurgir".
"Est-il possible que je me sois inscrite ivre, sur un coup de tête ?"
Comme lui, certains utilisateurs assurent s'être inscrits, mais n'avoir jamais vraiment utilisé le site. Une journaliste de Buzzfeed a ainsi retrouvé un ex-petit ami dans la base de données : "Bien sûr que je me suis inscrit. J'ai le sentiment que tout le monde y a jeté un œil après tous les articles qui en parlaient", explique-t-il. Il est l'une des rares victimes de ce piratage à se dire plutôt détendu : "Je ne suis pas un homme politique, ou une autorité morale quelconque. L'impact sur ma vie est à peu près inexistant."
Il y a aussi ceux qui assurent qu'ils n'ont rien à faire sur la liste des utilisateurs. Ashley Madison ne vérifiait pas l'authenticité des adresses mail de ses membres : dans les documents piratés, certaines sont donc fausses – l'une d'elles était au nom de l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair – et d'autres ont été usurpées, du moins selon leur propriétaire. "Une adresse mail que je n'utilise plus semble avoir été récupérée par des hackers", s'est ainsi défendue la députée britannique Michelle Thompson. Sur le site Salon, une journaliste raconte de son côté sa surprise, puis sa panique, après avoir découvert que sa propre adresse faisait partie du lot : "Est-il possible que j'ai été ivre et que je me sois inscrite sur un coup de tête ?"
"Je ne suis pas un personnage public, je suis juste une personne normale"
Enfin, face aux réactions des internautes, dont certains se réjouissent de la mésaventure des utilisateurs d'Ashley Madison, une femme a tenu à faire une mise au point dans les commentaires du site The Intercept. "C'est de moi que vous parlez. Je suis membre d'Ashley Madison depuis longtemps." "La situation médicale de mon époux a sérieusement affecté notre vie intime", explique C., qui assure que son compagnon sait tout de ses aventures, et qu'elle ne contacte que les inscrits qui partagent sa situation. "A cause de ce piratage", mais aussi "de personnes comme vous, qui n'ont aucune empathie, écrit-elle, je vais probablement perdre des amis, au travail et dans ma vie personnelle, et devoir trouver un nouvel employeur."
"C'est une humiliation publique", résume Tom, le premier homme cité par Fusion. "Ce n'est pas comme si ma femme m'avait surpris dans un hôtel avec quelqu'un d'autre. Là, je suis en train de parler avec une journaliste qui connaît mon nom, mon adresse, et sait que j'ai utilisé un site de rencontres pour personnes mariées. Et je ne suis pas un personnage public. Je suis juste une personne normale."
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