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Enquête russe : quatre questions sur le rapport du procureur Robert Mueller qui donne le sourire à Donald Trump

Selon le ministre de la Justice américain, le procureur spécial Robert Mueller a conclu, au terme de ses investigations, que le président américain et son entourage n'avaient pas collaboré avec la Russie lors de la campagne présidentielle de 2016.

Article rédigé par franceinfo
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Le président américain Donald Trump, le 22 mars 2019 à Palm Beach, Floride (Etats-Unis). (NICHOLAS KAMM / AFP)

Une grande bouffée d'air frais pour Donald Trump. Aucun membre de son équipe de campagne pour la présidentielle américaine n'a collaboré avec la Russie, malgré les propositions répétées d'individus associés aux intérêts russes. Les conclusions de l'enquête du procureur spécial Robert Mueller ont été rendues publiques (en anglais, en PDF) par le secrétaire d'Etat à la Justice, William Barr, dimanche 25 mars. Pour Donald Trump, il s'agit d'une excellente nouvelle, car cette affaire empoisonnait sa présidence depuis son investiture. "Pas de collusion, pas d'obstruction, DISCULPATION complète et totale", s'est-il d'ailleurs félicité sur Twitter. Franceinfo se penche sur ce document et sur ce qu'il change réellement pour le président américain.

Qu'a annoncé le secrétaire d'Etat à la justice ?

Dans un courrier de quatre pages, William Barr, le ministre de la Justice américain, a révélé que l'enquête du procureur spécial Robert Mueller n'avait pas démontré que "l'équipe de campagne de Donald Trump ou qui que ce soit associé à celle-ci se soit entendu ou coordonné avec la Russie dans ses efforts pour influencer l'élection présidentielle américaine de 2016". Et de noter que le chef d'inculpation de "collusion" n'a jamais été retenu pour les 34 personnes mises en cause dans ce dossier, parmi lesquelles six proches collaborateurs de Donald Trump.

Ce document est organisé en deux parties, selon le bref descriptif disponible dans le courrier. La première est consacrée aux tentatives russes pour influencer l'élection présidentielle et évoque des "crimes commis par des personnes associées au gouvernement russe en lien avec ces efforts". Cela vise les activités d'une organisation russe, The Internet Research Agency (IRA), à qui il est reproché d'avoir mené des campagnes de désinformation en ligne et sur les réseaux sociaux afin d'alimenter les tensions sociales. Par ailleurs, le rapport pointe les efforts du gouvernement russe pour conduire des opérations de piratage informatique, ce qui a notamment permis d'obtenir des e-mails de représentants du camp démocrate.

La seconde partie du rapport est consacrée aux accusations d'entrave à la justice. Sur ce point, "le Conseil spécial n'a pas tiré de conclusion dans un sens ou dans l'autre". Donald Trump exagère donc quand il évoque une "disculpation complète et totale". Il appartient au secrétaire d'Etat de qualifier ou non de crime les faits décrits dans le document. "Si ce rapport ne conclut pas que le président a commis un délit, il ne l'exonère pas non plus" de l'accusation d'entrave à la justice, a toutefois déclaré le secrétaire à la Justice William Barr en citant Robert Mueller. 

Le rapport Mueller sera-t-il publié ?

Ces mots font sourciller les opposants politiques à Donald Trump, qui aimeraient bien en savoir davantage. "Loin de la 'disculpation complète' revendiquée par le président, le rapport Mueller n'innocente clairement pas le président", ont notamment réagi les démocrates Jerrold Nadler, Adam Schiff et Elijah Cummings, qui dirigent trois puissantes commissions parlementaires du Congrès. Par le passé, les adversaires du président ont déjà accusé Donald Trump d'avoir entravé l'enquête russe en limogeant le directeur du FBI James Comey.

Dès dimanche, les leaders démocrates du Congrès ont exigé la publication du rapport "complet", estimant que le ministre de la Justice n'était "pas un observateur neutre". "La lettre du ministre de la Justice pose autant de questions qu'elle apporte de réponses", écrivent Nancy Pelosi et Chuck Summer, respectivement présidente de la Chambre des représentants et chef de file de l'opposition au Sénat. "Il est urgent que le rapport complet et tous les documents associés soient rendus publics."

