Quand la NSA écoutait Edouard Balladur...
Après la chute du Rideau de fer, en 1989, les organismes du renseignement américain, au premier rang desquels la CIA et la NSA (National Security Agency), habitués à la lutte contre l’empire soviétique, ont notamment évolué vers la surveillance de la prolifération nucléaire et l’espionnage économique. «Nous devons mettre autant d’énergie à conquérir des marchés que nous en avons dépensé pour gagner la Guerre froide», selon des propos prêtés au secrétaire d’Etat américain Warren Christopher.
Parmi les nouvelles priorités des «grandes oreilles» de Washington, les concurrents des firmes américaines, et ceux qui leur viennent en aide. Notamment les dirigeants politiques. Sont ainsi visés les Français, «dont l’industrie aéronautique, militaire et spatiale bloque souvent la route aux grands groupes» d’outre-Atlantique, selon le site spécialisé Geopolintel.
C’est ainsi qu’en janvier 1994, le Premier ministre RPR de la cohabitation, Edouard Balladur, se rend en Arabie Saoudite. Il espère obtenir de la part de ses homologues la signature par Airbus d’un contrat de 30 milliards de francs (4,5 milliards d’euros) pour le renouvellement de la flotte de Saudi Arabian Airlines. Un contrat fort intéressant, susceptible de redonner le moral à une France minée par le chômage.
Dans l’avion qui le conduit à Ryad, le locataire de Matignon téléphone aux partenaires d’Airbus, raconte Geopolintel. «Avec eux, il discute librement prix, conditions financières et techniques». Edouard Balladur se montre apparemment très optimiste sur l’issue de la négociation commerciale. C’est sans compter les espions de la NSA qui ne perdent pas une miette des discussions du chef du gouvernement… Résultat : Boeing et McDonnell Douglas (qui a, depuis été absorbé par le premier), les concurrents américains de l’avionneur européen, sont très vite informés du détail des propositions françaises. Ils vont finalement emporter le contrat.
Pour Geopolintel, les deux firmes US auraient de toute façon gagné. Motif : la Maison Blanche était directement intervenue auprès du roi Fahd d’Arabie, «son obligé depuis la (première, NDLR) guerre du Golfe». Mais les écoutes de la NSA n’ont certainement pas nui à Boeing et McDonnell Douglas…
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