Etats-Unis : on vous résume l'affaire qui lie Donald Trump à l'actrice de films pornographiques Stormy Daniels
Une première pour un ancien président des Etats-Unis. Un grand jury d'un tribunal de New York a voté l'inculpation au pénal de Donald Trump dans une affaire d'achat du silence de Stormy Daniels, une actrice de films X, datant de 2016, ont rapporté jeudi 30 mars des médias américains, dont le New York Times et CNN (en anglais). "Nous nous attendons à ce que la lecture de l'acte d'accusation ait lieu mardi", a déclaré son avocate, Susan Necheles, dans un courriel à l'AFP.
L'objectif était que Stormy Daniels taise une supposée relation extraconjugale dix ans plus tôt. Depuis plusieurs années, la justice cherche à déterminer si, avec ce paiement de 130 000 dollars à l'actrice et réalisatrice de films pornographiques, l'ancien président républicain de 76 ans s'est rendu coupable de fausses déclarations, une infraction mineure, ou de manquement aux lois sur le financement électoral, un délit pénal. Franceinfo vous résume ce long feuilleton judiciaire et politique.
1Stormy Daniels affirme avoir eu une relation sexuelle avec Donald Trump, qui dément
Selon ses dires, Stormy Daniels, de son vrai nom Stephanie Clifford, rencontre pour la première fois Donald Trump en 2006, lors d'un tournoi de golf organisé au bord du lac Tahoe, à cheval entre les Etats de Californie et du Nevada. Le futur président est alors marié à Melania depuis un an. Ses échanges avec Stormy Daniels se seraient soldés, selon elle, par une relation sexuelle consentie, et la promesse, jamais tenue, de Donald Trump de la faire participer à son émission de téléréalité "The Apprentice". Le milliardaire et l'actrice sont restés en contact plusieurs mois, avant de ne plus se parler, affirme-t-elle.
Avant 2018 et le basculement de l'affaire dans la sphère publique, Stormy Daniels n'évoque pas cette relation, sauf dans une interview accordée en 2011, et d'abord non publiée, au magazine In Touch (en anglais). En 2018, elle fait à nouveau le récit de sa rencontre avec Donald Trump et de leur rapport sexuel lors d'un entretien accordé à la chaîne de télévision CBS (en anglais), dans lequel elle révèle également avoir été menacée à la suite de cette relation par des hommes de l'ex-président, et dans un ouvrage autobiographique intitulé Full Disclosure. De son côté, Donald Trump dément toujours avoir eu une relation sexuelle avec Stormy Daniels.
2 La presse révèle un accord financier conclu en pleine campagne présidentielle
Dix ans plus tard, au cœur de la campagne présidentielle américaine de 2016, des négociations se jouent en coulisses pour empêcher des déballages embarrassants visant le candidat républicain. En août, le tabloïd The National Enquirer, dont le patron est proche de Donald Trump, achète pour 150 000 dollars à une mannequin, ancienne playmate du magazine Playboy, Karen McDougal, les droits de son histoire sur une relation sexuelle qu'elle affirme avoir eue avec le milliardaire. But de l'opération : étouffer l'affaire. Une technique connue sous le nom de catch and kill ("attrape et élimine") aux Etats-Unis, où les clauses de confidentialité sont courantes.
De son côté, Stephanie Clifford est mise en contact avec l'avocat personnel de Donald Trump, Michael Cohen. Ce fidèle d'entre les fidèles, surnommé le "pitbull", va verser, à la fin du mois d'octobre 2016, quelques jours avant la présidentielle, 130 000 dollars contre un accord de confidentialité de l'actrice sur la supposée liaison extraconjugale du candidat républicain. Le 12 janvier 2018, le Wall Street Journal révèle dans un article (en anglais) la conclusion de cet accord.
3Une bataille judiciaire s'engage entre la star du porno et le président américain
Tout s'accélère à la suite de ces révélations. En février 2018, Michael Cohen admet, sans donner de raisons, avoir versé cette somme sur le compte de Stéphanie Clifford. Le 6 mars 2018, Stormy Daniels porte plainte contre celui qui est, entre temps, devenu le 45e président des Etats-Unis, pour tenter de faire invalider la clause de confidentialité à la suite des déclarations de Michael Cohen.
