Etats-Unis : George Papadopoulos, l'obscur conseiller devenu informateur qui donne des sueurs froides à Donald Trump
Ce jeune conseiller en politique étrangère pourrait être allé jusqu'à porter un micro dans le cadre de l'enquête sur les liens entre la campagne de Trump et la Russie.
George Papadopoulos est le dernier nom à être sorti dans la longue liste des sulfureux soutiens et collaborateurs de Donald Trump. Mais il pourrait être le domino dont la chute pourrait entraîner une longue réaction en chaîne, si l'on en croit les observateurs américains. L'équipe du procureur spécial qui enquête sur une ingérence présumée de la Russie dans la campagne présidentielle américaine de 2016, et les liens entre le camp Trump et Moscou, a annoncé lundi 30 octobre l'inculpation de ce conseiller peu connu, pour avoir menti au FBI au sujet de tentatives d'organiser une rencontre avec des responsables russes. George Papadopoulos a plaidé coupable, et collabore avec les enquêteurs, révèlent des documents rendus publics.
L'entourage du président américain s'est empressé de minimiser l'importance de ce conseiller en politique étrangère à peine trentenaire. Présenté par Donald Trump, en 2016, comme un "type excellent", il n'aurait pourtant été qu'un "bénévole" au rôle "extrêmement limité", assurait lundi la porte-parole de la Maison blanche. Mardi, c'est le président des Etats-Unis lui-même qui s'est employé à le rabaisser sur Twitter : "Peu de gens connaissaient le jeune bénévole de bas niveau nommé George, qui a déjà prouvé qu'il était un menteur".
Pourtant, cette figure périphérique est désormais au cœur de l'affaire, et sa collaboration avec les enquêteurs a de quoi donner des sueurs froides à Donald Trump et son entourage. Franceinfo vous explique pourquoi.
Il représente un lien concret entre la campagne de Trump et la Russie
Les documents dévoilés par l'équipe du procureur spécial montrent que George Papadopoulos a menti au FBI en tentant de minimiser une rencontre avec un professeur lié au Kremlin. Il a fini par avouer aux enquêteurs que ce rendez-vous n'avait eu lieu qu'après qu'il soit devenu conseiller de Donald Trump, en mars 2016, et que c'est cette proximité avec le candidat qui avait éveillé l'intérêt du professeur, identifié par le New York Times et le Washington Post comme Joseph Mifsud, basé à Londres et au CV très nébuleux.
Après cette rencontre, les deux hommes communiqueront pendant des mois. L'objectif de George Papadopoulos : organiser une entrevue entre son candidat et Vladimir Poutine. Il rencontre ainsi deux fois Joseph Mifsud à Londres, dont une fois en compagnie d'une femme dont il croit alors, à tort, qu'elle est la nièce du président russe. La première fois, il en rend compte à un co-directeur de la campagne de Donald Trump, Sam Clovis, qui lui répond "bon travail", explique le Washington Post.
Par l'intermédiaire du professeur, le conseiller entre en contact avec une responsable du ministère russe des Affaires étrangères, toujours dans le but d'organiser une rencontre. Il obtient aussi de Joseph Mifsud l'assurance que la Russie détient des informations compromettantes sur Hillary Clinton, quelques semaines après le piratage du parti démocrate. Ces contacts se poursuivent jusqu'à l'été 2016, mais ne débouchent jamais sur une véritable rencontre entre les Russes et l'équipe de Donald Trump.
En revanche, George Papadopoulos informe à plusieurs reprises des personnes clées de la campagne de ses tentatives d'approche de Moscou. Outre Sam Clovis, il communique par e-mail avec deux directeurs de campagne successifs de Donald Trump, Corey Lewandowski et Paul Manafort. A la fin mars, il se vante même de pouvoir organiser une entrevue avec Vladimir Poutine lors d'une réunion à laquelle Donald Trump lui-même a participé. Les documents ne disent pas si le président des Etats-Unis était alors présent pour entendre cette remarque. Mais ces révélations fragilisent la défense des organisateurs de la campagne. Ces derniers ont en effet toujours affirmé ne pas avoir eu connaissance d'une tentative de collusion avec Moscou.
