Cinq fois où le président Trump s'est mis à dos les agences de renseignement
Pendant sa campagne, Donald Trump avait affiché son hostilité aux agences telles que la CIA et le FBI. Depuis son investiture, on ne peut pas dire que le président des Etats-Unis ait cherché à calmer le jeu.
"Nos institutions sont attaquées en interne." Ces mots sans ambiguïté visent Donald Trump, et ils ont été prononcés par James Clapper, ancien directeur du renseignement national américain, lundi 15 mai. Dès sa campagne électorale, le président des Etats-Unis a manifesté envers les agences de renseignement du pays une défiance qui, parfois, a confiné à l'insulte.
Retour sur cinq épisodes qui ont hérissé ces institutions et leurs agents.
11 décembre 2016 : Trump se vante de ne pas lire les rapports du renseignement
Elu le 8 novembre 2016, Donald Trump n'a pas tardé à lancer les hostilités. Visiblement peu enthousiaste à l'idée de recevoir quotidiennement les responsables du renseignement, il affirme à Foxnews, en décembre : "Vous savez, je suis une personne intelligente. Je n'ai pas besoin qu'on me répète la même chose, avec les mêmes mots, tous les jours pendant les huit ans à venir." Il explique que James Mattis, secrétaire à la Défense, et John Kelly, secrétaire à la Sécurité intérieure, sont briefés à sa place.
En se contentant de réunions hebdomadaires, Donald Trump rompt avec une tradition vieille de plus de cinquante ans, celle de la réunion de 9h10 avec un groupe d'officiels triés sur le volet, rappelle la radio NPR. L'ancien porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, prend alors la défense de ces réunions comme une rare source d'informations pertinentes, qui aident le président à prendre les "bonnes décisions", tandis que l'ancien officier de la CIA David Priess qualifie cette nouvelle de "mauvais signe".
Sur les réseaux sociaux, ses déclarations valent à Donald Trump des flots de moqueries un rien inquiètes.
Trump won't take intelligence briefings pic.twitter.com/sk33RPd93E
— Juan Tim Peechmynt (@Juan_Abbe) 6 janvier 2017
10 janvier 2017 : il compare les agences de renseignement à des "nazis"
Le 10 janvier, le site Buzzfeed publie un rapport non vérifié sur les liens de Donald Trump avec la Russie. L'auteur du document, présenté comme un ancien agent du renseignement britannique, y affirme, entre autres, que la Russie détiendrait une vidéo du président américain en compagnie de prostituées, à Moscou.
Que viennent faire les services de renseignement dans ce dossier ? Donald Trump les accuse aussitôt sur Twitter d'avoir "autorisé" la fuite de ces fausses informations. Il ajoute : "Encore un coup contre moi. On vit en Allemagne nazie ou quoi ?"
Intelligence agencies should never have allowed this fake news to "leak" into the public. One last shot at me.Are we living in Nazi Germany?
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 11 janvier 2017
Donald Trump réitère ses propos le lendemain, lors de sa première conférence de presse en tant que président élu. John Brennan, alors encore dans ses fonctions de directeur de la CIA, qualifie le discours de Trump "d'outrageux" et affirme en "avoir pris fortement ombrage".
21 janvier 2017 : il se vante de sa campagne devant le mémorial de la CIA
Pour la CIA, le lieu est "sacro-saint", rappelle le Washington Post. Le Memorial Wall est un monument qui, au siège de l'agence, honore ses membres morts dans l'exercice de leurs fonctions. Cent dix-sept étoiles, gravées dans du marbre du Vermont.
Le 21 janvier est le premier jour de Donald Trump en tant que président investi : sa première visite de travail, il la consacre, étonnamment, à la CIA. "Je suis avec vous à 1 000%, je vous aime et vous respecte", déclare-t-il aux agents présents. Il fait convenablement référence au mur "très spécial" derrière lui. Avant de déraper.
Son discours fait référence, pêle-mêle, au terrorisme islamiste, à la couverture que lui a consacrée le magazine Time en l'élisant personnalité de l'année 2016, et surtout au succès de sa campagne, car, il en est sûr, "tout le monde dans cette pièce a voté pour [lui]".
