Ascenseur en or, checkpoints et Gremlins... Bienvenue à la Trump Tower, la nouvelle annexe de la Maison Blanche
Une fois investi président, à la fin janvier, Donald Trump va devoir s'installer à Washington, comme tous ses prédécesseurs. Mais contrairement à eux, le magnat de l'immobilier vivait déjà dans une forteresse à sa gloire : la Trump Tower, à New York.
Le New York Times lui a trouvé le surnom adéquat : "White House North", l'aile nord de la Maison Blanche. Depuis son élection le 8 novembre, et jusqu'à son investiture, le 20 janvier, le président-élu Donald Trump passe le plus clair de son temps chez lui, dans la Trump Tower. Dans l'immeuble qu'il a inauguré en 1983, en plein cœur de Manhattan, à New York (Etats-Unis), le magnat de l'immobilier prépare "la transition", soit le passage de relais entre l'équipe de Barack Obama et la sienne, avant un déménagement, à contre-cœur, vers Washington D.C., la capitale. Son épouse Melania et leur fils Barron, âgé de 10 ans, pourraient d'ailleurs ne le rejoindre qu'à la fin de l'année scolaire.
La Trump Tower apparaît comme l'essence même de l'identité Trump. Un authentique chez-lui, voire une partie de lui-même, intégrée, de gré ou de force, au patrimoine new yorkais. Un écosystème conçu par et pour le milliardaire, à son image : atypique et "too much".
"L'ego de Trump" condensé dans un immeuble
"L'immobilier est un business doté d'une longue tradition de mégalomanie de haut vol, dans lequel les maîtres bâtisseurs s'efforcent d'ériger des monuments à la gloire de leur vision", écrivait une journaliste du New York Times (en anglais), de retour d'un reportage dans la Trump Tower, en août 1983. Quelques mois après l'inauguration de ce bâtiment hors-norme mêlant espaces ouverts au public, commerces, bureaux, restaurants et logements luxueux, elle comprend qu'il faut observer la tour pour comprendre l'homme. Elle titre judicieusement : "L'empire et l'égo de Donald Trump." Plus qu'un investissement, la Trump Tower est un trophée, planté au beau milieu de la prestigieuse 5e avenue de New York.
En 1979, à l'âge de 33 ans, Donald Trump y rachète un petit immeuble de style art-déco, typique de la fin des années 1920. Le musée d'Art moderne de New York, le MET, lui demande alors s'il peut récupérer les sculptures qui ornent sa façade, mais le jeune magnat démolit l'édifice sans états d'âme. Il veut faire table rase du passé pour construire son propre gratte-ciel, qu'il veut le plus haut possible, évidemment. Aux architectes qui lui présentent des maquettes en bois de la future Trump Tower, il demande de scier quelques étages de la reproduction de la tour General Motors voisine, de sorte qu'elle apparaisse plus petite que la sienne, raconte un ancien assistant modéliste au New York Times (en anglais). Par un autre tour de passe-passe, il assure depuis trente-trois ans que la Trump Tower compte 68 étages, quand elle n'en compte, en réalité, que 58.
A l'intérieur, il se vante d'avoir installé une cascade dans l'atrium, dont les murs de marbre rose "donnent aux gens l'impression qu'ils sont plus beaux", selon lui. Le vrai défi, cependant, réside dans la déco de son triplex : avec ses fresques au plafond, ses colonnes de marbre, ses lustres en cristal et autres meubles et moulures couvertes de feuilles d'or, l'appartement familial évoque l'improbable collocation entre Louis XIV et de Hugh Hefner, le patron de Playboy. "Réaliser cela a été plus difficile que de construire l'immeuble lui-même", s'est-il réjoui, toujours prêt à frimer. A côté, la résidence de la famille Obama et son mariage élégant d'art contemporain et de mobilier historique, au premier étage de la Maison Blanche, passe pour une auberge de jeunesse.
Une vie construite à la verticale
Donald Trump a 37 ans quand il s'installe au dernier étage de la Trump Tower en compagnie de sa première épouse, Ivana, son fils aîné, Donald Jr., 5 ans et sa fille Ivanka, 3 ans. Eric, le troisième enfant du couple, naît quelques mois plus tard, en janvier 1984. La petite famille dispose de plusieurs résidences, mais c'est au sommet de la tour que le milliardaire est chez lui : depuis le rez-de-chaussée, il peut emprunter un ascenseur privé – en or, comme le montre ce tweet – qui le conduit au siège de sa société, installée au 26e étage. Une fois le business terminé, il rejoint de la même façon ses appartements pour profiter de sa vie de famille.
