Strasbourg , tribune des papes pour leurs messages européens
En 1988, c’est un pape polonais qui lors d’un long voyage pastoral de plusieurs jours en Alsace-Lorraine lance un appel à l’unité d’une Europe retrouvée, élargie aux peuples qui, il en est persuadé, retrouveront très bientôt leur liberté. Le mur tombait 13 mois plus tard. Et dès décembre 1990 un premier pays, la Hongrie, rejoignait le club des démocraties européennes en devenant membre du Conseil de l’Europe. Lors de cette venue du pape, c’est une Europe qui faisait rêver que l’on appelait de ses vœux, une Europe où l’on vivrait libre et en démocratie. Et c’est Jean-Paul 2 qui avait sans nul doute joué un rôle essentiel dans le processus d’explosion du Bloc de l’Est.
26 ans plus tard, c’est cette fois un pape argentin qui se rend à Strasbourg en visite officielle. Un séjour très court, 4 heures au total, et un voyage uniquement destiné aux institutions européennes, le Parlement européen et le Conseil de l’Europe. Et cette fois, on se fait clairement taper sur les doigts. Alors certes, l’Europe s’est élargie, nous sommes désormais 28. Mais quelle Union européenne. Une Europe, société de déchets, qui cultive individualisme, culte de la technique, de la finance, de la bureaucratie. Une Europe où l’on est pauvre, souvent sans travail, où l’on meurt seul. Une Europe dans laquelle la Hongrie, que je citais presque en exemple, ne brille pas vraiment pour sa pratique de la démocratie. Une Europe qui ne peut plus se contenter d’être une Europe forteresse sans comprendre pourquoi tants d’hommes, de femmes et d’enfants meurent noyés en Méditerranée. Une Europe qui pour se sauver doit retrouver les valeurs fondatrices de l’Europe, celles qui mettent au premier plan la dignité de l’homme. Des mots très forts, le pape François s’est livré à un sévère, comment dire, recadrage des élites politiques européennes. Entre le sermon, et la leçon du maitre. Un sermon reçu sans grande difficultés par presque l’ensemble des eurodéputés présents dans l’hémicycle. Et ils étaient fort nombreux finalement. Seuls quelques espagnols et Jean-Luc Mélenchon n’ont pas suivi le discours papal.
Le pape François ne s’est pas contenté de tirer un sombre tableau de cette Europe qu’il trouve vieillie, peu féconde. Il préconise de retrouver l’esprit des Chrétiens démocrates, les Schuman ou Jean Monnet. Il propose aussi d’investir sur l’homme, son éducation, la science. Mais une science qui fonctionne en faveur de l’humain, avec un fort accent écologique. Investir sur l’homme, la vie, la jeunesse. Retrouver la créativité, thème très présent dans son second discours devant le Conseil de l’Europe. Une créativité qui se retrouve aussi dans la volonté du dialogue culturel entre toutes les composantes de la société européenne.
En revanche, peu de prise de risque de la part du pape François sur le plan diplomatique. Ainsi, alors que les deux pays sont membres du Conseil de l’Europe, très peu de mots et sans les citer sur l’Europe et l’Ukraine. Juste un appel pour que l’on poursuive les efforts pour la paix. Aucune prise de risque sur le plan sociétal également. La famille demeure la base indissoluble de la société. Et l’on sait que malgré ses efforts, le récent synode n’est pas allé fort loin dans la reconnaissance des couples homosexuels. Alors que le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des Droits de l’homme sont au centre de toutes les discussions en matière sociétal, le Pape n’a visiblement pas voulu rallumer certaines mèches au sein de sa propre Eglise.
Il n’est jamais facile de réformer. Que ce soit l’Europe ou l’Eglise.
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