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Etats-Unis : cinq questions sur la procédure de destitution contre Donald Trump après la publication du rapport des élus démocrates

Dans un document de 300 pages, les élus démocrates affirment détenir des "preuves accablantes" de la "conduite inappropriée" de Donald Trump dans l'affaire ukrainienne. Une "blague", selon le président américain.

Article rédigé par franceinfo
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Donald Trump lors d'une rencontre avec le Premier ministre italien, Giuseppe Conte, le 4 décembre 2019, à Watford, au Royaume-Uni. (NICHOLAS KAMM / AFP)

La procédure de destitution contre Donald Trump avance. Les démocrates américains ont ouvert la voie, mardi 3 décembre, à la mise en accusation du président des Etats-Unis devant le Congrès. Ils ont approuvé un rapport d'enquête qui, selon eux, contient des "preuves accablantes" de la "conduite inappropriée" du locataire de la Maison Blanche.

L'opposition démocrate, forte de sa majorité à la Chambre des représentants, a initié cette procédure d'"impeachment" (destitution) contre Donald Trump après avoir découvert qu'il avait demandé à l'Ukraine d'enquêter sur le fils du démocrate Joe Biden, un de ses potentiels adversaires à la présidentielle de 2020. Franceinfo répond à cinq questions sur cette procédure. 

Que contient le rapport ?

Pendant deux mois, la commission du renseignement de la Chambre des représentants a mené des investigations, en interrogeant une quinzaine de hauts responsables afin de déterminer si le président avait abusé de ses pouvoirs pour faire pression sur l'Ukraine. Elle a conclu, dans son rapport d'enquête, que le président avait "placé ses intérêts personnels et politiques au-dessus des intérêts nationaux, cherché à miner l'intégrité du processus électoral américain et mis en danger la sécurité nationale".

Les pères fondateurs ont prescrit un remède quand un chef de l'exécutif place ses intérêts personnels au-dessus de ceux du pays : la destitution.

Rapport de la commission du renseignement

Dans ce document de 300 pages, les élus démocrates assurent qu'il existe des "preuves accablantes" sur le fait que Donald Trump a formulé un donnant-donnant avec Kiev pour arriver à ses fins. "Le président a conditionné une invitation à la Maison Blanche [pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky] et une aide militaire à l'Ukraine à l'annonce d'enquêtes favorables à sa campagne", écrivent les auteurs du rapport. La Maison Blanche avait gelé sans explication, en juillet, près de 400 millions de dollars destinés à ce pays en guerre, dans l'est de son territoire, avec des séparatistes soutenus par la Russie.

Il existe des preuves tout aussi évidentes que Donald Trump a "entravé" l'enquête en destitution, en interdisant à plusieurs membres de l'administration de témoigner ou de fournir des documents, mais aussi en cherchant à intimider les témoins, peut-on encore lire dans ce document. "C'est très dangereux pour un pays d'avoir un président sans éthique, qui croit être au-dessus des lois", a commenté l'élu démocrate Adam Schiff, qui préside la commission du renseignement. "La question est de savoir ce que le Congrès va faire" sur la base du rapport, a-t-il ajouté.

Comment réagit Donald Trump ?

Le président américain a qualifié de "blague" le rapport d'enquête parlementaire. "Ce qu'ils font est une très mauvaise chose pour notre pays", a fustigé le locataire de la Maison Blanche lors d'une rencontre avec le Premier ministre italien, Giuseppe Conte, en marge du sommet de l'Otan à Watford, près de Londres.

De faire ça un jour comme celui-ci pendant que nous sommes à Londres (...) honnêtement, c'est une honte.

Donald Trump

De son côté, la Maison Blanche a réagi dès la publication du rapport. "L'imposture" de l'enquête en destitution n'a produit "aucune preuve" contre Donald Trump, selon la porte-parole de l'exécutif, Stephanie Grisham. "Ce rapport ne reflète rien d'autre que les frustrations" des démocrates, il "se lit comme les divagations d'un blogueur de bas étage qui s'évertue à prouver quelque chose quand il n'y a clairement rien", a-t-elle ajouté.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Les parlementaires ont entamé un débat juridique à la Chambre des représentants pour déterminer si la conduite de Donald Trump correspondait à l'un des motifs de destitution mentionnés dans la Constitution : "Trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs". Sans hésiter, trois professeurs d'université prestigieuses, invités par la majorité démocrate, ont répondu par l'affirmative. Seul un juriste, convié, lui, par les républicains, a jugé les preuves "insuffisantes" pour mettre le président en accusation.

