Qui Ă©tait informĂ© des Ă©coutes de Sarkozy : l'exĂ©cutif s'emmĂȘle les pinceaux
Christiane Taubira, François Hollande et Manuel Valls affirment avoir découvert l'existence des écoutes en lisant la presse. Jean-Marc Ayrault dit au contraire en avoir été informé, tout comme sa ministre de la Justice, dÚs le 26 février.
Cacophonie au sommet. La communication du gouvernement autour de la mise sur Ă©coute de Nicolas Sarkozy tourne au dĂ©savantage de la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Alors que cette derniĂšre a affirmĂ© Ă deux reprises avoir appris l'existence de ces Ă©coutes dans la presse, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a reconnu sur France 2, mardi 11 mars, que la garde des Sceaux et lui-mĂȘme en Ă©taient informĂ©s depuis le 26 fĂ©vrier. Information confirmĂ©e mercredi 12 mars par le procureur gĂ©nĂ©ral François Falletti. Lors d'un entretien sur RTL, le ministre de l'IntĂ©rieur, Manuel Valls, maintient, lui, avoir dĂ©couvert cette information en lisant Le Monde datĂ© du 7 mars. Retour sur les diffĂ©rentes versions et leurs contradictions.Â
Valls dit avoir découvert l'affaire dans la presse le 7 mars
Ce que dit le ministre de l'IntĂ©rieur. Il affirme sur RTL avoir dĂ©couvert les Ă©coutes "Ă l'occasion des rĂ©vĂ©lations du Monde", le 7 mars. Comment Jean-Marc Ayrault et Christiane Taubira pouvaient-ils en ĂȘtre informĂ©s et pas lui ? "Chacun reste dans son rĂŽle", rĂ©torque-t-il. Le locataire de la place Beauvau concĂšde tout juste avoir Ă©tĂ© "informĂ© en dĂ©cembre des seules interceptions visant Brice Hortefeux", son prĂ©dĂ©cesseur.Â
Une version confirmée par l'ancien patron de la Direction centrale de la police judiciaire, en fonctions jusqu'en janvier. Informé des écoutes, "j'ai considéré que je n'avais pas à informer le ministre de l'Intérieur, ni du placement sur écoute, ni du contenu des transcriptions", a expliqué Christian Lothion
Ce qui met à mal sa version. Plusieurs professionnels, dont un ancien directeur de la police judiciaire (PJ) dans Le Figaro, s'étonnent dans la presse du fait que le premier flic de France ait pu ignorer ces écoutes, retranscrites par des officiers de police judiciaire. "Tout ce qui est exploitable a bien dû remonter, au moins verbalement, ne serait-ce que par la voie hiérarchique. Ou alors la PJ est morte", confie un policier de haut rang dans le quotidien.
Ayrault affirme ne pas connaĂźtre le "contenu" des Ă©coutesÂ
Ce que dit le Premier ministre. Au 20 heures de France 2, mardi, le chef du gouvernement admet ĂȘtre au courant de l'affaire, tout comme Christiane Taubira, depuis le 26 fĂ©vrier, date Ă laquelle le juge d'instruction Serge Tournaire a versĂ© les Ă©coutes au dossier. Jean-Marc Ayrault prend toutefois soin de prĂ©ciser ne pas avoir "appris quel Ă©tait le contenu des Ă©coutes". "Nous ne savons pas ce qui a Ă©tĂ© dit dans ces Ă©coutes par les uns ou par les autres."
Ce qui met Ă mal sa version. Lorsque le parquet a ouvert une information judiciaire pour "trafic d'influence" (le 26 fĂ©vrier), le procureur de la RĂ©publique en a averti le procureur gĂ©nĂ©ral François Falletti, qui a lui-mĂȘme transmis le dossier Ă la Chancellerie. Mercredi, ce dernier a confirmĂ© l'avoir fait, sur Europe 1. A partir de ce moment-lĂ , Ă©crit Le Canard enchaĂźnĂ©, Christiane Taubira "reçoit rĂ©guliĂšrement un rĂ©sumĂ© du dĂ©roulĂ© de l'enquĂȘte, comprenant une synthĂšse des Ă©coutes tĂ©lĂ©phoniques". Difficile d'imaginer qu'elle n'en ait pas rĂ©fĂ©rĂ© Ă son patron, Jean-Marc Ayrault.Â
Taubira dit avoir découvert les écoutes dans "Le Monde"
Ce que dit la ministre de la Justice. Sur le plateau du 20 heures de TF1, mardi, elle assure avoir appris l'existence de ces Ă©coutes dans la presse. "L'avez-vous appris comme nous, en lisant le journal Le Monde Ă 13 heures vendredi [7 mars], ou avant ?" lui demande Gilles Bouleau. Christiane Taubira finit par rĂ©pondre : "La rĂ©ponse Ă votre question est trĂšs claire : je ne le savais pas avant." Elle avait dit la mĂȘme chose un peu plus tĂŽt sur France Inter.Â
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Ce qui met Ă mal sa version. Le Canard enchaĂźnĂ©, d'abord, qui rĂ©vĂšle qu'elle Ă©tait informĂ©e depuis le 26 fĂ©vrier. Le Premier ministre, ensuite, qui confirme cette information sur France 2. Le procureur gĂ©nĂ©ral François Falletti, enfin, qui enfonce le clou sur Europe 1. Jean-Marc Ayrault a tout de mĂȘme tentĂ© de dĂ©fendre la garde des Sceaux. Il s'est appuyĂ© sur une autre question Ă laquelle avait Ă©tĂ© soumise la ministre, et non sur celle qui concerne la date Ă laquelle elle a Ă©tĂ© informĂ©e. "J'ai relu son interview. On lui pose la question : 'Qui Ă©tait Ă©coutĂ©, d'aprĂšs vous ?' Elle a rĂ©pondu : 'Je ne le sais pas.' Et ça, nous ne le savions pas."
Hollande est sur la mĂȘme ligne que Valls et Taubira
Ce que dit le chef de l'Etat. Dans sa rĂ©ponse au prĂ©sident de l'Union syndicale des magistrats (USM), Christophe RĂ©gnard, François Hollande affirme, selon Le Canard enchaĂźnĂ©, avoir "dĂ©couvert dans la presse l'affaire des enregistrements Buisson et celle des Ă©coutes de Sarkozy".  Â
Ce qui met à mal sa version. Selon Le Parisien publié mercredi, le chef de l'Etat était au courant depuis le 4 mars, jour de la perquisition effectuée chez l'avocat de Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog, et chez le magistrat Gilbert Azibert. Une information validée par Manuel Valls sur RTL. "Je crois que cette information est juste", déclare le ministre de l'Intérieur.
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