Six questions pour comprendre l'affaire des e-mails d'Hillary Clinton, qui plombe sa campagne présidentielle
Aussi tenace que le sparadrap du capitaine Haddock, l'affaire n'en finit pas de parasiter la campagne de l'ancienne secrétaire d'Etat, candidate à la Maison Blanche.
L'affaire a commencé avant même son entrée officielle en campagne et, depuis, le feuilleton continue de la poursuivre. Hillary Clinton n'en finit pas de s'expliquer sur une action apparemment anodine : de 2009 à 2013, alors qu'elle était secrétaire d'Etat, la candidate à la Maison Blanche a utilisé une adresse e-mail personnelle pour ses activités professionnelles.
Le FBI avait préconisé, le 5 juillet dernier, de ne pas poursuivre Hillary Clinton dans cette affaire. Le patron de l'agence a ensuite annoncé, vendredi 28 octobre, la réouverture de l'enquête précédemment classée, à moins de deux semaines de l'élection présidentielle. Avant de finalement rétropédaler, à deux jours du scrutin, dimanche 6 novembre, et d'annoncer que le FBI maintient sa recommandation initiale. Vous vous sentez perdu face à tous ces rebondissements ? Franceinfo vous résume le dossier en six questions.
C'est quoi cette histoire ?
En janvier 2009, à son arrivée au département d'Etat américain, Hillary Clinton commence à utiliser pour les besoins de son nouveau poste une adresse mail personnelle, plutôt qu'une messagerie officielle de l'administration. Problématique, quand on sait que la loi fédérale prévoit que toutes les correspondances officielles entre personnalités soient archivées et conservées.
Jusqu'à son départ, en février 2013, ses plus proches collaborateurs lui adressent leurs messages à hdr22@clintonmail.com, dont le serveur est installé dans une propriété de la famille Clinton, "protégée par les services secrets américains".
Comment l'affaire a-t-elle éclaté ?
Depuis septembre 2012, les adversaires d'Hillary Clinton se focalisent sur une autre affaire : l'attaque du consulat américain de Benghazi, en Libye, au cours de laquelle l'ambassadeur John Christopher Stevens a trouvé la mort. En mai 2014, près de deux ans plus tard, une commission du Congrès est chargée d'enquêter sur les faits et sur la manière dont le gouvernement américain a géré la situation.
Au cours de ses investigations, la commission cherche à obtenir les échanges entre Hillary Clinton et ses conseillers concernant l'attaque, et découvre l'existence de cette adresse personnelle, raconte le New York Times (en anglais). Après une demande du département d'Etat, Hillary Clinton fournit, fin 2014, plus de 30 000 messages reçus et envoyés à partir de celle-ci. La presse s'empare de l'affaire en mars 2015.
Et Hillary Clinton, elle explique ça comment ?
Si Hillary Clinton a utilisé son e-mail personnel, n'y entendez pas malice : c'était tout simplement pour des questions pratiques. "Ça lui a permis de joindre des gens rapidement et de rester régulièrement et plus facilement en contact avec sa famille et ses amis, étant donné ses nombreux voyages", peut-on lire sur son site de campagne (en anglais).
"Je me suis dit que ça serait plus simple d'avoir juste un appareil plutôt que deux pour mes e-mails personnels et professionnels", explique-t-elle en conférence de presse, en mars 2015. Etonnant, note le New York Times, puisque le mois précédent, elle reconnaissait posséder deux iPad, un iPhone et un Blackberry.
De toute façon, "c'était autorisé", martèle la candidate. Faux, rétorque Politifact (en anglais) : un audit interne du département d'Etat, dévoilé mercredi 25 mai, met à mal cette affirmation. "Le bureau de l'inspecteur général n'a trouvé aucune preuve que la secrétaire d'Etat avait demandé ou obtenu des directives ou l'approbation pour mener ses activités officielles professionnelles via un compte e-mail personnel sur son serveur privé", fustige le rapport. Et, à en croire le document, si elle avait demandé l'autorisation, celle-ci ne lui aurait pas été accordée.
Quoi qu'il en soit, Hillary Clinton n'était pas la seule dans cette situation. D'après l'audit, au moins 90 autres personnes au département d'Etat ont utilisé leur e-mail personnel pour le travail, remarque Politifact. C'était le cas, notamment, de l'un de ses prédécesseurs, Colin Powell, secrétaire d'Etat de 2001 à 2005, sous la présidence de George W. Bush.
Mais de quoi parle-t-elle dans ses e-mails ?
