Cannabis, "Ironman" et bévues : la vie stupéfiante de Gary Johnson, le troisiÚme homme de la présidentielle américaine
Le candidat du parti libertarien a réussi à se faire une place dans la course à la Maison Blanche, derriÚre la démocrate Hillary Clinton et le républicain Donald Trump.
Une bourde énorme. Présent, jeudi 8 septembre, en direct sur MSNBC, Gary Johnson a eu un échange surréaliste avec le journaliste qui l'interrogeait.
- "Que feriez-vous, si vous Ă©tiez Ă©lu, Ă propos d'Alep ?"
- "A propos d'Alep ? Et c'est quoi Alep ?"
- "Vous vous moquez de moi ?"
- "Non."
Voici le genre de gaffe qu'il ne faut pas commettre quand on souhaite diriger la premiĂšre puissance mondiale. De son propre aveu, le candidat du parti libertarien Ă la prĂ©sidentielle amĂ©ricaine a "eu un trou". Il a Ă©tĂ© incapable de rĂ©pondre quand il a Ă©tĂ© interrogĂ© sur l'ancienne capitale Ă©conomique de la Syrie, assiĂ©gĂ©e depuis des mois par l'armĂ©e du rĂ©gime syrien. "Ăa arrive et ça arrivera encore pendant la campagne", a tentĂ© de dĂ©dramatiser, un peu plus tard, celui qui est considĂ©rĂ© comme le troisiĂšme homme de cette campagne Ă©lectorale.
"Cette élection est tellement folle que je pourrais devenir président"
Ce n'est pas la premiĂšre fois que le candidat se fourvoie. En juin, dans une interview au Daily Beast, il avait affirmĂ© que le groupe Etat islamique Ă©tait une menace "vraiment rĂ©gionale" et "contenue". Et, dans un autre registre, que "la Chine a un taux d'incarcĂ©ration plus faible que celui des Etats-Unis" et qu'"elle ne surveille pas ses citoyens comme le font les Etats-Unis". Il y a aussi eu cette fois oĂč il avait Ă©tĂ©Â interrogĂ© lors d'un meeting sur les "Colonias", ces localitĂ©s informelles situĂ©es aux Etats-Unis prĂšs de la frontiĂšre mexicaine. Il avait sĂ©chĂ©. "Je n'avais pas rĂ©alisĂ© que ça sâappelait 'Colonias'", s'est-il excusĂ©. Embarrassant lorsqu'on a Ă©tĂ© gouverneur du Nouveau-Mexique pendant huit ans.
A deux mois de l'Ă©lection, Gary Johnson plastronne. Il est crĂ©ditĂ© de 13% des voix, selon une moyenne de sondages rĂ©alisĂ©s pour le Washington Post dans les 50 Etats et publiĂ©s mardi. Du jamais-vu depuis 1992, et l'indĂ©pendant Ross Perot, pour un "petit candidat". Gary Johnson n'avait totalisĂ© que 0,99% des voix, quand il s'Ă©tait prĂ©sentĂ© pour la premiĂšre fois Ă la prĂ©sidentielle sous les couleurs libertariennes en 2012 face Ă Barack Obama et Mitt Romney.Â
Moins d'Etat et toujours plus de libertĂ©s individuelles : le parti libertarien, sur la mĂȘme ligne que les conservateurs sur les questions Ă©conomiques et avec les dĂ©mocrates sur les questions de sociĂ©tĂ©, parvient toujours Ă grappiller une partie de l'Ă©lectorat centriste. Cette annĂ©e, l'impopularitĂ© de la dĂ©mocrate Hillary Clinton et du rĂ©publicain Donald Trump profite particuliĂšrement Ă Â Gary Johnson. "Cette Ă©lection est tellement folle que je pourrais trĂšs bien devenir le prochain prĂ©sident", fanfaronnait le candidat, la fin aoĂ»t, lors d'une interview Ă Fox News, reprise par USA Today.Â
L'homme est favorable au mariage gay, Ă la lĂ©galisation du cannabis et Ă la rĂ©gularisation des immigrants illĂ©gaux. Mais il est aussi pro-avortement et pro-armes, comme il l'a rĂ©affirmĂ©Â aprĂšs la tuerie d'Orlando, observe USA Today.Â
Le gouverneur roi du droit de veto
