"Bernie ou rien !" : hostiles à Clinton, les partisans de Sanders brisent l'unité de la convention démocrate
Les soutiens du sénateur du Vermont ont fortement perturbé la journée d'ouverture de la convention démocrate, chargée d'investir Hillary Clinton. Ils ont bruyamment manifesté leur désaccord, à l'intérieur comme à l'extérieur du bâtiment. Reportage.
Pas le temps de dire Amen, les partisans de Bernie Sanders laissent éclater leur colère, en pleine prière. A la tribune du Wells Fargo Center de Philadelphie (Etats-Unis), le révérend Cynthia Hale officie, lundi 25 juillet, en ouverture de la convention démocrate, chargée d'investir officiellement Hillary Clinton, candidate à la Maison Blanche. Mais le pasteur a le malheur de citer d'emblée le nom de l'ancienne secrétaire d'Etat. La réaction est immédiate : les soutiens du sénateur autoproclamé "démocrate socialiste" commencent à huer puis à scander le nom de leur favori "Bernie ! Bernie ! Bernie !".
Toujours échaudés par la défaite de leur candidat aux primaires, ils ne décolèrent pas. Pour eux, c'est "Bernie ou rien" ! La température ressentie a beau atteindre les 40°C, ils arpentent depuis la veille les rues de Philadelphie pour crier leur désarroi. "Cette élection est malhonnête", dénonce Paula Iaselle, 61 ans, venue du New Hampshire. Sur sa pancarte, la silhouette du sénateur du Vermont apparaît combative, le poing levé. Elle aussi compte bien continuer le combat, quitte à faire des choix radicaux. "Ça fait 42 ans que je suis démocrate, et là, je m'apprête à quitter le parti si Bernie Sanders se fait voler l'investiture", annonce-t-elle. Et d'accuser : "Il y a eu des fraudes, mais personne ne dit rien, comme si les gens étaient à l'aise avec la corruption."
Paula, démocrate depuis 42 ans, va quitter le parti #DemsinPhilly pic.twitter.com/RkZyyQPLEp
— Mathieu Dehlinger (@mdehlinger) 24 juillet 2016
Tous sont encore exaltés après des mois de campagne passionnée. Michael Mazur a fait 14 heures de route pour venir manifester depuis Chicago. "Avant, je pensais que ma voix ne comptait pas, mais Bernie m'a montré le contraire", estime le jeune homme de 24 ans. "J'ai des frissons rien que d'en parler", s'enthousiasme Sereina Viekers, 50 ans. "On est des soldats de la révolution politique, on essaye de changer ce monde, explique cette déléguée démocrate de Virginie occidentale. Il a donné envie à des gens de s'impliquer, de se présenter pour devenir maire, pour devenir sénateur. Les conservateurs s'engagent. On ne peut pas en rester là."
"Jamais Hillary" : Michael votera pour Jill Stein, la candidate écolo #DemsInPhilly pic.twitter.com/BJa7Fl4OKa
— Mathieu Dehlinger (@mdehlinger) 24 juillet 2016
Seleina est une déléguée de Virginie occidentale. Elle espère encore que Bernie sera investi #DemsInPhilly pic.twitter.com/B5vG4YFXs4
— Mathieu Dehlinger (@mdehlinger) 24 juillet 2016
Bernie Sanders hué par ses propres partisans
Leur champion a bien tenté de calmer les esprits. A la mi-journée, Bernie Sanders invite ses délégués dans le centre de convention de Philadelphie. "Nous devons battre Donald Trump, martèle-t-il. Nous devons élire Hillary Clinton." Les huées fusent. Le sénateur a bien du mal à reprendre le fil de son discours, interrompu à plusieurs reprises. "Trump est une brute, un démagogue, justifie-t-il. Trump a fait de la bigoterie et de la haine les pierres angulaires de sa campagne. Il a insulté les Mexicains, les Latinos, les musulmans, les femmes, les Afro-Américains. Trump ne respecte pas la Constitution ou les libertés publiques."
Trump est un danger pour le futur de notre pays et doit être vaincu et je compte bien faire tout ce qui est en mon pouvoir pour m'en assurer.
Incapable de calmer la colère de ses troupes, Bernie Sanders persiste par texto et par e-mail. "Je vous demande, comme une faveur personnelle, de ne protester d'aucune façon dans l'enceinte de la convention, écrit-il. La crédibilité de notre mouvement sera mis à mal si on hue, si on tourne le dos, si on quitte la salle ou si on fait d'autres actions de ce type. C'est ce que les médias institutionnels veulent, c'est ce que Donald Trump veut. Mais ce n'est pas ça qui aidera le mouvement progressiste à se développer dans ce pays."
