Jérôme Cahuzac : ce qu'il faut retenir de son audition devant les députés
L'ancien ministre du Budget était entendu mercredi en fin d'après-midi par une commission parlementaire. Evitant de répondre à certaines questions, il a dédouané le gouvernement.
C'était l'heure de vérité pour Jérôme Cahuzac. Mercredi 26 juin, de 16h30 à 18h30, l'ancien ministre du Budget a répondu aux questions des députés membres de la commission parlementaire chargée d'enquêter sur les dysfonctionnements de l'Etat dans l'affaire de son compte dissimulé à l'étranger.
Francetv info vous résume ce qu'il faut retenir de ces deux heures d'audition.
L'enjeu : faire la lumière sur ce que savait l'Etat
L'objectif de cette audition par la commission parlementaire était plus que délicat à remplir : interroger Jérôme Cahuzac sur l'éventuelle protection du gouvernement à son égard lorsqu'il était ministre, sans interférer dans la procédure judiciaire en cours.
Pas question donc d'interroger l'ancien ministre, mis en examen pour "blanchiment de fraude fiscale", sur la provenance des fonds placés sur son compte, ou encore sur les mouvements de capitaux. Alain Claeys, rapporteur de la commission d'enquête parlementaire, a ainsi ouvert l'audition en précisant que l'unique objectif de la séance était de déterminer si l'exécutif avait connaissance de l'existence du compte suisse de Cahuzac. Et ce dernier de prêter serment, jurant de dire "la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité".
Le style : réfléchi, sec, voire arrogant
Conséquence directe du champ très restreint couvert par la commission parlementaire, l'ancien ministre du Budget a répondu aux questions en ayant l'air de marcher sur des œufs. Cahuzac semblait peser chacun de ses mots, et n'a pas hésité à recadrer sèchement, tout au long de l'exercice, les députés qui évoquaient autre chose que l'éventuelle connaissance par l'Etat de son compte dissimulé.
"Je comprends la déception, la frustration, l'agacement. Mais je ne peux pas parler de faits concernant une instruction en cours", a-t-il ainsi répondu au député Daniel Fasquelle qui venait de lui poser une question. Celui-ci n'a visiblement pas apprécié, à en croire son compte Twitter.
Jérôme Cahuzac a arrêté la politique mais pas la langue de bois ! #DirectAN #Cahuzac
— Daniel Fasquelle (@DFasquelle) June 26, 2013
Il n'a pas été le seul. Membre de la commission, le député EELV Sergio Coronado s'est fendu d'un tweet agacé, qui fustige l'attitude de son ancien collègue.
C'est l'audition "je réponds si je veux et je vous emmerde" #DirectAN #Cahuzac
— sergio coronado (@sergiocoronado) June 26, 2013
La technique : la stratégie de l'anguille
L'attitude de l'ancien ministre du Budget, qui n'a eu de cesse de refuser de répondre aux questions des députés, a aussi agacé les journalistes de Mediapart, le site qui a révélé l'affaire. Pour son fondateur Edwy Plenel, l'argument avancé sans cesse par Cahuzac lorsqu'il choisissait de ne pas répondre ne tient pas.
Mis en examen, Cahuzac n'est pas tenu au secret de l'instruction, donc libre de répondre. L'argument judiciaire ne justifie pas ses silences
— Edwy Plenel (@edwyplenel) June 26, 2013
Cet argument a été repris par le député UMP Philippe Houillon, qui a par ailleurs suspecté l'ancien ministre de vouloir réserver les détails de sa version des faits pour le livre qu'il a annoncé vouloir écrire. "Vous semblez préjuger de ce que je souhaite écrire dans ce livre", lui répond alors Cahuzac, évitant une nouvelle fois d'évoquer le fond de la question. "Si je parviens à finaliser ce projet, j'espère que vous serez l'un de mes lecteurs."
"Donc c'est un livre qui n'aura pas d'intérêt par rapport aux questions que l'on se pose !", rétorque Houillon, visiblement agacé. "Dans ce cas, je vous l'offrirai et vous n'aurez pas à l'acheter", lui réplique, acide, Jérôme Cahuzac.
Le fond : le gouvernement dédouané
Lors de ses quelques véritables réponses, Jérôme Cahuzac a expliqué aux députés n'avoir informé aucun membre du gouvernement de l'existence de son compte non-déclaré.
Ainsi, lorsqu'Alain Claeys lui a demandé s'il avait eu des contacts avec la ministre de la Justice, Christiane Taubira, sur les investigations menées dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte à son sujet début janvier, l'ancien ministre a tranché, ferme : "Jamais." Pas plus, a-t-il dit, qu'avec Manuel Valls, son confrère de l'Intérieur.
De même, Cahuzac a affirmé ne pas avoir informé son ministre de tutelle, Pierre Moscovici, de la demande qu'il avait reçue des services du ministère de l'Economie et des Finances, qui lui ont envoyé un formulaire sur ses éventuels comptes à l'étranger.
L'ancien ministre du Budget a également dédouané la tête de l'exécutif. "J'ai indiqué que j'avais menti au président de la République et au Premier ministre. Donner un sentiment sur le fait qu'ils aient été convaincus ou non est compliqué. Il semble que j'aie pu mettre dans mes dénégations une force de conviction qui en a, je le regrette, convaincu plus d'un."
En bonus : la séquence "ça aurait pu être pire"
Jérôme Cahuzac a évoqué ses mensonges devant les députés, le Premier ministre et le président de la République. Pouvait-il faire pire ? Oui. "Il y a deux tabous que je n'ai pas transgressés, au moins, a-t-il estimé. Le premier, contrairement à ce qui est écrit : je n'ai jamais juré ne pas tenir de compte sur la tête de mes enfants, jamais. Le deuxième tabou : mentir par écrit à l'administration dont j'avais la charge m'a semblé impossible."
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