En grandissant, les trois enfants de ce premier mariage ont tous obtenu le statut de "vice-président" de la Trump Organisation et le bureau qui va avec, juste en dessous de celui de leur papa. Dans ses mêmes murs, la chaîne NBC a tourné 14 saisons de son émission de télé-réalité "The Apprentice", où Donald Trump joue son propre rôle, celui d'un recruteur tyrannique. C'est aussi dans la Trump Tower, et son immense hall, que Donald Trump a annoncé sa candidature aux primaires du parti républicain, le 16 juin 2015. Et c'est au cinquième étage qu'il a installé son QG de campagne. Enfin, s'il a arpenté l'Amérique en long en large et en travers pendant la campagne présidentielle, il a toujours insisté pour rentrer chaque soir (en jet privé, donc) se coucher chez lui, précise le New York Times. Là où il a accompli sa vie et son œuvre, à la verticale.
Politique, business, tourisme... Le lieu du mélange des genres
Depuis son élection, du beau monde se presse devant son prestigieux ascenseur. D'anciens candidats à la présidentielle, de futurs membres de son gouvernement, des élus du Congrès, des conseillers, des journalistes vedettes... Dans le building où se sont implantées des boutiques Nike, Gucci ou Starbucks, touristes, curieux et employés côtoient ainsi la presse et les futurs hommes forts du pays. Comme sur cette photo d'un journaliste du Washington Post, où l'ancien vice-président de George Bush (le père) patiente dans le hall, pendant que Kellyanne Conway, directrice de campagne du candidat Trump prend la pose pour un selfie avec un fan.
Former Vice President Dan Quayle waits in Trump Tower lobby as @KellyannePolls obliges a selfie seeker. #2016 pic.twitter.com/7dUDSZb3vU
— David Nakamura (@DavidNakamura) November 29, 2016
Outre l'incongruité de la situation, cette proximité du président-élu et de sa famille avec le touriste lambda, voire donc d'un potentiel agresseur, constitue un défi inédit pour les services secrets et la police. Avec des manifestations anti-Trump quotidiennes sur le trottoir, 50 policiers ont été déployés uniquement pour réguler le trafic à proximité de la Trump Tower, selon le New York Times (en anglais).
Et pour cause, la mairie a été contrainte de fermer plusieurs voies à la circulation sur cette artère archi-fréquentée. A proximité de l'entrée, les badauds qui s'approchent doivent ouvrir leurs sacs à des checkpoints, délimités par des barrières en bétons et gérés par des agents de sécurité. Un journaliste de Salon (en anglais), venu explorer le jardin installé au quatrième étage de la tour, raconte même une rencontre incongrue avec un agent des services secrets et un militaire en tenue de combat. Selon CNN (en anglais), protéger les Trump dans leur immeuble coûte plus d'un million de dollars par jour à la municipalité.
Une icône new yorkaise décriée
Dès la fin des années 1980, la Trump Tower est devenue une icône de la ville. Lieu touristique, elle s'est aussi transformée en symbole d'un capitalisme sans limite et du culte de la consommation. Ainsi, elle sert de modèle à la tour Clamp, imaginée par Joe Dante, dans le film Gremlins 2. Or, critiquer la Trump Tower, c'est dénoncer les valeurs de son principal occupant : rétrospectivement, le réalisateur confiait en 2015 à Télérama avoir tourné le "premier film anti-Trump de l'histoire du cinéma américain". Associé à une image de bling-bling et d'immoralité, l'immeuble a visiblement inspiré le building représenté sur la jaquette du jeu Grand Theft Auto, en 1997, relèvent les internautes.
Enfin, quand le réalisateur Christopher Nolan cherche, pour The Dark Kight Rises, un endroit susceptible d'incarner l'entrée de la Wayne Enterprise, l'empire du milliardaire Bruce Wayne, plus connu sous le nom de Batman, il opte pour la Trump Tower. Bref, l'archétype d'un lieu où se mélangent argent et pouvoir, qui pourrait bien devenir le point de ralliement des adversaires du nouveau président. Le 26 novembre, le quartier général du président élu a d'ailleurs été renommé sur Google Maps par des internautes facétieux : la Trump Tower est brièvement devenue la Dump Tower, la "tour décharge".
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