Il est peut-être allé jusqu'à porter un micro pour récupérer des informations
"L'accusé a indiqué qu'il était disposé à collaborer avec le gouvernement dans son enquête" : ces mots du procureur Robert Mueller, dans l'acte d'accusation de George Papadopoulos après son arrestation en juillet, ont attiré l'attention des observateurs. Le conseiller, désireux de faire le lien entre la campagne de Donald Trump et Moscou, a accepté de parler aux enquêteurs. Mais ce document décrit aussi l'accusé comme un "collaborateur proactif", une expression qui ouvre une autre possibilité : qu'il soit allé jusqu'à porter un micro pour réaliser des écoutes.
"Un ancien procureur m'a expliqué que 'collaborateur proactif', cela veut parfois dire 'a porté un micro'", a par exemple affirmé un journaliste du Toronto Star lundi. Un de ses confrères a également retrouvé, en fouillant dans de vieilles décisions de justice, une trace de cette expression, "qui veut en général dire que l'accusé va travailler sous couverture pour le gouvernement, en portant un micro et/ou en rencontrant en face-à-face des personnes soupçonnées d'activités criminelles".
L'importance de George Papadopoulos est telle pour les enquêteurs qu'ils ont tout fait pour garder secrète son arrestation et son inculpation : les rendre publiques "porterait atteinte de manière significative à sa capacité d'agir comme collaborateur proactif", peut-on ainsi lire dans l'acte d'inculpation. En l'apprenant, certaines cibles pourraient ainsi être tentées de "détruire ou dissimuler des preuves incriminantes". Le fait que ce document ait finalement été rendu public, lundi, laisse penser que le conseiller a finalement obtenu les informations attendues par les enquêteurs.
Reste une question : George Papadopoulos a-t-il eu accès à des informations cruciales ? Michael Caputo, lui aussi ancien conseiller du candidat, le décrit mardi sur CNN comme "le garçon qui apportait le café" : "Vous pouvez le décrire comme un analyste en politique étrangère mais s'il portait un micro, tout ce que vous apprendriez serait s'il préfère un macchiato au caramel ou un simple café." Mais Barbara McQuade, une ancienne procureure devenue professeure de droit, interrogée par le Washington Post doute de cette version : "On ne lui proposerait une telle coopération qu'après avoir discuté avec lui et appris qu'il a des informations de valeur."
Il illustre la stratégie du procureur qui enquête sur le camp Trump
On ne sait pas encore quelles informations George Papadopoulos a pu apporter en collaborant à l'enquête. Mais pour certains observateurs, il n'est sans doute pas le dernier participant à la campagne Trump que Robert Mueller va chercher à "retourner" à son compte. "C'est un avertissement adressé à tous les autres, pour leur montrer qu'ils ont intérêt à collaborer", théorise Wired. Le site rappelle que le procureur spécial a requis jusqu'à six mois de prison et 9 500 dollars d'amende à l'encontre de George Papadopoulos, qui a plaidé coupable. "Une peine bien moins sévère que ce qu'il aurait risqué sinon", glisse Wired.
Aux Etats-Unis, tous les regards se tournent désormais vers Paul Manafort, un des anciens directeurs de campagne de Donald Trump, témoin de moments clés de la campagne, et inculpé de douze chefs d'accusation lundi par ce même procureur : "Il a douze nouvelles raisons de parler aux enquêteurs. A 68 ans, Manafort doit réaliser que même une courte peine de prison peut être équivalente à de la prison à vie", commente Wired. "C'est une tactique courante d'annoncer une première salve d'inculpations", explique Barbara McQuade au Washington Post, "puis d'offrir à l'accusé une chance de coopérer".
Pour le site Vox, c'est plutôt Michael Flynn qui est la cible la plus vulnérable pour le procureur, car cet ancien proche conseiller de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait être inculpé pour des charges similaires à Paul Manafort : le fait d'être un agent étranger non déclaré. "Flynn est quelqu'un que Meuller a sans doute très envie de retourner", explique Vox : il est décrit comme ayant une relation très proche avec le président américain, et ses liens avec la Russie sont connus de longue date. Michael Flynn, Paul Manafort : deux cibles de nature à faire trembler l'entourage de Donald Trump, si elles étaient poussées à collaborer par les mêmes méthodes qui ont convaincu George Papadopoulos.
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