Dans un premier temps, Donald Trump dément avoir été au courant de l'existence de cet accord financier. Mais, le 2 mai 2018, un autre de ses avocats, Rudy Giuliani, le contredit, affirmant qu'il a remboursé l'argent à Michael Cohen. En août, ce dernier finit par collaborer avec la justice, et plaide coupable devant un juge fédéral, notamment pour fraude fiscale et violation des lois sur le financement des campagnes électorales. Michael "Cohen a effectué ces paiements" pour acheter le silence de l'actrice "dans le but d'influencer l'élection présidentielle de 2016", affirme alors le parquet fédéral. Or, il a obtenu remboursement des sommes par la Trump Organization et la justice américaine considère qu'il peut s'agir d'un don dissimulé à la campagne du président, en violation des lois de financement électoral. Michael Cohen est condamné à trois ans de prison en décembre 2018.
4 La justice s'intéresse à la campagne électorale du milliardaire
A la suite de ces révélations, la justice se penche sur la responsabilité de l'ancien président. "Il n'y a rien de criminel dans le paiement lui-même. Ce qui est illégal, c'est de falsifier les documents commerciaux d'une entreprise", explique à l'AFP John Coffee, professeur de droit à l'université de Columbia, spécialisé dans la criminalité financière. "La Trump Organization est une entreprise" et les remboursements versés à Michael Cohen ont été "déclarés comme étant destinés à couvrir des frais juridiques", poursuit-il. De fausses déclarations, selon la justice américaine.
Si cette seule infraction est retenue à l'encontre de Donald Trump par la justice de l'Etat de New York, "il s'agit d'un délit". "Mais cela devient un crime, qui peut valoir une sanction pouvant aller jusqu'à quatre ans de prison, si les procureurs peuvent convaincre un jury que la falsification a eu lieu dans le but de cacher un autre crime", comme un don illégal à la campagne du candidat de 2016, poursuit John Coffee.
De son côté, l'ancien président a toujours démenti avoir eu une relation avec Stormy Daniels. Ses avocats le présentent comme victime d'une "extorsion" de la part de l'actrice. Par ailleurs, dans chacune des affaires qui le visent, Donald Trump invoque "une chasse aux sorcières" politique par des magistrats démocrates. Les investigations liées au paiement de l'actrice porno sont menées sous l'égide du procureur de l'Etat de New York pour Manhattan, Alvin Bragg, un élu démocrate. Dans un communiqué publié la semaine dernière, Donald Trump affirme ainsi que l'enquête est une tentative pour "faire tomber" sa candidature en tant que républicain à la présidentielle de 2024, raconte le New York Times (en anglais).
5 Trump assure que son arrestation est imminente
Samedi 18 mars, Donald Trump a affirmé qu'il allait être "arrêté" le mardi suivant. Evoquant une "fuite" du parquet new-yorkais, l'ex-président américain a écrit en lettres majuscules : "Le candidat du Parti républicain (...) et ancien président des Etats-Unis d'Amérique va être arrêté mardi de la semaine prochaine", avant d'appeler à des mobilisations dans le pays : "Manifestez, reprenez notre nation !" Finalement, rien ne s'était passé.
Le 9 mars, Donald Trump avait été invité à témoigner devant un grand jury, un panel de citoyens doté de larges pouvoirs d'enquête et chargé d'entériner une mise en examen, rapporte le New York Times . Un signe possible de la volonté du parquet de poursuivre l'ancien président.
6 Un grand jury vote l'inculpation de l'ex-président
Finalement, le 30 mars 2023, un grand jury d'un tribunal de New York a voté l'inculpation au pénal de l'ancien président. Donald Trump devrait donc être formellement inculpé mardi par la justice de l'Etat de New York et par le procureur Alvin Bragg, selon l'avocate de l'ancien président.
Un porte-parole du parquet local a annoncé avoir organisé avec la défense de Donald Trump "sa reddition devant le procureur du district de Manhattan pour une audience d'inculpation", selon un communiqué publié après le vote du grand jury.
Donald Trump devra donc "se rendre" au tribunal de Manhattan pour la lecture de l'acte d'accusation par un juge, être brièvement et symboliquement placé en état d'arrestation, photographié avant de faire relever ses empreintes digitales.
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