Un prêtre demande la démission du cardinal Barbarin : on vous résume l'affaire qui secoue l'Église
Dans une pétition, le père Pierre Vignon réclame la démission de l'archevêque de Lyon, poursuivi pour ne pas avoir dénoncé des agressions pédophiles dans son diocèse.
Après un appel du pape à se mobiliser contre la pédophilie au sein du clergé catholique, un prêtre de Valence (Drôme) a lancé, mardi 21 août, une pétition réclamant la démission du cardinal Philippe Barbarin. "Ce qui aurait dû rester l'affaire Preynat, c'est-à-dire celle d'un prédateur sexuel malheureusement entré dans l'Église, est devenu l'affaire Barbarin", dénonce sur franceinfo le père Pierre Vignon, auteur de la lettre. Le cardinal est poursuivi par les victimes d'un prêtre pédophile pour non-dénonciation d'agressions sexuelles. Franceinfo vous explique pourquoi le diocèse de Lyon est de nouveau dans la tourmente.
Pourquoi l'affaire agite-t-elle l'Église ?
Depuis plusieurs années, l'Église catholique est confrontée à de nombreux scandales pédophiles, de l'Australie au Chili, en passant par les États-Unis et la France. C'est dans ce contexte que le pape François s'est adressé, lundi 20 août, dans une lettre traduite en sept langues, "au peuple de Dieu", c'est-à-dire aux catholiques du monde entier. Il y appelle tous les croyants à se mobiliser contre la pédophilie au sein du clergé et, pour la première fois, condamne "tous ceux qui commettent ou dissimulent ces délits", visant autant les coupables d'actes pédophiles que la hiérarchie qui les a protégés.
Au lendemain de cet appel du pape, le père Pierre Vignon, prêtre à Valence, a lancé une pétition en ligne pour réclamer la démission du cardinal Philippe Barbarin, poursuivi pour non-dénonciation d'agressions sexuelles dans son diocèse. Le père Vignon estime que celui-ci aurait dû remettre sa démission dès son fameux lapsus "la majorité des faits, grâce à dieu, sont prescrits". Selon le prêtre, qui avait déjà demandé la démission du cardinal dans le passé, le pape "demande de prier et de jeûner, mais il faut également des actes concrets".
Que reproche-t-on au cardinal Barbarin ?
Les victimes reprochent au cardinal Barbarin d'avoir tardé à prendre des mesures contre des prêtres accusés d'actes pédophile et de ne les avoir jamais dénoncés à la justice. D'anciens scouts lyonnais accusent en effet le père Bernard Preynat d'actes pédophiles. Tous racontent comment cet "homme charismatique" se servait de son autorité pour les isoler, avant de les agresser. Les faits qui lui sont reprochés remontent aux années 1970 à 1991 et beaucoup sont désormais prescrits. Le prêtre n'a jamais démenti ces accusations. Confronté par son supérieur de l'époque, le cardinal Albert Decourtray, en 1990, Bernard Preynat a reconnu "s'être mal conduit".
Un autre prêtre lyonnais, Jérôme Billioud, est également accusé d'agression sexuelle sur un mineur. Ce dernier a porté plainte en 2009 et a rencontré à cette occasion le cardinal Barbarin, qui a invoqué la prescription pénale, les faits remontant au début des années 1990.
Le diocèse de Lyon a donc bien été informé des agissements passés de plusieurs prêtres. Mais aucune sanction n'a été prise. Le père Preynat a été muté dans d'autres paroisses du Rhône et de la Loire. Il n'a été relevé de toute "responsabilité pastorale" et de "tout contact avec les mineurs" qu'en 2015.
Comment se défend-il ?
Depuis quinze ans à la tête de l'archevêché de Lyon, Philippe Barbarin nie avoir "couvert" les prêtres mis en cause. Il reconnaît toutefois, dans un long entretien au Monde, publié en 2017, avoir commis des "erreurs", notamment quand il invoque la prescription des faits devant les victimes. "Pour elles, la souffrance est aussi brûlante qu’il y a trente ans, qu’au premier jour", admet-il. "Pour elles, il est révoltant et inadmissible que le père Preynat ait pu continuer à être prêtre. Ils ne pardonnent pas au cardinal Decourtray de lui avoir redonné un ministère et à ses successeurs de ne pas l'avoir retiré", poursuit-il.
Après la pétition appelant à sa démission, le cardinal Barbarin n'a pas personnellement réagi. Mais le père Philippe Delorme, figure du diocèse de Lyon, a pris sa défense, renvoyant la responsabilité à ses prédécesseurs. Selon lui, "le cardinal Barbarin s'est retrouvé héritier d'une affaire épouvantable, l'affaire Preynat, une affaire gérée de manière lamentable par les archevêques précédents", explique le père Delorme à franceinfo.
Où en est le volet judiciaire de l'affaire ?
L'archevêque devait initialement comparaître devant le tribunal correctionnel de Lyon du 4 au 6 avril 2018, avec six autres personnes mises en cause par les plaignants, dont le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi au Vatican, l'Espagnol Luis Francisco Ladaria Ferrer.
L'audience avait alors été reportée à début janvier 2019, faute de transmission dans les délais impartis de la citation à comparaître de Mgr Ladaria Ferrer au Vatican. La traduction – en italien et en espagnol – des nombreuses pièces du dossier avait pris du retard.
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