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Inculpation de Donald Trump : les questions qui se posent après la comparution historique de l'ex-président américain

L'ancien locataire de la Maison Blanche s'est vu notifier 34 charges retenues à son encontre mardi. Il a plaidé non coupable pour l'ensemble des faits qui lui sont reprochés.
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L'ancien président américain Donald Trump comparaît au tribunal de Manhattan à New York (Etats-Unis), le 4 avril 2023. (STEVEN HIRSCH / POOL / AFP)

"Je n'aurais jamais imaginé cela possible en Amérique." L'ancien président américain Donald Trump a été formellement inculpé de 34 chefs d'accusation, mardi 4 avril, lors d'une comparution au tribunal de Manhattan, à New York. Un fait sans précédent dans l'histoire des Etats-Unis.

L'ex-élu républicain, candidat à la présidentielle de 2024, avait annoncé qu'il tiendrait un discours à son retour de New York mardi soir, depuis sa résidence de Mar-a-Lago en Floride. "Cette affaire a été montée de toutes pièces, uniquement pour m'empêcher de participer aux élections de 2024", a-t-il clamé depuis la salle où il avait annoncé sa candidature, quelques mois plus tôt. "Le seul crime que j'ai commis, c'est de défendre courageusement notre nation contre ceux qui cherchent à la détruire."

Au tribunal de Manhattan mardi après-midi, Donald Trump a plaidé non coupable pour l'ensemble des chefs d'accusation le visant. L'ancien président est accusé de "falsifications de documents comptables", menées "avec l'intention de commettre un autre crime", précise l'acte d'accusation (PDF, en anglais). Franceinfo revient sur les faits qui lui sont reprochés et sur les peines que le 45e président des Etats-Unis encourt en cas de procès.

De quoi est-il accusé ?   

Les documents judiciaires publiés mardi par le bureau du procureur de Manhattan – l'acte d'accusation et une déclaration des faits (PDF, en anglais) – reviennent en détails sur les éléments qui ont conduit à l'inculpation de Donald Trump. L'affaire au cœur de cette procédure judiciaire est celle liant l'ancien président à l'actrice et réalisatrice de films pornographiques Stephanie Clifford (plus connue sous le pseudonyme de Stormy Daniels). Comme le souligne le New York Times*, il s'agit de la seule affaire directement mentionnée dans l'acte d'accusation.

Fin octobre 2016, à l'approche de l'élection présidentielle, l'ancien avocat personnel de Donald Trump, Michael Cohen, avait versé 130 000 dollars à l'actrice, afin d'acheter son silence au sujet d'une supposée relation extraconjugale avec le candidat datant de 2006. Une fois élu président, Donald Trump avait remboursé cette somme à Michael Cohen. Il est donc accusé d'avoir falsifié des documents comptables pour masquer la véritable cause de ces transactions.

L'acte d'accusation précise, avec ses 34 chefs d'accusation, chacune de ces falsifications de documents et leurs dates. Toutes ont eu lieu en 2017, peu après l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Le document judiciaire évoque trois types de falsifications pour couvrir ce remboursement, relève le New York Times* : des factures pour des services juridiques (en réalité inexistants) envoyées par Michael Cohen et "gardées" par la Trump Organization ; des chèques de Donald Trump à l'attention de Michael Cohen présentés comme des paiements pour ces services juridiques fictifs ; et des dépenses présentées comme des frais juridiques dans les registres comptables. 

L'accusation revient sur deux autres affaires de transactions visant à taire des histoires embarrassantes pour le milliardaire. En août 2015, le PDG d'American Media Inc., groupe publiant l'hebdomadaire The National Enquirer, avait ainsi accepté d'aider Donald Trump dans sa campagne en alertant les équipes du candidat sur des articles négatifs le visant. Selon l'accusation, le tabloïd a payé 30 000 dollars à un ancien portier de la Trump Tower, qui affirmait avoir des informations sur un enfant caché de Donald Trump.

