Garde à vue de Nicolas Sarkozy : pour l'association Sherpa "la convergence d'indices explique l'accélération spectaculaire" du dossier libyen
L'avocat William Bourdon, président de l'association anti-corruption Sherpa, affirme mardi sur franceinfo que le financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy est "certain".
Nicolas Sarkozy est en garde à vue mardi 20 mars dans le cadre de l'enquête sur les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. C'est la première fois que l'ancien président de la République est entendu dans ce dossier depuis l'ouverture d'une information judiciaire en avril 2013. Pour William Bourdon, président de l'association anti-corruption Sherpa qui s'est constituée partie civile, le dossier va sans doute aboutir à un procès.
franceinfo : Y-a-t-il selon vous un doute sur ce financement libyen de la campagne présidentielle de 2007 ?
William Bourdon : Nicolas Sarkozy, comme tous les autres, sont présumés innocents, il faut toujours le répéter. Mais qu'il y ait eu du financement libyen c'est certain. Maintenant ce qui importe aux juges d'instruction c'est d'identifier celui ou ceux qui en auraient été les bénéficiaires, les acteurs, ou les architectes. L'association Sherpa s'est constituée partie civile, on le fait toujours de manière très sélective, parce que c'est un dossier d'une magnitude exceptionnelle. On a toujours été très taiseux pendant ces cinq ans d'enquête mais il faut surtout insister sur la complexité, la longueur de cette enquête, les obstacles qui ont dû être surmontés par les juges d'instruction et les enquêteurs. Une loi d'omerta très puissante, parfois des pressions des intimidations sur des témoins. Il y a un climat très particulier autour de cette enquête depuis le début.
Quels sont ces obstacles ?
Des témoins se sont manifestés en indiquant parfois avec beaucoup de volontarisme qu'ils étaient disposés à participer à la manifestation de la vérité puis se sont évaporés dans des conditions tout à fait singulières. Mais je ne peux pas donner plus de détails à ce stade. Il y a des éléments qui suggèrent que des menaces ont été exercées sur certains témoins. Il y a eu un certain nombre de puissances de feu qui se sont mises en œuvre de façon très opaque pour essayer de mettre le couvercle sur la vérité de ce dossier. Et ce sont tous ces obstacles que les juges d'instruction manifestement aujourd'hui commencent à surmonter.
Cette garde à vue peut-elle être un coup d'accélérateur important dans l'enquête ?
On ne peut pas penser que trois magistrats instructeurs aussi chevronnés que ceux qui sont en charge de ce dossier, s'agissant de faits imputables à un ancien président de la République, n'aient pas réuni des éléments de preuves très consistants, très convaincants pour provoquer cette accélération. Il s'agit d'éléments de preuves qui sont lourds, importants, corroborés. On est bien loin de quelques déclarations qui pouvaient apparaître d'opportunités ou fantasques de tel ou tel dirigeant libyen dans le chaos qu'a connu le pays en 2011. On est aujourd'hui dans une convergence d'indices qui expliquent l'accélération spectaculaire de dossier.
Donc pour vous ce n'est pas une garde à vue de clôture du dossier mais la conséquence d'une accumulation d'éléments matériels dans cette enquête ?
Absolument et par ailleurs il ne peut pas être question de clôture. Car est-ce que Nicolas Sarkozy va être la seule personne susceptible d'être poursuivie dans ce dossier ? Rien n'est moins sûr. Il y a tout un spectre de protagonistes dans ce dossier. Et puis enfin il y a une logique universelle de ceux qui sont accusés de faits de corruption quand ils ont occupé les plus grandes fonctions. C'est le déni, la victimisation et l'organisation d'une espèce de mise en scène persécutive avec une mise en cause des magistrats et de la presse. Donc il y aura une batterie de recours mis en œuvre par les avocats [de Nicolas Sarkozy] qui vont être annoncés assez rapidement. Mais au-delà de cela, le dossier a connu aujourd'hui une progression importante et il n'est pas exclu qu'il puisse connaître un dénouement et un procès dans un délai qui soit relativement raisonnable.
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