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"Bernie ou rien !" : hostiles à Clinton, les partisans de Sanders brisent l'unité de la convention démocrate

Les soutiens du sénateur du Vermont ont fortement perturbé la journée d'ouverture de la convention démocrate, chargée d'investir Hillary Clinton. Ils ont bruyamment manifesté leur désaccord, à l'intérieur comme à l'extérieur du bâtiment. Reportage.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger - Envoyé spécial à Philadelphie (Etats-Unis),
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Bernie Sanders, sénateur du Vermont, quitte la tribune de la convention démocrate, le 25 juillet 2016 à Philadelphie (Etats-Unis). (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)

Pas le temps de dire Amen, les partisans de Bernie Sanders laissent éclater leur colère, en pleine prière. A la tribune du Wells Fargo Center de Philadelphie (Etats-Unis), le révérend Cynthia Hale officie, lundi 25 juillet, en ouverture de la convention démocrate, chargée d'investir officiellement Hillary Clinton, candidate à la Maison Blanche. Mais le pasteur a le malheur de citer d'emblée le nom de l'ancienne secrétaire d'Etat. La réaction est immédiate : les soutiens du sénateur autoproclamé "démocrate socialiste" commencent à huer puis à scander le nom de leur favori "Bernie ! Bernie ! Bernie !".

Toujours échaudés par la défaite de leur candidat aux primaires, ils ne décolèrent pas. Pour eux, c'est "Bernie ou rien" ! La température ressentie a beau atteindre les 40°C, ils arpentent depuis la veille les rues de Philadelphie pour crier leur désarroi. "Cette élection est malhonnête", dénonce Paula Iaselle, 61 ans, venue du New Hampshire. Sur sa pancarte, la silhouette du sénateur du Vermont apparaît combative, le poing levé. Elle aussi compte bien continuer le combat, quitte à faire des choix radicaux. "Ça fait 42 ans que je suis démocrate, et là, je m'apprête à quitter le parti si Bernie Sanders se fait voler l'investiture", annonce-t-elle. Et d'accuser : "Il y a eu des fraudes, mais personne ne dit rien, comme si les gens étaient à l'aise avec la corruption."

Tous sont encore exaltés après des mois de campagne passionnée. Michael Mazur a fait 14 heures de route pour venir manifester depuis Chicago. "Avant, je pensais que ma voix ne comptait pas, mais Bernie m'a montré le contraire", estime le jeune homme de 24 ans. "J'ai des frissons rien que d'en parler", s'enthousiasme Sereina Viekers, 50 ans. "On est des soldats de la révolution politique, on essaye de changer ce monde, explique cette déléguée démocrate de Virginie occidentale. Il a donné envie à des gens de s'impliquer, de se présenter pour devenir maire, pour devenir sénateur. Les conservateurs s'engagent. On ne peut pas en rester là."

Bernie Sanders hué par ses propres partisans

Leur champion a bien tenté de calmer les esprits. A la mi-journée, Bernie Sanders invite ses délégués dans le centre de convention de Philadelphie. "Nous devons battre Donald Trump, martèle-t-il. Nous devons élire Hillary Clinton." Les huées fusent. Le sénateur a bien du mal à reprendre le fil de son discours, interrompu à plusieurs reprises. "Trump est une brute, un démagogue, justifie-t-il. Trump a fait de la bigoterie et de la haine les pierres angulaires de sa campagne. Il a insulté les Mexicains, les Latinos, les musulmans, les femmes, les Afro-Américains. Trump ne respecte pas la Constitution ou les libertés publiques."

Trump est un danger pour le futur de notre pays et doit être vaincu et je compte bien faire tout ce qui est en mon pouvoir pour m'en assurer.

Bernie Sanders

face à ses délégués

Incapable de calmer la colère de ses troupes, Bernie Sanders persiste par texto et par e-mail. "Je vous demande, comme une faveur personnelle, de ne protester d'aucune façon dans l'enceinte de la convention, écrit-il. La crédibilité de notre mouvement sera mis à mal si on hue, si on tourne le dos, si on quitte la salle ou si on fait d'autres actions de ce type. C'est ce que les médias institutionnels veulent, c'est ce que Donald Trump veut. Mais ce n'est pas ça qui aidera le mouvement progressiste à se développer dans ce pays."

"Un bouffon néofasciste"

Dans l'enceinte du Wells Fargo Center, les militants pro-Sanders n'en font qu'à leur tête. Il suffit que le nom d'Hillary Clinton ou de son colistier Tim Kaine soient cités pour que les sifflets reprennent de plus belle. "Je compte bien vous respecter, je vous demande de me respecter aussi", tente la présidente de séance, sans succès. Même la comédienne Sarah Silverman, soutien de Bernie Sanders, n'a plus envie de rire. "Tous ces gens qui disent 'Bernie ou rien !', vous êtes ridicules !", finit-elle par lâcher, visiblement exaspérée. Il faudra l'arrivée de Michelle Obama sur scène pour que la salle résonne à l'unisson. Seule la Première dame, adulée dans ces murs, parvient à convaincre, avec un discours passionné. "Quand Hillary Clinton n'a pas été investie en 2008 [face à Barack Obama], elle ne s'est pas mise en colère", sermonne-t-elle les partisans de Bernie Sanders.

A en croire les sondages, le problème est minime : 90% des fidèles du sénateur soutiendraient Hillary Clinton face à Donald Trump, explique le Washington Post (en anglais). Mais en terme d'image, l'effet est désastreux pour le parti démocrate, désireux d'afficher son unité : à Philadelphie, les manifestants les plus vocaux détestent l'ancienne secrétaire d'Etat, qualifiée de "menteuse" ou de "politique corrompue", notamment après l'affaire de ses e-mails. Beaucoup pensent voter pour Jill Stein, la candidate écologiste. Rebecca Cerese, 42 ans, est venue de Caroline du Nord pour assister à "l'enterrement de la démocratie". "Comment voulez-vous qu'Hillary Clinton réforme l'industrie de la santé ou Wall Street quand ce sont eux qui payent ses factures ?", interroge-t-elle.

Elle est peut-être un peu moins horrible, mais ils sont tous les deux dangereux. D'un côté on a Trump, un bouffon néo-fasciste et de l'autre on a Clinton, une néoconservatrice corrompue et va-t-en-guerre.

Rebecca Cerese, manifestante pro-Sanders

à francetv info

"Qu'est-ce que ça change ?", abonde Bryan Russo, 38 ans, venu du New Jersey voisin pour manifester. "Cela revient à choisir entre la guerre civile et la troisième guerre mondiale. Entre mourir brûlé ou noyé, je préfère essayer de vivre." Lui pense même que Donald Trump serait moins néfaste pour le pays, car selon lui, il n'arrivera pas à appliquer son programme, au contraire d'Hillary Clinton. Qu'importe si, à la tribune, Bernie Sanders insiste sur les points de convergence entre elle et lui. Pendant qu'il s'exprime, un tweet résume la pensée de certains de ces partisans : "Bernie Sanders totalement vendu à Hillary Clinton la malhonnête. Tout ce travail, cette énergie, cet argent et rien derrière ! Une perte de temps." Le message est signé Donald Trump.

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