"Un bouffon néofasciste"
Dans l'enceinte du Wells Fargo Center, les militants pro-Sanders n'en font qu'à leur tête. Il suffit que le nom d'Hillary Clinton ou de son colistier Tim Kaine soient cités pour que les sifflets reprennent de plus belle. "Je compte bien vous respecter, je vous demande de me respecter aussi", tente la présidente de séance, sans succès. Même la comédienne Sarah Silverman, soutien de Bernie Sanders, n'a plus envie de rire. "Tous ces gens qui disent 'Bernie ou rien !', vous êtes ridicules !", finit-elle par lâcher, visiblement exaspérée. Il faudra l'arrivée de Michelle Obama sur scène pour que la salle résonne à l'unisson. Seule la Première dame, adulée dans ces murs, parvient à convaincre, avec un discours passionné. "Quand Hillary Clinton n'a pas été investie en 2008 [face à Barack Obama], elle ne s'est pas mise en colère", sermonne-t-elle les partisans de Bernie Sanders.
A en croire les sondages, le problème est minime : 90% des fidèles du sénateur soutiendraient Hillary Clinton face à Donald Trump, explique le Washington Post (en anglais). Mais en terme d'image, l'effet est désastreux pour le parti démocrate, désireux d'afficher son unité : à Philadelphie, les manifestants les plus vocaux détestent l'ancienne secrétaire d'Etat, qualifiée de "menteuse" ou de "politique corrompue", notamment après l'affaire de ses e-mails. Beaucoup pensent voter pour Jill Stein, la candidate écologiste. Rebecca Cerese, 42 ans, est venue de Caroline du Nord pour assister à "l'enterrement de la démocratie". "Comment voulez-vous qu'Hillary Clinton réforme l'industrie de la santé ou Wall Street quand ce sont eux qui payent ses factures ?", interroge-t-elle.
Elle est peut-être un peu moins horrible, mais ils sont tous les deux dangereux. D'un côté on a Trump, un bouffon néo-fasciste et de l'autre on a Clinton, une néoconservatrice corrompue et va-t-en-guerre.
"RIP la démocratie" : c'est le message de Rebecca, croisée dans le métro de Philadelphie #DemsInPhilly pic.twitter.com/38rkIGp2Z1
— Mathieu Dehlinger (@mdehlinger) 25 juillet 2016
"Qu'est-ce que ça change ?", abonde Bryan Russo, 38 ans, venu du New Jersey voisin pour manifester. "Cela revient à choisir entre la guerre civile et la troisième guerre mondiale. Entre mourir brûlé ou noyé, je préfère essayer de vivre." Lui pense même que Donald Trump serait moins néfaste pour le pays, car selon lui, il n'arrivera pas à appliquer son programme, au contraire d'Hillary Clinton. Qu'importe si, à la tribune, Bernie Sanders insiste sur les points de convergence entre elle et lui. Pendant qu'il s'exprime, un tweet résume la pensée de certains de ces partisans : "Bernie Sanders totalement vendu à Hillary Clinton la malhonnête. Tout ce travail, cette énergie, cet argent et rien derrière ! Une perte de temps." Le message est signé Donald Trump.
"Personne ne votera Hillary ici", me disent Michelle & Bryan #DemsInPhilly pic.twitter.com/hKt1waLO9S
— Mathieu Dehlinger (@mdehlinger) 24 juillet 2016
À regarder
-
Kamala Harris reconnaît sa défaite
-
Election américaine : pourquoi un tel raz-de-marée républicain ?
-
Donald Trump encense Elon Musk après avoir déclaré sa victoire
-
Donald Trump revendique "une victoire politique jamais vue"
-
Comment les expatriés américains font pour voter ?
-
La mort de cet écureuil est récupérée par le camp de Donald Trump
-
Peut-on comparer démocrates et républicains à la gauche et la droite française ?
-
Donald Trump imite Emmanuel Macron
-
Présidentielle américaine : l'artiste Bad Bunny soutient Kamala Harris
-
Election américaine : qu'apporte Elon Musk à la campagne de Donald Trump ?
-
Election américaine : quand connaîtra-t-on le nom du prochain président élu ?
-
Maya Harris, plus proche conseillère de Kamala depuis plus de 50 ans
-
Quelle est la position des candidats à la présidentielle américaine sur le conflit au Proche-Orient
-
Aux Etats-Unis, "Superman" appelle les Américains à voter
-
Présidentielle américaine : des cookies Trump et Harris controversés
-
Election américaine : plus de 6 millions de dollars de paris sur le duel Harris-Trump
-
Les célébrités peuvent-elles influencer le scrutin américain ?
-
Pourquoi n'y a-t-il que deux grands partis aux Etats-Unis ?
-
Élection présidentielle aux États-Unis : le business des produits dérivés
-
Election américaine : "I have a Glock", quand Kamala Harris parle de son arme
-
Élection américaine : les démocrates contrôlent-ils la météo ?
-
Un bar à thème présidentiel aux États-Unis
-
La "Bible Trump" bientôt dans les écoles ?
-
Une interview de Melania Trump à 250 000 dollars ?
-
Une statue géante de Donald Trump aux États-Unis
-
Kamala Harris traite Donald Trump de poule mouillée
-
Des singes prédisent le résultat de l'élection américaine
-
Élection américaine : rencontre avec Raymond, électeur de Donald Trump
-
Visée par Donald Trump, la communauté haïtienne de Springfield est devenue la cible de l'extrême droite
-
Une possible tentative d'assassinat visant Donald Trump
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.