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Etats-Unis : quatre questions sur les informations classifiées que Trump aurait données à la Russie

Selon le "Washington Post", le président américain a fait des confidences "top secrètes" au chef de la diplomatie russe.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le président américain Donald Trump serre la main de Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe, le 10 mai 2017 dans le Bureau ovale de la Maison Blanche à Washington (Etats-Unis). (MINISTERE RUSSE DES AFFAIRES ETRANGERES / AFP)

Un scandale de plus pour Donald Trump. Le président américain est accusé par le Washington Post (en anglais) d'avoir divulgué des informations classifiées au chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, et à l'ambassadeur russe à Washington. La Maison Blanche tente d'éteindre l'incendie, mais elle reste évasive sur le fond de ce dossier explosif. Franceinfo revient sur cette affaire en quatre questions.

1Que contiennent ces informations classifiées ?

Les révélations du président américain sont décrites comme "spontanées" par l'une des sources du Washington Post. Selon le quotidien, Donald Trump a évoqué des renseignements concernant une opération du groupe jihadiste Etat islamique (EI) en préparation. Ces informations avaient été communiquées par un partenaire des Etats-Unis qui n'avait pas donné l'autorisation à Washington de les partager avec Moscou.

Durant sa rencontre avec Sergueï Lavrov et Sergueï Kislyak, Donald Trump s'est vanté d'avoir accès à des indications très précises. "J'ai d'excellentes informations. J'ai des gens qui me donnent chaque jour d'excellentes informations", a-t-il affirmé, selon un responsable cité par le journal américain. Ces informations avaient l'un des degrés de classification les plus élevés utilisés par les agences de renseignement américaines, poursuit cette source. Le président américain "a révélé plus d'informations à l'ambassadeur russe que nous n'en avons partagé avec nos propres alliés", a insisté cette source, sous couvert d'anonymat.

Donald Trump "a commencé à décrire les détails d'une menace terroriste posée par le groupe EI et liée à l'utilisation d'ordinateurs portables dans des avions", écrit le journal américain. Le quotidien précise qu'il a décidé de ne pas publier plus de détails sur ce projet terroriste à la demande expresse de responsables américains.

2Quand ces faits ont-ils eu lieu ? 

Selon le Washington Post, Donald Trump a dévoilé ces informations mercredi 10 mai, au cours d'une rencontre organisée à la Maison Blanche, dans son Bureau ovale, avec le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, et l'ambassadeur russe à Washington, Sergueï Kislyak. L'existence même de cette entrevue a provoqué des remous, rapporte le Washington Post. Il est en effet rare qu'un ministre des Affaires étrangères en visite à Washington soit reçu à la Maison Blanche.

Sergueï Lavrov en a posté des photos sur internet, provoquant la colère de Washington, qui affirme ne pas en avoir été averti, note RTL. On y voit le président américain tout sourire aux côtés des diplomates russes. Ces clichés, publiés par l'agence de presse russe Tass, n'ont pas été pris par des journalistes américains accrédités auprès de la Maison Blanche, mais par un photographe officiel russe. De quoi attiser les critiques. 

Ce traitement de faveur réservé à la Russie intervient au moment où le rôle joué par Moscou dans la campagne présidentielle américaine fait l'objet d'une attention renouvelée, après le limogeage surprise du patron du FBI James Comey, dont les services enquêtent sur une éventuelle collusion entre l'équipe Trump et la Russie. 

3Pourquoi cela pose-t-il problème ?

Donald Trump n'a pas, a priori, enfreint la loi. Le président américain peut lever le secret gouvernemental à sa guise. Mais son initiative, faite sans consulter la source à l'origine de l'information, est susceptible de compromettre le partage de renseignements avec les alliés proches. La divulgation de ces informations sensibles pourrait, en outre, donner des indications sur la façon dont elles ont été collectées et pourrait mettre en difficulté des sources.

Depuis janvier, les responsables américains s'inquiètent du risque de fuite d'informations classifiées. Un responsable, interrogé le mois dernier, a estimé que Donald Trump "n'a pas de filtre, ça rentre par une oreille et ça ressort par la bouche". "C'est un fanfaron compulsif, a dénoncé, lundi, un autre responsable, cité par l'agence Reuters. Tout est toujours meilleur, plus grand, (…) mieux que tout le monde. Dans ce cas, il se vantait de l'importance du renseignement américain."

Le numéro deux des démocrates au Sénat, Dick Durbin, a dénoncé un comportement "dangereux" et "imprudent" de la part de Donald Trump, susceptible de "mettre en danger [la] sécurité nationale". Même le président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, le républicain Bob Corker, a jugé ces révélations "très, très inquiétantes" si elles étaient avérées.

"Nous n'avons aucun moyen de savoir ce qui a été dit, mais la protection des secrets de notre nation est cruciale", a déclaré Doug Andres, porte-parole de Paul Ryan, président républicain de la Chambre des représentants. Ce dernier "espère une explication complète des faits de la part de l'administration", a-t-il ajouté.

4Comment les autorités américaines
se défendent-elles ? 

Donald Trump a réagi mardi sur Twitter. Il a assuré avoir eu "absolument le droit" de partager des informations concernant "le terrorisme et la sécurité aérienne" avec Moscou.

"L'histoire, telle qu'elle a été rédigée, est fausse", a assuré plus tôt le général H.R. McMaster, qui dirige le Conseil de sécurité nationale (NSC) et qui a assisté à la réunion. Selon lui, Donald Trump et Sergueï Lavrov ont passé en revue "les menaces posées par des organisations terroristes à nos deux pays, y compris les menaces pesant sur l'aviation civile".

"A aucun moment, des méthodes de renseignement ou des sources n'ont été évoquées", a-t-il martelé, sans explicitement contester que des informations classifiées aient été divulguées par le président américain.

"Pendant ces échanges, la nature des menaces spécifiques a été discutée, mais ils n'ont pas discuté de sources, de méthodes ou d'opérations militaires", a renchéri le secrétaire d'Etat, Rex Tillerson, dans un communiqué.

Mais le malaise est palpable. A l'issue de sa très brève déclaration à l'extérieur de la "West Wing", le patron du NSC s'est éclipsé sans répondre aux questions des nombreux journalistes présents.

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