Crise économique au Venezuela : "C'est tout un système qui s'effondre"
Paula Vasquez, sociologue spécialiste du Venezuela, était l'invitée de franceinfo ce jeudi 26 juillet.
Sur franceinfo ce jeudi 26 juillet, la sociologue Paula Vasquez interrogée sur la crise politique que traverse en ce moment le Venezuela, a estimé que "c'est tout un système qui s'effondre."
Mercredi 25 juillet, le Fonds monétaire international a estimé que l'inflation dans le pays pourrait atteindre les 1 000 000% à la fin de l'année. Pour lutter contre ce phénomène, le président du Venezuela Nicolas Maduro a annoncé que le pays allait supprimer cinq zéros de sa monnaie, le bolivar.
franceinfo : Comment en est-on arrivé là ?
Paula Vasquez : La récession a commencé bien avant la chute du prix du baril de pétrole. Ce n'est pas à cause de l'effondrement du prix du baril [qu'il y a une crise économique] car le baril remonte et, même s'il remonte, cela ne va pas s'améliorer au Venezuela. C'est tout un système qui s'effondre.
C'est une économie non-pétrolière qui a été complètement détruite ces vingt dernières années.
Paula Vasquez
Plus qu'un système de corruption, il y a une sorte de spéculation permanente avec les devises pétrolières de l'Etat. L'Etat est devenu une entreprise importatrice qui octroie les devises pour faire du clientélisme, avec des entreprises fantômes qui ont littéralement décimé le budget de l'Etat.
Pourtant, il y a encore une dizaine d'années, on parlait du Venezuela comme de l'un des pays les plus riches de l'Amérique latine...
C'est un mythe parce que cette richesse est basée sur la question des réserves pétrolières. Ces réserves-là sont constituées de pétrole brut extra-lourd et l'investissement qu'il faut réaliser pour l'extraire est tellement important qu'en ce moment l'Etat vénézuélien n'est pas en mesure de le faire ni sa compagnie pétrolière. Il va donc falloir négocier des énormes prêts pour exploiter ces réserves-là.
L'Etat vénézuélien n'a en ce moment aucune crédibilité pour que des personnes investissent
Paula Vasquez
Seules la Chine et la Russie ont investi via leurs entreprises pétrolières. Et encore, la Chine n'est pas prête. Elle ne s'est pas prononcée pour financer l'exploitation de pétrole lourd vénézuélien. C'est un peu comme si je vous disais que je suis milliardaire parce que j'ai un trésor au fond de la mer des Caraïbes.
La crise économique est générale : le PIB doit se contracter de 18% cette année selon les projections du FMI. Est-ce à dire que le Venezuela est devenu un pays très pauvre ?
Oui, avec des conséquences assez inimaginables. Prenons par exemple la question des médicaments : des gens meurent de maladies qu'on pourrait complètement prévenir et même soigner.
Tous les malades chroniques atteint de cancers, d'hypertension ou de diabète sont condamnés à mort.
Paula Vasquez
Je le dis en toute responsabilité car je travaille sur ce sujet. C'est une situation inimaginable. De plus, l'Etat vénézuelien ne met pas non plus en place les protocoles de vaccinations des enfants. La crise migratoire a donc un côté épidémiologique qui installe de la tension avec les autres pays parce que les Vénézuéliens arrivent malades en Colombie, en Equateur ou au Pérou, par exemple. Nous sommes devant une situation assez inimaginable en Amérique latine. C'est une réalité économique désastreuse pour la population.
Cette crise économique s'accompagne-t-elle d'une crise politique extrêmement profonde au Venezuela ?
Oui, il y a une crise politique mais ce qui sème surtout l'incertitude dans la population, c'est l'annonce par Nicolas Maduro des mesures économiques pour faire face. [Le retrait de trois zéros au bolivar] est une fiction, presque une escroquerie, dans la mesure où le gouvernement n'a aucune crédibilité. Le cours du bolivar souffre d'un tel processus que ce n'est pas en retirant des zéros que l'hyper inflation va s'arrêter. Il y a une dépréciation totale de la monnaie et les réserves internationales de la banque centrale sont appauvries. Le "nouveau" bolivar va subir le même sort que le bolivar actuel. C'est une spirale. C'est extrêmement difficile de faire des scénarios optimistes. C'est un peu entre le pire et le moins pire que ça se joue.
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