Pourquoi y a-t-il autant d'incendies en Californie ?
Chaque année, la région est en proie à de violents incendies, très ravageurs. La sécheresse, le réchauffement climatique mais aussi l'urbanisation galopante de l'État le plus peuplé des États-Unis en font un territoire particulièrement inflammable.
"C'est une nouvelle norme, et nous devons y faire face." À en croire le gouverneur de Californie Jerry Brown, cité par USA Today (en anglais), les près de 40 millions d'habitants de l'Etat de la côte ouest des Etats-Unis vont devoir s'habituer à faire face à des feux à répétition. Depuis plusieurs semaines, la Californie est ravagée par le plus grand incendie de son histoire récente, le Mendocino Complex. Composé de deux foyers mitoyens débutés le 27 juillet, il a dévoré au moins 114 850 hectares, soit autant que Paris et la petite couronne réunis.
>> CARTE. Voici où sont situés les principaux incendies qui ravagent la Californie
Un triste record qui devance celui de l'incendie Thomas qui avait embrasé 114 078 hectares dans le secteur de Santa Barbara, en décembre 2017. En octobre, 100 000 hectares de forêt et de garrigues avaient été réduits en cendres dans la région viticole des vallées de Napa et Sonoma, au nord de San Francisco. L'année 2017 s'est révélée la plus destructrice pour le "Golden State". Mais cela fait plusieurs années que la Californie est en proie à des feux de grande ampleur. Franceinfo vous explique pourquoi ce territoire est le théâtre d'incendies réguliers, longs et particulièrement dévastateurs.
Parce que la végétation californienne est propice à l'embrasement
Le climat méditerrannéen de la côte californienne forme un réservoir très sec et particulièrement combustible. L'État est parsemé de gigantesques forêts qui constituent de véritables pourdrières, accentuées par la sécheresse accablante de ces cinq dernières années qui ont laissé "102 millions d'arbres morts", témoigne Scott McLean, porte-parole du département californien des forêts et de la protection contre les incendies auprès de CNN. Yaël Lecras, vice-président du syndicat national des sapeurs-pompiers professionnels, pointe les "circonstances extrêmement particulières" du territoire californien. "Actuellement les végétaux sont à 4% d’humidité environ alors qu’on considère qu’un bois sec c’est 11 à 14%", explique-t-il à franceinfo.
En plus de ces vastes forêts, la chaîne cotière autour de Los Angeles et San Diego est couverte de chaparral, l'équivalent du maquis ou de la garrigue en France. "C'est une végétation très fine, composée de buissons et d'herbes qui sèchent extrêmement vite", explique Thomas Curt, directeur de recherche à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea) à franceinfo.
Le chapparal dégage des huiles essentielles qui font que quand ça chauffe, ça s'enflamme très vite.
Thomas Curtà franceinfo
Cet écosystème très propice à la combustion est accentué par des températures particulièrement élevées.
Parce que le climat se réchauffe et la saison des incendies s'allonge
L'augmentation des températures a un impact majeur sur les incendies, car plus il fait chaud, plus la végétation s'assèche, permettant une propagation plus rapide des feux. Or, selon l'Agence nationale de protection de l'environnement, la Californie du Sud s'est réchauffée de trois degrés au cours du siècle dernier. L'agence avertit que les températures plus élevées de l'État, la réduction du manteau neigeux et le manque d'approvisionnement en eau créent un environnement plus inflammable, susceptible d'accroître la gravité, la fréquence et l'étendue des incendies. Un constat partagé par Thomas Curt : selon lui, le changement climatique crée un "allongement de la saison propice aux feux en Californie avec des périodes de sécheresse de plus en plus longues".
La saison favorable aux incendies augmente de 1 à 2 jours par an : cela paraît peut-être peu, mais sur 50 ans ça finit par être important.
