: Carte Aux Etats-Unis, le droit à l’avortement est de nouveau menacé
Les sénateurs de l'Alabama se sont prononcés mardi soir en faveur d'une interdiction quasi-totale de l'avortement dans le cadre d'une campagne nationale ayant pour but d'amener la Cour suprême des États-Unis à revenir sur ce droit constitutionnel reconnu depuis 1973.
C’est une nouvelle bataille autour de l’avortement que le Sénat de l'Alabama a engagée. En adoptant mardi 14 mai un projet de loi qui interdit presque totalement l'interruption volontaire de grossesse, les élus locaux s’opposent à une décision historique de la Cour suprême des États-Unis, qui reconnaissait en 1973 le droit des femmes à avorter.
La loi de plus en plus restrictive
En vertu de la jurisprudence Roe v. Wade, en effet, tant que le fœtus n'est pas viable, c’est-à-dire avant 24 semaines a minima, il est possible, selon la loi fédérale américaine, de choisir de le conserver ou pas. Mais en 46 ans, cette décision a cumulé les restrictions. État par État, les dispositions spécifiques se sont multipliées, contribuant à circonscrire l’application du droit à avorter.
En pratique, 42 États exigent que l’IVG soit pratiquée par un médecin agréé, et parfois dans un hôpital, 19 imposant même un deuxième avis médical. Encore faut-il que la patiente puisse effectivement trouver les professionnels ou l’établissement idoine dans un périmètre raisonnablement accessible.
42 États, encore, autorisent les hôpitaux à refuser de pratiquer les avortements. 43 États fixent une limite, en général autour de 24 semaines de grossesse, après laquelle l’avortement est interdit, sauf quand la santé ou la vie de la mère sont menacées. 20 États ont même adopté le Partial-Birth Abortion Act, promulgué par le président Bush en 2003, qui proscrit l’interruption médicale de grossesse, au-delà du stade de viabilité du fœtus, et quelque soit son potentiel de survie.
Rares sont les États – 16 sur 52 – qui consacrent de l’argent public aux avortements nécessaires chez ceux qui ne peuvent pas les financer. Pire, ils sont 33, y compris le District de Columbia, siège du gouvernement fédéral, à tout simplement interdire l’appel aux fonds publics hors cas extrêmes : lorsque la vie de la mère est menacée et lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’inceste.
Des États autorisent les assurances à refuser l'IVG
Dans un pays où la santé est principalement affaire de financement privé, 11 États demandent aux assurances de limiter la prise en charge des avortements, le plus souvent limitée aux cas où la grossesse menacerait la vie de la mère. Dans certains Etats, les assurés peuvent étendre la couverture d’un éventuel avortement… moyennant une surprime.
Plus encore, 45 États autorisent les assurances à refuser l’IVG. Dans 18 États, les femmes qui souhaitent avorter doivent voir un conseiller au préalable, et dans 27 États, elles doivent attendre un à trois jours pour pouvoir mettre un terme à leur grossesse. Quitte, dans 14 États, à devoir faire le voyage deux fois. Enfin, pour les femmes mineures, l’information d’au moins un parent est requise dans 37 États.
Dans 26 d’entre eux, le consentement parental doit être obtenu. Ce qui n’a semble-t-il pas suffi à satisfaire le camp des pro-life, ainsi que se désignent les opposants à l’IVG.
Les sénateurs d'Alabama tentent de rouvrir une brèche
En portant un texte qui interdit quasi totalement l’avortement, même dans des cas de viol ou d'inceste, et qui prévoit des peines allant jusqu'à l'emprisonnement à vie pour les médecins pris sur le fait, les sénateurs d’Alabama tentent de rouvrir une brèche. Depuis l'élection de Donald Trump, la Cour suprême des États-Unis est dominée par des conservateurs. En approuvant ce texte, la gouverneure républicaine de l'État d’Alabama, Kay Ivy, ouvre la voie à des recours au plus haut niveau, tant l’opposition est mobilisée. La puissante organisation de défense des droits civiques ACLU a déjà fait savoir qu'elle saisirait la justice pour empêcher l'application de ce texte, tandis que la National Organization for Women a qualifié la loi d'"inconstitutionnelle", estimant que sa mise en application "renverrait les femmes de l'Etat aux jours noirs durant lesquels les parlementaires contrôlaient leur corps, leur santé et leur vie". Mais il n’est pas certain, au regard des orientations actuelles de la Cour suprême, que les partisans du droit à l’interruption volontaire de grossesse en sortent gagnants.
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