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Election américaine : "Ce sera très difficile" pour Joe Biden de rassembler le pays s'il est élu, estime un chercheur en relations internationales

Benjamin Haddad, chercheur en relations internationales, estime que Joe Biden, une fois élu, pourrait choisir quelques personnalités républicaines pour son gouvernement dans un souci d'apaisement. 

Article rédigé par franceinfo
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Joe Biden et Kamala Harris le 6 novembre 2020.  (ANGELA WEISS / AFP)

Benjamin Haddad, chercheur en relations internationales, directeur Europe à l’Atlantic Council de Washington, a estimé samedi 7 novembre sur franceinfo qu'il sera "très difficile" pour Joe Biden de réparer son pays très fracturé après une campagne violente.

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Si on ne connait toujours pas le président élu des États-Unis, Joe Biden se prépare à une victoire face à son rival Donald Trump : "Nous allons gagner cette élection avec une majorité claire", a-t-il déclaré ce samedi lors d'une allocution. Le démocrate a appelé les Américains à "surmonter la colère" et à se "rassembler".

franceinfo : Joe Biden saura-t-il rassembler son pays ?

Benjamin Haddad : Cette campagne a été d'abord un référendum sur Donald Trump, sur sa personnalité, son parcours, son tempérament, mais aussi une campagne sur la personnalité en contraste de Joe Biden. Un homme qui est en politique depuis des décennies qui est connu comme étant chaleureux, empathique. C'est un retour aux normes, à la décence. C'est un mot qu'on a beaucoup entendu dans cette campagne. Pas vraiment une campagne sur le fond. On a peu parlé de l'économie ou de l'assurance maladie. Un président qui se veut en père de la nation, rassembleur après des années de divisions et de violence de l'administration Trump. C'est aussi un modéré, un centriste, Joe Biden, comme sa vice-présidente d'ailleurs, Kamala Harris. Il ne serait pas étonnant de le voir nommer quelques personnalités républicaines dans son gouvernement. On parle parfois de Mitt Romney, qui avait été candidat à l'élection présidentielle face à Barack Obama à l'époque. Clairement, un style qui se veut en contraste direct avec celui de son prédécesseur.

Pourra-t-il reconcilier les Américains rapidement ?

Cela va prendre beaucoup de temps. Ce sera très difficile et ce sera très difficile pour deux raisons. La première raison, c'est qu'on l'a vu avec cette campagne, le pays est très divisé. Il y a peu d'indécis. Il y a peu de centristes. Cette élection a été essentiellement une élection de mobilisation des bases des deux camps et il faut vraiment se rendre compte qu'aux États-Unis aujourd'hui, les Républicains et les Démocrates sont même dans des bulles d'information qui sont étanches. Les Démocrates écoutent MSNBC, les Républicains écoutent Fox News. Ils n'ont pas accès aux mêmes informations. Même si Joe Biden essaie d'être rassembleur et de s'exprimer et de parler à toute la nation et aux républicains, ces discours passeront à travers un filtre avant d'être entendus par l'électorat républicain. La deuxième raison, c'est qu'il devra gouverner, vraisemblablement avec un Sénat qui restera républicain. Et on l'avait vu déjà dans le mandat présidentiel de Barack Obama, les républicains avaient souvent fait obstruction. On avait vu beaucoup de paralysie institutionnelle et donc sur un certain nombre de sujets, notamment les grands sujets économiques ou les sujets de réconciliation raciale que Joe Biden voudra mettre au centre de la présidence, il devra composer avec un Sénat qui sera extrêmement difficile.

Il va falloir aussi se réconcilier avec le monde. Faut-il s'attendre à un apaisement ?

Joe Biden est en politique depuis des décennies, qui a une vraie expérience de politique internationale. Il a été à la commission des Affaires étrangères du Sénat, il a été un vice-président actif sur la scène internationale auprès de Barack Obama. À cet égard, il va revenir avec une approche plus traditionnelle du leadership américain sur la scène internationale, garant de l'ordre libéral international. L'un des grands axes de sa campagne en politique étrangère a été la réhabilitation des alliances, notamment l'alliance avec l'Union européenne et l'OTAN. Là aussi, pour marquer le contraste avec le nationalisme et l'unilatéralisme de Donald Trump et l'hostilité idéologique qu'il avait exprimée vis-à-vis de l'Union européenne. Mais il faut tout de même constater que le monde a changé parce que les États-Unis traversent une crise sanitaire, économique et identitaire profonde et que les priorités du prochain président seront avant tout de rassembler le pays et de répondre à cette crise. Mais aussi un certain nombre de sujets qui ont émergé ces dernières années et qui se sont maintenant vraiment imposés pour les Américains, au premier rang desquels la rivalité stratégique avec la Chine. C'est un sujet, évidemment, qui a été une priorité pour Donald Trump, même s'il n'a pas réussi à vraiment travailler avec ses alliés, à commencer par les alliés européens sur ce sujet. Joe Biden aura à cœur de rassembler les Européens sur ce sujet. Mais il est clair que la crise du Covid-19 a encore renforcé la rivalité stratégique avec la Chine. Cela fait aujourd'hui l'objet d'un certain consensus bipartisan à Washington.

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