Thomas Curtà franceinfo
Résultat : contrairement à l’Europe, où les incendies ont lieu presque uniquement en été, ils peuvent se produire quasi en toute saison sur le sol californien. "Des étés plus longs, des hivers et des printemps plus courts (...) ont prolongé la saison des feux de forêt américains traditionnels de juillet à octobre", explique ainsi le site US News (en anglais).
Parce que les feux californiens créent leur propre météo
À cause des raisons des évoquées, les incendies californiens se transforment rapidement en "méga feux". Ces incendies gigantesques créent leurs propres phénomènes météorologiques et forment par endroits des tourbillons de chaleur, suceptibles d'envoyer des particules incandescentes. "Ces débris enflammés vont se déposer un à deux kilomètres plus loin et remettent le feu", décrit Thomas Curt à franceinfo. Plusieurs départs de feux peuvent ainsi se déclarer dans une même journée. C'est d'ailleurs le cas en ce moment : comme le montre cette carte, les pompiers californiens ne luttent pas contre le plus grand feu de leur histoire, mais contre de très nombreux incendies plus ou moins importants.
Ce genre de brasier est d'autant plus difficile à endiguer qu'il est souvent accéléré par les vents de Santa Ana, très redoutés dans la région. Chauds et secs, ils soufflent "comme un mistral, et dessèchent la végétation à vitesse grand V", explique Thomas Curt, facilitant ainsi la progression des feux. "Les flammes progressent de plusieurs kilomètres par heure et sont très difficiles à contrôler car trop intenses et trop rapides" précise le chercheur.
Cette densité des flammes combinée aux nombreux foyers qui se déclarent chaque jour complique grandement l'action des pompiers. "Malgré les progrès techniques, les forces de lutte se retrouvent vite complètement désorganisées" explique Thomas Curt à franceinfo.
On peut combattre un ou deux feux mais quand il y en a une dizaine : c'est très compliqué
Thomas Curtà franceinfo
Une progression rapide combinée, décrit Scott McLean, à des paysages particulièrement escarpés : "Les canyons et les collines du sud de la Californie sont magnifiques, mais ils peuvent rendre difficile l’accès des pompiers aux incendies de forêt", explique-t-il à CNN. Malgré les 14 000 pompiers déployés, il va sans doute s'écouler plusieurs semaines avant que les flammes ne parviennent à être contenues.
Parce que les habitants s'installent dans des zones à risque
Si la foudre est responsable de certains départs de feu, 95% des incendies en Californie sont causés par des humains, d'après le service des pompiers Cal Fire. Rarement intentionnels, ils peuvent se produire à cause "d'une ligne électrique qui tombe au sol, d'étincelles le long d’une ligne de chemin de fer ou de braises qui s'échappent d'un barbecue", détaille le chercheur de l'Irstea à franceinfo.
Les risques sont d'autant plus élevés que, selon le mensuel américain Wired, "deux millions de foyers dans l’État se trouvent dans des zones sujettes à des incendies de forêt, soit 14,5% de toutes les maisons en Californie". En effet, la crise du logement pousse de nombreux habitants à s'installer dans des zones en périphérie des villes, à la lisière des forêts et dans des zones de végétation inflammable.
Dans les collines, au-dessus de Los Angeles, des milliers de maisons sont construites dans des endroits potentiellement dangereux.
Thomas Curtà franceinfo
Non seulement cette pratique augmente drastiquement le risque d'incendies, mais elle complique davantage la tâche pour les pompiers, qui s'attellent d'abord à protéger les habitants. "Lorsque les pompiers se concentrent sur la protection des habitations, ils ne peuvent pas endiguer le feu aussi vite que possible ou ériger une barrière pour empêcher la propagation de l'incendie", explique le magazine Time (en anglais). "Il faut imposer probablement aux habitants des mesures d’entretien, de prévention autour de leurs habitations et des zones qu’ils occupent, affirme Yaël Lecras à franceinfo. Le débroussaillage, par exemple, est quelque chose d’important, puisque la structure de la végétation favorise le feu."
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