Après un an au Vatican, le pape François a-t-il vraiment changé l'Eglise ?
Le successeur de Benoît XVI a engagé un important tournant en terme de communication, mais le fond reste inchangé. Francetv info dessine un premier bilan.
Il était le premier pape à se présenter au balcon de la basilique Saint-Pierre sans aucun ornement liturgique, le 14 mars 2013. Un signe fort qui donnait d'emblée un indice sur l'axe de son pontificat. Un an après, le pape François a-t-il réussi à changer l'Eglise ?
"Il n'a à la fois rien changé et tout changé", résume à francetv info Christine Pedotti, intellectuelle catholique auteure de Faut-il faire Vatican III ? (2012, éd. Tallandier). Explications.
Sur la forme : une révolution
Dès le début de son pontificat, le pape multiplie les gestes symboliques : il ne s'installe pas dans les luxueux appartements du Vatican, se rend à Lampedusa au chevet des migrants, lave les pieds des détenus à Pâques. Mieux, le pape tweete, embrasse de bon cœur les enfants et les souffrants, et fait même la une de Rolling Stones. "Il a acquis une immense popularité", souligne Christine Pedotti qui résume ainsi l'exploit de François : "C'est un type de 77 ans qui n'a pas un physique de star qui a fait en sorte que l'Eglise ne soit plus un vieux machin dont on a plus rien à attendre."
"On est sur un bilan de com' très maîtrisée, très agencée, qui a redoré le blason de l'Eglise après la fin de pontificat catastrophique de Benoît XVI", abonde Christian Terras, rédacteur en chef de la revue progressiste Golias, interrogé par francetv info. Et de préciser : "Il a rapproché l'Eglise de son public, c'est la raison pour laquelle il a été élu."
Sur l'organisation : un frémissement
Principal chantier de François : la réforme de la Curie romaine, sclérosée et corrompue. "De ce point de vue, rien n'a vraiment changé, à part le G8, ce cercle de très proches qui l'entoure désormais", note Christine Pedotti, qui raconte que cette hiérarchie particulière au Vatican "est extrêmement rigide et se défend très bien face à toute tentative de changement".
"Il a agi à partir de nominations, a destitué des archevêques magouilleurs, des prêtres aux mœurs dissolues", pointe de son côté Christian Terras, qui voit là "un toilettage ponctuel". En revanche, "sur la question systémique" de l'organisation du Vatican, le rédacteur en chef de Golias est plus sévère : "Le secrétariat à l'Economie, c'est la montagne qui accouche d'une souris. On a demandé à des multinationales américaines de se pencher sur la question et tout ce qu'on décide, c'est la création d'une structure parallèle dépendante du pape."
Et le spécialiste de noter que le pape a nommé à la tête de cette nouvelle institution "un archevêque parmi les plus conservateurs", le cardinal australien et archevêque de Sydney George Pell. "Il ne le fait pas pour la galerie", nuance Christine Pedotti qui estime "que le pape risque jusqu'à sa vie en s'attaquant ainsi à la corruption au sein de l'Eglise".
"À vouloir trop communiquer, François s'enlève des leviers de changement", analyse encore Christian Terras pour qui le pape "cristallise sur lui des oppositions en interne qui l'empêchent de réformer".
Sur le fond du discours : le statu quo
Il a bien fait quelques petits pas à destination des homosexuels mais François n'a pour autant pas fait évoluer la doctrine de l'Eglise. "On a de la tolérance mais ça ne modifie pas le message", confirme à francetv info l'évêque in partibus Jacques Gaillot.
"Ce n'est pas un pape très réformateur, lui-même reste sur des postures traditionnelles", assène Christian Terras qui souligne : "Avortement, euthanasie, fécondation in vitro... il reste sur le vieux concept de la loi naturelle qui veut que toute intervention de l'homme soit proscrite et ce n'est pas près de bouger."
"Il est en train de faire lever des espérances qui vont être déçues", avertit encore Christian Terras qui s'appuie sur l'exemple des divorcés-remariés. "Les croyants qui entendent son annonce ont trouvé portes closes dans les églises qui n'avaient reçu aucune consigne claire du pape, explique-t-il. Et les quelques évêques allemands qui l'avaient pris au pied de la lettre se sont fait rappeler à l'ordre." Et d'estimer que le pape "se recroqueville comme un hérisson dès qu'il faut passer à l'acte".
"C'est sûr que le pape ne dira jamais qu'il abroge ce qu'avait dit l'Eglise sur la contraception", acquiesce Christine Pedotti. Mais l'intellectuelle nuance : "Quand l'Eglise change d'avis, elle ne le dit pas, elle cesse d'insister sur le sujet, elle le laisse tomber en désuétude." "Pour le prochain synode d'octobre, il a donné la possibilité à tous les catholiques de s'exprimer", souligne aussi Jacques Gaillot qui pense que "les grands changements sont pour l'avenir". Pour l'homme d'église, le fait que Jorge Mario Bergoglio "ait osé choisir François, comme François d'Assises, le vrai nom de la réforme dans l'Eglise" est un signal fort de sa volonté de changement.
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