Si l'on ne peut pas mettre en accusation un président qui utilise son pouvoir à des fins personnelles, nous ne vivons plus dans une démocratie, nous vivons dans une monarchie ou une dictature.

Noah Feldman, professeur de droit à Harvard

devant la commission judiciaire de la Chambre

La commission judiciaire de la Chambre est désormais chargée de rédiger l'acte d'accusation du président. Elle envisage quatre chefs d'accusation : abus de pouvoir, corruption, entrave à la bonne marche du Congrès et entrave à la justice. Si elle les retient, ils seront soumis à un vote en séance plénière à la chambre basse du Congrès, peut-être avant Noël. Compte-tenu de la majorité démocrate, Donald Trump deviendra le troisième président de l'histoire des Etats-Unis mis en accusation au Congrès, après Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton en 1998, tous deux acquittés par la suite. Le Sénat, à majorité républicaine, sera ensuite chargé de juger le président.

Comment s'organise la riposte du camp républicain ?

En prévision d'un probable procès devant le Sénat, Donald Trump a déjà tenté de courtiser directement les sénateurs pour s'assurer de leur soutien. Lors d'un déjeuner avec huit parlementaires fin novembre, il a ainsi parlé "de la destitution et de sa frustration face à l'incapacité de se défendre", a rapporté la sénatrice Shelley Moore Capito à ABC News. Le président américain et ses conseillers réfléchissent aussi à la stratégie à adopter. Ils hésitent entre un procès court pour permettre au président de vite se recentrer sur la campagne présidentielle et un procès plus long pour prendre une revanche politique en gênant les sénateurs démocrates en lice pour les primaires, comme le détaille le JDD.

Le camp républicain s'organise aussi sur le terrain médiatique. Avocat personnel de Donald Trump, Rudy Giuliani s'est rendu à Kiev mercredi pour un documentaire visant à démonter l'enquête en destitution visant le président américain, selon le New York Times (article en anglais). Dans le cadre d'une série tournée par la chaîne d'information conservatrice One America News Network, l'ancien maire de New York a rencontré d'anciens procureurs ukrainiens. "Comme tout bon avocat, je récolte des preuves pour défendre mon client contre les fausses accusations", a-t-il déclaré au quotidien.

Par ailleurs, depuis la fin septembre et l’ouverture de l’enquête, le Comité national républicain et l’équipe de campagne Trump 2020 ont dépensé plus de dix millions de dollars en publicité pour défendre le président sur Facebook, notamment, et à la télévision. L’équipe Trump 2020 a ainsi monté une équipe d’une quinzaine de personnes, une "war room digitale", pour contre-attaquer sur les réseaux sociaux.

Le président américain est-il vraiment en danger ?

A l'heure actuelle, il est très peu probable que la procédure de destitution aille jusqu'au bout. Le Sénat, qui sera chargé de juger Donald Trump, reste à majorité républicaine (53 républicains, 45 démocrates et deux indépendants) et il faudrait une majorité des deux tiers pour le destituer, ce qui paraît très improbable. La procédure se poursuit pour l'instant dans un esprit partisan entre démocrates et républicains, chacun restant campé sur ses positions.

La bataille risque donc de se jouer surtout sur le terrain de l'opinion à l'approche de la présidentielle. Pour l'instant, selon plusieurs sondages, les Américains sont divisés sur les poursuites lancées contre Donald Trump, avec 48% qui les soutiennent et 44% qui y sont opposés. Mais dans les dernières enquêtes d'opinion, les partisans d'une destitution progressent. Ainsi, selon un sondage Ipsos de début décembre, ils étaient 42% d'Américains à se prononcer contre un "impeachment", et 44% à y être favorables.

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