Le secrétaire d'Etat à la Justice américain, William Barr, a déclaré vouloir divulguer le plus possible du rapport de Robert Mueller, dans la mesure où il ne compromettait pas des procédures judiciaires devant rester secrètes, à l'instar des entretiens avec le grand jury, tout comme les interférences dans d'autres enquêtes en cours. Il examine actuellement le rapport pour déterminer ce qui peut être publié. Un bras de fer avec les démocrates pourrait être engagé sur ce point, pouvant même déboucher sur une possible action en justice. Donald Trump a toutefois précisé qu'il n'avait "aucun problème" avec une publication complète du rapport.

Est-ce la fin de la fameuse "enquête russe" ?

Oui. Robert Mueller a mis un terme à ses investigations à l'issue de cette enquête de 675 jours qui l'a conduit à interroger 500 témoins et à émettre plus de 2 800 citations à comparaître. L'enquête sur les soupçons de complot entre l'équipe de Donald Trump et Moscou aux dépens de la candidate démocrate Hillary Clinton lors de la campagne pour la présidentielle de 2016 semble donc achevée.

Au total, 34 personnes et trois entreprises ont été inculpées dans le cadre de cette "enquête russe", qui a d'ores et déjà valu une peine de prison ferme à Paul Manafort, ancien directeur de campagne de Donald Trump. Celui-ci a été condamné en février 2019 à sept ans et demi de prison pour des fraudes liées à des activités de lobbying en Ukraine auprès des autorités pro-russes, jusqu'en 2014. Michael Cohen, qui a longtemps été l'avocat personnel du président, a été condamné à trois ans de prison pour fraude, violation des lois sur la campagne électorale et mensonge au Congrès américain.

Donald Trump est-il pour autant tiré d'affaire ? Pas si sûr. Le président fait toujours l'objet de nombreuses enquêtes dans le cadre de ses activités, et d'autres aspects de sa campagne électorale sont examinés. Par ailleurs, la commission judiciaire de la Chambre des représentants, contrôlée par les démocrates, a lancé une enquête sur de possibles obstructions à la justice et abus de pouvoir du président des Etats-Unis.

Quelles conséquences pour l'image de Trump ?

"C'est un jour exceptionnel pour Donald Trump", estime l'historien Douglas Brinkley, interrogé par l'AFP. "Maintenant, il n'a plus les poings liés. Il va pouvoir diaboliser les médias et les démocrates pour avoir perpétré ce qu'il qualifie de canular. Il va aussi pouvoir utiliser son innocence comme moteur pour sa campagne." En effet, ces conclusions mettent à mal l'argumentaire utilisé par les démocrates pendant deux ans. Même analyse du côté du New York Times (en anglais), où l'on évoque le "plus beau jour" pour Donald Trump "depuis le début de son mandat". Cet épisode pourrait en effet "renforcer sa base politique avant de se lancer dans une bataille pour la réélection".

Certains républicains veulent donc battre le fer tant qu'il est chaud. L'ancien maire de New York et proche de Donald Trump, Rudolph Giuliani, a d'ores et déjà réclamé l'ouverture d'une enquête pour identifier l'origine des accusations formulées contre le président des Etats-Unis. Celle-ci devrait "être menée avec au moins autant d'enthousiasme que celle [du procureur spécial Robert Mueller]", a-t-il déclaré sur Fox News (en anglais). Toujours sur la chaîne conservatrice, l'éditorialiste Sean Hannity a lancé une offensive contre les principaux journaux du pays en les accusant de mentir. 

"En dehors de tout esprit partisan, les conclusions de Robert Mueller devraient être un moment d'immense soulagement national, estime pour sa part la chaîne CNN (en anglais). Un résultat contraire aurait signifié que le président actuel a triché avec une puissance étrangère hostile pour renverser la démocratie américaine."

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