Taxe sur les transactions financières : le solo de Sarkozy crispe ses voisins
Le projet existe dans l'Union européenne depuis plusieurs années. Le dossier a même avancé en décembre avec un partenariat franco-allemand... aujourd'hui fragilisé par l'accélération française.
Après la TVA sociale, la taxe sur les transactions financières (TTF). A l'approche de la présidentielle, Nicolas Sarkozy accélère le rythme des réformes. Il songe cette fois à faire voter une loi de finance rectificative pour que soit adoptée une forme de taxe Tobin avant l'élection, selon Libération daté du vendredi 6 janvier. Alors que d’autres plans étaient dans les cartons européens, l’annonce est froidement accueillie par Berlin, Rome et l’Union européenne (UE).
• La taxe sur les transactions financières, un projet récurrent
En 1972, le professeur américain James Tobin, futur prix Nobel d’économie, propose l’instauration d’une taxe sur les transactions financières internationales pour "jeter quelques grains de sable dans les rouages de la finance internationale", comme le rappelle Le Monde dans une chronologie. A travers cette taxe d’un taux très faible compris entre 0,05 % et 0,2%, il s’agirait de limiter le phénomène de spéculation et ainsi d’accroître la stabilité des marchés. Le concept de taxe Tobin est né.
Le projet de taxe sur les transactions financières est revenu sur le devant de la scène à la faveur de la dernière crise financière. En novembre 2009, lors d'un G20 finances, le Premier ministre britannique de l'époque Gordon Brown s’y déclare favorable. Une réflexion est engagée sur le sujet au Fonds monétaire international (FMI). Et en juin 2011, la Commission européenne entre dans la ronde avec une proposition de TTF pour 2014.
• Ce que propose l'Europe
Le projet de la Commission européenne s’appliquerait à partir de 2014 pour alimenter le futur budget de l’Union européenne (UE). Cette taxe sur les transactions financières pourrait rapporter jusqu’à 55 milliards d’euros par an, avec des taux de 0,1% sur les actions et obligations et de 0,01% sur les autres produits financiers. Mais le chemin avant son application est sinueux, certains pays dont le Royaume-Uni, avec son Premier ministre actuel David Cameron, et la Suède y restent opposés.
En novembre, au G20 de Cannes, Nicolas Sarkozy estime que la taxe Tobin est "techniquement possible, financièrement indispensable, moralement incontournable" et tente de défendre une adoption au plan mondial, malgré l’opposition des Etats-Unis et de la Chine. La piste européenne semble donc plus réaliste et le ministre de l’Economie François Baroin annonce à la mi-décembre une "contribution" franco-allemande. Celle-ci doit être présentée le 23 janvier pour être inscrite à l'agenda du sommet européen du 30 janvier. Objectif : que la taxe soit "opérationnelle" dès 2013.
• Sarkozy prêt "à partir seul" dès cette année
Lors de ses vœux du 31 décembre, Nicolas Sarkozy a suggéré une adoption de la TTF en France avant la fin de son quinquennat. Vendredi, le président a ajouté que la France "n'attendra pas que tous les autres soient d'accord". "Nous la mettrons en oeuvre parce que nous y croyons", a-t-il expliqué, jugeant "inacceptable" que "les transactions financières soient les seules transactions exonérées de toute taxe". Pour lui, c'est à la zone euro de "montrer l'exemple".
Plus tôt dans la journée, Henri Guaino, le conseiller spécial du président de la République, a confirmé sur BFMTV qu'une décision sur ce sujet serait prise "avant la fin du mois de janvier".
"Nous souhaitons aller vite, cette taxe verra le jour dans le courant de l'année", a ajouté le ministre de l’Economie François Baroin, pour qui "c’est une question d’abord morale avant d’être une question de recettes".
L'exécutif français entend ainsi montrer qu'il garde la main sur le calendrier des réformes, alors que la dégradation de la conjoncture impose de trouver des recettes pour assurer les objectifs de Paris en matière de réduction de déficits. Et pour cela, selon Libération, le chef de l'Etat français serait prêt "à partir seul" sur cette mesure et à laisser la chancelière allemande Angela Merkel "sur le quai".
• Les voisins européens plaident pour le collectif
En Allemagne, "la position est inchangée : (....) le but est d'aboutir à l'instauration d'une taxe sur les transactions financières dans l'Union européenne", a déclaré vendredi le porte-parole du gouvernement. Steffen Seibert exprimait ainsi la volonté de Berlin d’atteindre une solution européenne et non nationale. La chancelière Angela Merkel doit recevoir le président français lundi.
Côté italien, le chef du gouvernement Mario Monti a pour sa part jugé "nécessaire" que les différents pays européens "n'aillent pas en solitaire dans l'application" de la taxe sur les transactions financières. "Je crois à une perspective européenne", a-t-il déclaré à la presse en sortant d'un déjeuner vendredi avec François Fillon à Matignon.
La Commission européenne a plaidé vendredi pour une "approche cohérente" entre ses Etats membres, qu’elle encourage "à travailler en étroite collaboration avec la présidence danoise pour présenter de telles initiatives", selon une porte-parole du commissaire européen chargé de la fiscalité, Algirdas Semeta. La présidence danoise a indiqué "qu'elle aimerait accélérer le travail sur ce dossier" et la Commission escompte "de bons progrès dans la première moitié de 2012", a ajouté la porte-parole.
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