Un discours unanimement jugé choquant par la presse. "Il est tout simplement inapproprié de s'engouffrer dans l'égocentrisme devant un mur qui rend hommage à la mémoire de ceux qui étaient obsédés par les autres, et par leur mission, plutôt que par eux-mêmes", déclare au Washington Post John McLaughlin, alors directeur intérimaire de l'agence.
9 mai 2017 : il limoge le directeur du FBI
Lui reprochant officiellement sa gestion de l'affaire des e-mails d'Hilary Clinton, Donald Trump congédie le 9 mai James Comey, le directeur du FBI. Derrière ce prétexte, une raison beaucoup plus sérieuse, évoquée par les spécialistes : une enquête serait en cours sur les connexions de Trump avec la mafia et les milieux politiques russes.
"Le directeur du FBI a réclamé plus de fonds au département de la Justice pour pouvoir continuer cette enquête sur les connexions russes de Donald Trump. Le lendemain, il a été limogé", explique à franceinfo Fabrizio Calvi, journaliste spécialiste de l'histoire des Etats-Unis.
Les réactions ne tardent pas à pleuvoir à Washington. Sans surprise, les démocrates montent au créneau, dénonçant par la voix du sénateur Chuck Schumer une "grave erreur". Plus étonnant, Justin Amash, élu républicain à la Chambre des représentants, demande la "création d'une commission indépendante sur la Russie".
Coup de grâce : le lanceur d'alerte Edward Snowden appelle à se mobiliser contre la décision du président. "Ce directeur du FBI a cherché pendant des années à me mettre en prison à cause de mes activités politiques. Si je peux m'opposer à son limogeage, vous le pouvez aussi", écrit-il sur Twitter.
This FBI Director has sought for years to jail me on account of my political activities. If I can oppose his firing, so can you. https://t.co/zUp5kquy8q
— Edward Snowden (@Snowden) 9 mai 2017
Depuis, le président américain a reconnu qu'il avait tenté de soutirer des informations à James Comey sur son éventuelle mise en cause dans une enquête. Il a également menacé celui-ci de révéler des enregistrements qui mettraient en doute son intégrité. Un proche de James Comey a cependant indiqué à CNN que celui-ci n'avait "aucune inquiétude" à ce sujet.
10 mai 2017 : il est accusé d'avoir révélé des informations classifiées à la Russie
"Cauchemardesque", "épouvantable"… Les anciens diplomates et officiers cherchent des mots assez forts pour qualifier, à leurs yeux, le scandale révélé par le Washington Post.
Selon le journal américain, Donald Trump aurait révélé, lors d'une rencontre avec le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et l'ambassadeur de la Russie à Washington, des détails classifiés sur une opération terroriste préparée par l'Etat islamique. "J’ai d’excellentes informations. J’ai des gens qui me donnent chaque jour d’excellentes informations", se serait vanté le président devant ses interlocuteurs.
Il aurait notamment révélé le nom de la ville depuis laquelle l'organisation terroriste orchestrerait la menace. Des précisions qui, indique le Washington Post, ont été obtenues "au moyen d'un échange de renseignements considérés si sensibles que ces détails ont été dissimulés à des alliés et [leur circulation] strictement limitée au sein du gouvernement américain".
Si le président a techniquement le droit de déclassifier certaines informations, les réactions aux Etats-Unis sont à la hauteur de l'invraisemblance de la situation. "C’est épouvantable. Si c’était accidentel, ce serait considéré comme un motif de renvoi pour n’importe qui d’autre. Si c’était délibéré, ce serait une trahison", écrit notamment un ancien diplomate de George W. Bush, Eliot Cohen.
This is appalling. If accidental, it would be a firing offense for anyone else. If deliberate, it would be treason. https://t.co/iWevZMIFt6
— Eliot A Cohen (@EliotACohen) 15 mai 2017
L'administration américaine présente sa défense. Le secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, présent lors de la rencontre, affirme que "les sources, méthodes et opérations militaires n’ont pas été abordées". Le Washington Post, lui, maintient ses informations, et accuse le gouvernement de "jouer sur les mots" pour ne pas avoir à discuter du fond.
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