Obama-Romney : la bataille pour les électeurs indécis
Entre Mitt Romney et Barack Obama, leur cœur balance. Les indécis représentent environ 6% des électeurs, et les candidats ne ménagent pas leurs efforts pour les convaincre avant le scrutin du 6 novembre. FTVi vous explique ce qui fait hésiter ces "swing voters".
PRESIDENTIELLE AMERICAINE - Entre Mitt Romney et Barack Obama, leur cœur balance. Presque aussi nombreux qu'en 2008 ou 2004, les indécis représentent environ 6% des électeurs, d'après un sondage Reuters/Ipsos (en anglais) publié début octobre. Et, à l'heure où Mitt Romney a dépassé Barack Obama dans les sondages, les candidats ne ménagent pas leurs efforts pour convaincre ces "swing voters" avant le scrutin du 6 novembre. FTVi vous explique ce qui fait hésiter ces Américains.
Qui sont les indécis ?
Evangélistes, sans emploi, entrepreneurs, latinos… Comme Julia Wrapp, agent immobilier à Boulder (Colorado) interrogée par The Christian Science Monitor (CSM, en anglais), ils sont encore une dizaine de millions, tous milieux confondus, à ne pas savoir sur quel pied danser. "Je pourrais voter Obama parce que je ne suis pas sûre d'avoir confiance en Romney ; mais je pourrais voter Romney parce que je ne suis pas certaine qu'Obama puisse faire le boulot", explique-t-elle.
Ces indécis sont "un peu moins partisans, moins idéologistes et moins intenses" politiquement parlant, analyse Lynn Vavreck, maître de conférences en sciences politiques à l'université de Californie, interrogée par CSM. "Ce sont des gens qui ont voté par le passé", ajoute-t-elle. "Les questions sociales sont assez importantes dans ma prise de décision, mais je me suis rendu compte que l'économie devait être au centre de cette élection. Idéalement, on aurait un candidat qui pourrait faire les deux, mais ça n'est pas forcément le cas", résume au CSM A.J. Dellinger, pigiste freelance dans le Wisconsin.
Ces indécis sont souvent taxés d'ignorants, raillés par certains médias ou qualifiés d'électeurs "low-information", c'est-à-dire qui ne s'intéressent pas à la campagne. Le 22 septembre, l'émission comico-satirique américaine "Saturday Night Live" leur a consacré un sketch moqueur (en anglais), où des comédiens interprétant des swing voters posent des questions qu'ils estiment essentielles pour choisir leur candidat : "Qui est le président actuel ?", "Est-ce que les femmes peuvent voter ?", "Si on pète, rote et éternue en même temps, meurt-on ?" ou encore "A quoi sert le pétrole ?".
Les camps démocrate et républicain ont dépensé plusieurs millions de dollars pour convaincre ces citoyens qui "ne savent pas ce qu'ils veulent avant d'arriver à la caisse du McDo", comme les a récemment décrit l'animateur Stephen Colbert. Mais pour beaucoup, ce ne sont pas les campagnes souvent agressives d'Obama ou Romney qui feront la différence, plutôt les débats télévisés dans lesquels ils s'affrontent.
Ce qui les séduit chez Mitt Romney
Le tout premier débat, organisé le 3 octobre, aurait, selon un sondage du Pew Research Center (PRC, en anglais), fait reculer les indécis de 4 points. Et de nombreuses enquêtes post-débat menées par des chaînes comme CNN ou CBS News ont montré Mitt Romney largement vainqueur chez ces électeurs hésitants.
Car le candidat républicain, plus énergique, n'a cessé de mentionner l'emploi, un thème clé de cette élection, relève le DailyFinance (en anglais). Une stratégie habile, quand on sait que Romney a déjà les faveurs des swing voters en ce qui concerne le déficit (41% contre 20% pour le président sortant) et l'emploi (37% contre 24%), d'après le PRC. Tricia Halliday, employée dans une université du New Hampshire, fait partie de ces indécis qui pourraient être séduits par la politique économique du républicain : "Si on ne rééquilibre pas le budget, on ne va pas survivre", dit-elle au CSM. Elle est en outre fermement opposée à l'avortement, comme Paul Ryan, le colistier très conservateur choisi par Mitt Romney (lui-même contre, sauf en cas de viol, d'inceste ou si la vie de la mère est en danger). Joe Stoltz, sans emploi et défenseur de l'avortement, a confié à CNN (en anglais) qu'il pourrait fermer les yeux sur la position "pro-life" des républicains "si Romney propose un projet économique solide".
Ce qui les séduit chez Obama
D'après le sondage Reuters/Ipsos, le swing voter type serait une femme blanche, non-hispanique, qui n'a pas fait d'études supérieures et gagne moins de 25 000 dollars par an. Une chance pour Barack Obama, qui a les électrices de son côté depuis le début de la campagne, notamment parce qu'il défend le droit à l'avortement et l'accès à la contraception. Des idées diamétralement opposées à celles des républicains, jugées "insupportables" par de nombreuses indécises comme Elizabeth Cole, assistante administrative dans un think tank à Washington interrogée par le CSM.
Mary Roberts, fervente catholique de 67 ans, a voté pour Obama en 2008. Cette année elle hésite, même si le discours de certains conservateurs sur les pauvres la dérange : "C'est comme s'ils le méritaient", explique-t-elle à CNN. Elle n'est pas non plus "favorable à ce que l'Etat reste en dehors de la vie des gens, du moins financièrement". Et partage le point de vue du président sortant sur le mariage pour tous : "Jésus était amour. Nulle part dans la Bible on trouve de définition du mariage." Mais aujourd’hui, elle estime qu’il n'a pas été assez "audacieux" dans ses actes.
Obama tente régulièrement de mettre Mitt Romney en difficulté sur les questions de société, délicates pour les républicains. Et les démocrates de se servir de la frilosité ou des positions conservatrices de leurs adversaires pour marteler depuis des mois que la victoire du républicain constituerait un "retour en arrière" vis-à-vis des droits des femmes. L'argumentaire semble porter ses fruits : "56% des électrices choisiraient le président sortant et seulement 38% Romney", selon un sondage Quinnipiac paru mardi 9 octobre et cité par l'AFP. Sachant que les femmes forment la majorité du corps électoral américain (53%), qu'elles sont plus nombreuses à voter que les hommes (10 millions de plus en 2008, selon CNN) et que "leur fort soutien à Obama avait contribué à sa victoire en 2008", rappelle l'AFP, la stratégie du président sortant semble être la bonne.
Qu'est-ce qui sera décisif ?
A la lecture des témoignages de ces électeurs hésitants, se dessine une conclusion que partagent certains experts : la situation économique des Etats-Unis, encore groggy, obsède les Américains, prêts à lâcher du lest sur les questions sociétales si un candidat se montre à la hauteur du défi. "Les électeurs que les candidats tentent de convaincre à l'heure actuelle sont soit les centristes, soit les indécis, et les sondages montrent que l'économie est le sujet" qui arrêtera leur décision, explique à l'AFP Christina Greer, spécialiste des élections à l'université Fordham de New York.
D'autres estiment par ailleurs que les indécis sont de toute façon trop peu nombreux pour être décisifs dans l'élection, et qu'ils vivent pour beaucoup dans des Etats clairement démocrates ou républicains, comme le Texas ou la Californie, et non des "swing states" dont le vote peut faire gagner ou perdre une élection, note le New York Times (en anglais). Les dés sont donc peut-être déjà jetés pour les candidats à la présidence.
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