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"On attendait au moins quelques annonces" : pourquoi le sommet entre Kim Jong-un et Donald Trump a déraillé

Les deux dirigeants se sont quittés, jeudi, sans signer le moindre accord. 

Article rédigé par Louise Hemmerlé - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Kim Jong-un et Donald Trump (à droite) à Hanoï (Vietnam), le 28 février 2019.  (SAUL LOEB / AFP)

Initialement, la Maison Blanche avait prévu une "cérémonie de signature conjointe". Et même un déjeuner de travail entre Kim Jong-un et Donald Trump à l'issue du sommet consacré à l'épineux dossier de la dénucléarisation de la Corée du Nord. Mais les deux hommes ont finalement déserté l'hôtel Metropole, à Hanoï (Vietnam), sans signer quoi que ce soit, jeudi 28 février. Il "faut parfois quitter" les négociations, a lancé le locataire de la Maison Blanche, qui a fait savoir qu'il avait décidé de partir à cause de divergences sur les sanctions économiques infligées à la Corée du Nord du fait de ses programmes nucléaire et balistique interdits.. 

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Antoine Bondaz, spécialiste de la Corée du Nord à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) répond aux questions de franceinfo et explique pourquoi ce sommet s'achève sur une déception. 

Franceinfo : que pouvait-on attendre de ce sommet ? 

Antoine Bondaz : Il y a six mois à Singapour, un cap et une vision avaient été donnés. Pour ce deuxième sommet, on prévoyait ni la signature d’un traité de paix, ni un accord technique de dénucléarisation, mais on attendait au moins quelques annonces qui permettraient de concrétiser les engagements de Singapour. C’est clairement un échec et une déception. 

Quelles sont les causes de cet échec ? 

Selon les Etats-Unis, la Corée du Nord souhaitait une levée totale des sanctions économiques. Or, ça c'est une ligne rouge pour les Américains. Il n’a jamais été question de leur côté, dans le cadre des négociations, de lever l’ensemble des sanctions dès le début.

Pour être très honnête, cette demande est vraiment surprenante de la part des Nord-Coréens. D’autant plus que les Américains et eux s’étaient mis d’accord il y a quelques semaines pour avancer de manière progressive et simultanée. Et si les Nord-Coréens ont demandé la levée des sanctions dès le début, ça pose de vraies questions sur le processus de négociation.

Les capacités nucléaires nord-coréennes continuent de s’accroître.

Antoine Bondaz, spécialiste de la Corée du Nord

franceinfo

Pourquoi les Etats-Unis ne sont-ils pas prêts à lever des sanctions économiques ?

Sur cette question, la position officielle américaine jusqu’à présent était de dire qu’il n’y aurait pas de levée des sanctions tant qu’on n’aurait pas atteint l’objectif de démantèlement complet, vérifiable et irréversible de l'arsenal nord-coréen. Officieusement, les Etats-Unis pouvaient envisager des levées extrêmement partielles des sanctions, mais en échange, évidemment d’avancées très concrètes.

Le problème est que, pour l’instant, le programme balistique et les capacités nucléaires nord-coréens continuent de s’accroître. Le gel des essais ne signifie en rien un gel des programmes. Impossible ainsi pour les Américains d'envisager une levée des sanctions.

Pourquoi la Corée du Nord se refuse-t-elle à garantir des avancées concrètes ? 

Il y a plusieurs hypothèses possibles. Le premier problème, c’est que Donald Trump a davantage besoin d’un accord à court terme, peut-être, que la Corée du Nord. Il doit présenter ces négociations avec Pyonyang comme un succès diplomatique à dix-huit mois de la présidentielle américaine. Si ce sont effectivement les Nord-Coréens qui ont provoqué le blocage des négociations, ça peut être un moyen pour eux de faire pression sur les Américains et notamment sur Donald Trump. 

D'autre part, on sait très bien qu’il y a des luttes d’influence au sein du régime nord-coréen. Il ne faudrait pas penser que Kim Jong-un est seul à décider. C’est évidemment la personne la plus importante, mais des lignes s’opposent au sein du régime, notamment une frange dure qui ne souhaite pas qu’il y ait une dénucléarisation et qu’il y ait un rapprochement trop mis en scène avec les Etats-Unis. Une partie des élites nord-coréennes peut considérer que l’annonce de la volonté de mettre fin à la guerre ou le retour des inspecteurs internationaux dans le pays n’est pas dans leurs intérêts. Ces logiques de pouvoir au sein du régime, qui existent même si on a peu d'informations dessus, peuvent être l’une des raisons pour lesquelles les Nord-Coréens n’ont pour l’instant pas avancé concrètement. 

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