Hillary Clinton l'a reconnu elle-même : elle a supprimé une bonne partie des e-mails qui avaient transité par cette adresse. "Les messages privés, personnels", explique son site de campagne, par exemple des échanges sur le mariage de sa fille, les obsèques de sa mère, ses vacances ou même le yoga.
D'autres mails, professionnels, n'ont pas été divulgués : c'est le cas de 22 messages, classés "top secret", et de 18 échanges avec Barack Obama, qui ne seront diffusés qu'après la fin de son mandat, détaille le New York Times. Mais plus de 30 000 e-mails ont tout de même été rendus publics, même si leur contenu a parfois été partiellement expurgé.
Dans ces messages, la secrétaire d'Etat évoque évidemment la politique américaine et la diplomatie, y compris l'attaque de Benghazi. "Deux de nos agents ont été tués à Benghazi par un groupe semblable à Al-Qaïda, écrit-elle par exemple à sa fille. Ç'a été une journée très difficile et j'ai peur que cela soit pareil demain."
Certains messages sont nettement plus légers, illustrant par exemple les petits soucis de communication de la secrétaire d'Etat. En 2010, Hillary Clinton raconte, agacée, sa vaine tentative de joindre la Maison Blanche : "Je suis en train de batailler avec le standardiste, qui ne me croit pas quand je lui dis qui je suis." Dans un autre échange, elle a bien du mal à faire fonctionner son fax, malgré l'aide de sa cheffe de cabinet.
Risque-t-elle quelque chose ?
Durant son enquête, le FBI s'est intéressée aux informations confidentielles qui ont transité par ce système de messagerie privée, sachant que la loi interdit de communiquer des données classifiées en dehors du réseau sécurisé prévu à cet effet. A l'époque où ces e-mails ont été envoyés et reçus par Hillary Clinton, ils n'étaient pas marqués secrets ou confidentiels, martèle la candidate.
Le FBI avait recommandé, le 5 juillet dernier, de ne pas poursuivre Hillary Clinton malgré la "négligence extrême" de l'ancienne secrétaire d'Etat et de ses équipes. Un avis suivi par le ministère de la Justice américain, qui n'avait pas procédé à son inculpation.
Alors qu'on pensait l'affaire classée, le directeur du FBI, James Comey, annonce, vendredi 28 octobre, la réouverture de l'enquête. "Dans le cadre d'une affaire distincte, le FBI a pris connaissance de l'existence d'emails semblant pertinents pour l'enquête, écrit-il à des élus au Congrès. L'équipe enquêtrice m'en a informé hier et (...) j'ai donné mon accord pour que le FBI prenne les mesures d'enquête appropriées afin de permettre aux enquêteurs d'examiner ces emails et de déterminer s'ils contiennent des informations classifiées, et pour déterminer leur importance dans notre enquête."
Dans un énième rebondissement, le patron du FBI a finalement rétropédalé, dimanche 6 novembre, en écrivant aux élus du Congrès que son agence maintenait sa recommandation initiale : ne pas poursuivre Hillary Clinton. L'annonce intervient, à deux jours du scrutin, après l'examen de ce lot de nouveaux courriels. "Sur la base de cette enquête, nous n'avons pas changé nos [précédentes] conclusions", affirme James Comey.
Pourquoi est-ce un problème pour sa candidature ?
Hillary Clinton était donnée largement favorite face à Donald Trump, mais la relance de l'affaire, à moins de deux semaines de l'élection, lui a coûté cher dans les sondages. L'épisode a laissé à nouveau planer le doute sur le comportement de l'ancienne secrétaire d'Etat, alors qu'elle pensait être débarassée de ce dossier, qui avait pourri sa campagne durant de long mois.
A chaque interview, à chaque débat ou presque, l'ancienne secrétaire d'Etat était interrogée sur le sujet, parasitant le reste de son message et l'empêchant de redorer son image. Selon un récent sondage publié par Fox News, mercredi 26 octobre, seuls 30% des électeurs la jugent "honnête" et "digne de confiance", soit moins que son adversaire Donald Trump.
Le milliardaire, en perte de vitesse dans les sondages, n'avait pas manqué de saisir l'occasion. "La corruption d'Hillary Clinton atteint une ampleur sans précédent, avait-t-il lancé, lors d'un meeting à Manchester, dans le New Hampshire. Nous ne pouvons pas la laisser s'installer avec ses procédés criminels dans le bureau ovale." Sans surprise, le républicain a fustigé la dernière volte-face du FBI, jugeant Hillary Clinton "protégée" par "un système corrompu".
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