The National Enquirer, d'après cette même source, a également versé 150 000 dollars à Karen McDougal, ancienne "playmate" du magazine Playboy. Celle-ci affirmait, comme Stormy Daniels, avoir eu une relation extraconjugale avec Donald Trump. L'objectif, pour le procureur de Manhattan Alvin Bragg et ses équipes, est de montrer que l'affaire Stormy Daniels n'était pas un cas isolé, et que "d'août 2015 à décembre 2017, le prévenu a mis en place une stratégie avec d'autres pour influencer l'élection présidentielle de 2016, en identifiant et en achetant des informations le concernant pour en supprimer la publication et favoriser ses perspectives électorales".

Que risque-t-il ?  

Les "falsifications de documents comptables" sont considérées comme des infractions dans l'Etat de New York. Néanmoins, ces infractions gagnent en gravité si elles sont commises dans "l'intention de commettre un autre crime", c'est-à-dire si les documents falsifiés cachent en réalité un autre crime. L'accusation avance précisément cet argumentaire dans cette inculpation.

"C'est exactement le cœur de l'affaire", a déclaré le procureur Alvin Bragg lors d'une conférence de presse mardi. Ce dernier a évoqué "34 fausses déclarations faites pour dissimuler d'autres crimes" : "La stratégie [de Donald Trump et de ses collaborateurs impliqués] était illégale. Cette stratégie a enfreint la loi électorale de New York, ce qui en fait un crime de conspiration pour promouvoir une candidature par des moyens illégaux."

Selon l'accusation, Donald Trump a "falsifié à plusieurs reprises et de manière frauduleuse des documents comptables de New York, pour dissimuler une conduite criminelle qui cachait des informations préjudiciables aux électeurs lors de l'élection présidentielle de 2016"

 

Dans le cas de fausses déclarations comptables commises dans l'intention de commettre (et de cacher) un autre crime, la peine maximale encourue est de quatre années de prison. Toutefois, les peines de prison ferme sont rares pour ce type de faits, relève Politico*.

Que va-t-il se passer maintenant ? 

Donald Trump a plaidé non-coupable lors de sa comparution à Manhattan mardi. Le juge Juan Merchan a déclaré qu'il visait le mois de janvier 2024 pour l'ouverture du procès de l'ancien président américain. Néanmoins, ce calendrier pourrait être retardé, et cette inculpation n'empêchera pas Donald Trump de se présenter (ni d'exercer un nouveau mandat en cas de réélection) en 2024. Des audiences préalables au procès sont attendues, comme le détaille le Washington Post*. La défense pourrait déposer des demandes de rejets de chefs d'accusation ou d'exclusion de certaines preuves. Elle peut également déposer des demandes au sujet du calendrier du procès ou des témoins entendus, précise le quotidien. Les avocats de Donald Trump vont déposer "une flopée de recours", confirme l'expert en droit pénal Michael Meltsner, interrogé par l'AFP.

Lors de ces audiences préalables au procès, la défense de Donald Trump pourrait revenir sur les accusations de violations électorales. En cas de succès, les charges maintenues porteraient sur la falsification des documents comptables, ce qui serait une première victoire pour l'ancien président et pourrait retarder l'ouverture du procès, relève Politico. La défense pourrait également revenir sur la qualification des "documents comptables". Pour l'accusation, il s'agit de documents liés aux organisations de Donald Trump, mais ses avocats pourraient contester cet argument. Ils pourraient appuyer sur le fait qu'il s'agissait de transactions personnelles de Donald Trump. 

La défense pourrait aussi tenter de retarder le début du procès en demandant une délocalisation, la reprise de l'affaire par un tribunal fédéral ou en négociant longuement sur les mesures de sécurité prises pour les apparitions de Donald Trump au tribunal, poursuit Politico*. Les avocats de l'ancien président doivent obtenir l'accès à l'ensemble des éléments constitutifs du dossier au mois de mai. Sa défense pourra alors déposer des requêtes jusqu'au 8 août, puis l'accusation pourra répondre avant le 19 septembre. Le juge se prononcera sur ces requêtes lors d'une audience le 4 décembre, précise CNN*. Enfin, les autres enquêtes visant Donald Trump pourraient également jouer sur le calendrier du procès.

* Les liens signalés par un astérisque renvoient vers des articles en anglais. 

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