A 63 ans, ce fils d'un enseignant et d'une employĂ©e du Bureau des affaires indiennes, nĂ© dans le Dakota du Nord et diplĂŽmĂ©Â de science politique, aime relever les dĂ©fis, quitte Ă se salir les mains. L'homme d'affaires a ainsi confiĂ© Ă The Atlantic avoir construit sa maison de ses propres mains. AprĂšs avoir crĂ©Ă© une entreprise de construction, Big J. Enterprises, qui l'a rendue multimillionnaire, il a conquis sous la banniĂšre rĂ©publicaine l'Etat du Nouveau-Mexique, dĂ©mocrate par tradition, en 1994. En 1998, il a mĂȘme Ă©tĂ© rĂ©Ă©lu dans un fauteuil pour un second mandat.Â
En tant que gouverneur, Gary Johnson a établi un record national : il a usé de son droit de veto pour bloquer des projets de loi à 750 reprises, 200 fois rien que pendant ses six premiers mois de mandat, relÚve High Beam. Il a procédé à quatorze baisses d'impÎts et aucune augmentation. Au passage, il a aussi licencié 1 200 fonctionnaires, note Le Monde. Et lorsqu'il a quitté ses fonctions en 2003, il a laissé un excédent budgétaire d'un milliard de dollars. Un bilan dont il a fait un argument de campagne pour la présidentielle, souligne La Tribune.
Un "Ironman" qui vise les sommets
En campagne, Gary Johnson s'affiche volontiers avec une paire de baskets Nike aux pieds. Quitte Ă dĂ©pareiller avec son Ă©lĂ©gant costume. Une maniĂšre de rappeler son goĂ»t pour les sports extrĂȘmes. L'homme politique aux cheveux grisonnants a participĂ© Ă trois "Ironman" Ă HawaĂŻ, enchaĂźnant 3,9 km Ă la nage, 180 km Ă vĂ©lo et pour finir un marathon.
L'homme politique est aussi l'un de ces "summiters", avides d'altitude. Il a bouclé le "Seven Summit", ni plus ni moins que l'ascension des septs plus hauts sommets des sept continents. Y compris les 8 848 m de l'Everest, gravi en 2003 au prix de quelques orteils gelés, précisé le Washington Times. En 2005 à Hawaï, un accident de parapente a failli lui coûter la vie. VertÚbre fracturée, cÎte brisée, genou cassé... Sa convalescence a duré trois ans. Il a perdu 3,8 cm, mais il s'en est tiré. Pour combattre la douleur, il a fumé du cannabis, rapporte le Weekly Standard.
Joints et chewing-gums au cannabis
La marijuana est l'une de ses vieilles marottes. En juillet, il confiait au New Yorker qu'il avait dĂ» rĂ©duire sa consommation pendant sa premiĂšre campagne Ă©lectorale en 1994. Pas plus de deux fois et demi par semaine. De 2014 Ă 2016, il a Ă©tĂ© Ă la tĂȘte de Cannabis Sativa, une entreprise du Nevada, spĂ©cialisĂ©e dans la culture et la commercialisation de marijuana. Un poste dont il a dĂ©missionnĂ© en janvier au moment de se lancer dans la course Ă la Maison Blanche, pour lisser son profil. Reste que, depuis 1999, il plaide pour la lĂ©galisation du cannabis.Â
La derniÚre fois qu'il a plané, disait-il encore au début de l'été, c'était lors d'une soirée chez lui à Santa Fe avec sa fiancée. Il avait mùché des Cheeba Chews, des chewing-gums au cannabis. "Quand je serai président, je ne m'adonnerai à rien, rassure-t-il. Je ne pense pas que vous vouliez de quelqu'un qui réponde au téléphone - le téléphone rouge - à 2 heures en étant ivre ou dans un état second."
Gary Johnson a toutefois peu de chances de s'installer dans le bureau ovale. Pour l'heure, il se bat pour participer aux cÎtés de Hillary Clinton et Donald Trump aux débats présidentiels - ces trois importantes joutes télévisées prévues en septembre et octobre. Mais pour ce faire, il doit obtenir 15% dans cinq sondages nationaux. Une mission quasi-impossible. Fataliste, il conclut, relayé par Les Echos : "Si je n'ai pas le droit de participer, c'est fini pour moi."
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