Victoire de Donald Trump : "Il y a un risque de voir un QAnon 2.0 avec ce nouveau mandat", explique Tristan Mendès France

Article rédigé par Thomas Destelle
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Donald Trump et  Melania Trump au West Palm Beach Convention Center, en Floride, le 6 novembre 2024. (JIM WATSON / AFP)
La victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine de 2024 va-t-elle être un tremplin supplémentaire pour les thèses complotistes ? La proximité du candidat républicain avec la complosphère inquiète le maître de conférences Tristan Mendès France.

Un deuxième mandat et deux fois plus de théories du complot ? Donald Trump a été élu, mardi 5 novembre, 47e président des Etats-Unis, huit ans après sa première victoire. La campagne a pourtant été marquée par de nombreuses fake news portées par le candidat républicain : des migrants mangeurs de chiens, vote immigré pour Kamala Harris ou encore tentatives d'assassinat par "l'Etat profond".

"Cette rhétorique complotiste a même participé à son succès électoral", déplore Tristan Mendès France, maître de conférences associé à l'Université de Paris Cité et spécialisé dans les cultures numériques. Le coproducteur du podcast Complorama aborde pour franceinfo les risques sur la sphère complotiste d'une victoire du candidat républicain.

franceinfo : Cette victoire de Donald Trump est-elle une victoire du complotisme ?

Tristan Mendès France : De façon assez spectaculaire, le coût du mensonge complotiste a été presque nul pour Donald Trump. La rhétorique qu'il a poussée bien avant 2020 autour de fraudes électorales avec pour conséquence d'ailleurs les émeutes du 6 janvier 2021 au Capitole ne lui a absolument rien coûté politiquement. On pourrait même considérer que cette rhétorique complotiste a participé à son succès électoral.

Les démocrates ont-ils aussi cédé aux thèses complotistes ?

Le camp démocrate a lui aussi été contaminé, en partie et sur la frange, par ces rhétoriques complotistes, notamment lors de la première tentative d'assassinat de Donald Trump. Mais pour être tout à fait juste, ce complotisme démocrate n'a absolument pas eu la même viralité que les théories poussées par des trumpistes.

Quelles sont vos craintes après les résultats de cette élection américaine ?

Il y a déjà une complosphère américaine et internationale qui exulte à l'idée de voir arriver aux manettes de la première puissance mondiale une figure qui est quelque part une sorte de pape de la complosphère internationale.

"L'inquiétude que l'on peut avoir, c'est que cela va clairement donner une dynamique spectaculaire à toutes les complosphères à la fois américaines et internationales."

Tristan Mendès France, maître de conférences

à franceinfo

Une autre crainte réside dans le rôle potentiel d'un Elon Musk dans cette administration Trump et celui d'un Robert F. Kennedy Jr à la tête des questions de santé aux États-Unis. Ces deux acolytes de Donald Trump ont une empreinte complotiste significative et s'adressent à des communautés complotistes d'ailleurs différentes et les stimulent. Du côté de Robert F. Kennedy Jr, c'est tout ce qui relève du complotisme sanitaire. Pour Elon Musk, il s'agit d'une sorte de complotisme libertarien, antimédias et antisystème qui est assez en phase avec Donald Trump. Sauf qu'Elon Musk est à la tête d'un des principaux réseaux sociaux de la planète. Il a une capacité évidemment folle d'influencer l'opinion publique américaine. Par sa proximité avec Trump, il va voir toutes les contraintes, qui pesaient sur lui sous l'administration Biden, se lever.

Le mouvement QAnon a été notamment porté par le premier mandat de Donald Trump, de quoi peut accoucher cette future présidence ?

C'est une vraie question. Le premier mandat de Donald Trump a effectivement vu naître cette mouvance QAnon qui a d'ailleurs contaminé la planète entière. Pour moi, il y a peu de doute que ce symptôme va refaire surface sous une autre forme, mais probablement encore plus délétère du fait que Donald Trump arrive avec un deuxième mandat plus fort qu'il ne l'était en 2016. Il dispose de davantage de soutien de l'appareil républicain et d'intellectuels d'extrême droite. La Cour suprême lui est favorable et il va pouvoir profiter d'un Congrès vraisemblablement acquis à sa cause.

"Il est dans une position qui lui est encore plus favorable qu'en 2016. Il y a donc peu de doute qu'il existe un risque où une sorte de mouvance QAnon 2.0 fasse surface et soit exaltée par ce nouveau mandat de Trump."

Tristan Mendès France, maître de conférences

à franceinfo

Est-on en France à l'abri de ce type de mouvements complotistes ?

On est aujourd'hui sur un marché global de la désinformation et du complotisme. On a vu la contamination de la mouvance QAnon américaine sur le continent européen. Il n'y a pas de frontière informationnelle. La puissance de la complosphère américaine va clairement irradier sur les complosphères européennes. Elles vont se sentir pousser des ailes et soutenues par ce modèle américain. Malheureusement, il n'y a pas de doute sur le fait que ce tsunami complotiste américain va forcément avoir un impact dans l'Union européenne dans les semaines ou les mois qui viennent.

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