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L'affaire des écoutes peut-elle profiter à Sarkozy ?

Mis en cause dans l'affaire du financement libyen de sa campagne électorale, l'ex-chef de l'Etat passe pour une victime dans une partie de l'opinion, en raison des mensonges du gouvernement au sujet des écoutes dont il a fait l'objet. 

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des unes de magazines publiées entre le 12 et le 14 mars 2014, à l'occasion de la révélation de la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy par la justice. (  FRANCETV INFO )

C'est ce qu'on appelle tirer son épingle du jeu. Soupçonné de trafic d'influence en marge de l'affaire Bettencourt, après avoir été écouté dans le cadre de l'enquête sur le possible financement libyen de sa campagne de 2007 par l'ancien dictateur Mouammar Kadhafi, Nicolas Sarkozy et ses proches ont réussi à faire oublier ce qui leur était reproché, pour attirer l'attention des médias sur les atermoiements et les mensonges du gouvernement. Cela signifie-t-il pour autant que cette affaire des écoutes pourrait profiter à l'ancien chef de l'Etat ? Pas sûr… 

Oui, il passe pour la victime et mobilise son camp

Une certitude : à court terme, la droite a réussi à faire passer Nicolas Sarkozy pour la victime d'un complot politique dirigé par le gouvernement, dans une affaire judiciaire dont il est pourtant à l'origine. "Sur le plan de la communication, la droite n'avait de toute façon pas le choix", fait valoir l'historien Christian Delporte, spécialiste de communication politique : si elle n'opérait pas cette opération de diversion, "on restait sur l'affaire judiciaire, avec toutes les conséquences que cela posait".

Surtout, "c'est un bon moyen pour remobiliser les fans de l'ancien président, qui se disent qu'on veut le détruire. Et il faut noter que ce bloc de fans est très important au sein de l'électorat de droite", souligne pour francetv info le sondeur Bruno Jeanbart, directeur général adjoint de l'institut Opinionway. 

Morano, Estrosi, Hortefeux… A l'UMP, les plus fervents sarkozystes n'ont pas hésité une seconde pour monter au front afin de défendre leur idole et jeter l'opprobre sur le gouvernement. Et dans les kiosques, les magazines classés à droite ont eux aussi présenté Nicolas Sarkozy comme "un homme à abattre" (Le Figaro Magazine), ou comme la victime de "la plus grande cabale politique de la Ve République" (Valeurs Actuelles)… "La méthode du procès médiatique lui permet de conserver la loyauté, cruciale, de la base électorale UMP, du peuple de droite", constate le politologue Thomas Guénolé sur le site Slate.fr.

Non, il reste menacé par plusieurs affaires judiciaires

De là à dire que cette affaire des écoutes pourrait profiter à Nicolas Sarkozy pour son retour sur la scène politique… En charge des études de l'institut CSA, le politologue Yves-Marie Cann ne s'attend pas à ce qu'il y ait "de réel effet sur l'opinion à court terme". Au contraire, "cette affaire complexe, où l'on ne comprend pas forcément tout et où l'on retient surtout qu'il y a quelque chose de pas forcément très net derrière, pourrait même avoir des effets délétères à long terme"

D'autant que l'ancien chef de l'Etat reste bel et bien menacé par plusieurs affaires judiciaires. "Nicolas Sarkozy est aujourd'hui le Damoclès de la vie politique française. Pas moins de cinq épées planent au-dessus de sa tête", constate le politologue Thomas Guénolé. Son nom apparaît en effet dans l'affaire Kadhafi, dans l'affaire Bettencourt, dans l'affaire Tapie, dans l'affaire Karachi et dans l'affaire des sondages de l'Elysée. "Pour Nicolas Sarkozy, il n'est pas évident de revenir dans l'arène tant que ces épées sont suspendues au-dessus de lui", tranche Yves-Marie Cann.

"Ce qui est à chaque fois mis en péril lorsqu'une épée tombe sur Nicolas Sarkozy, c’est bien son calendrier de pré-campagne pour 2017", reprend Thomas Guénolé. L'enjeu est donc de savoir si Nicolas Sarkozy parviendra à se défaire de ces multiples obstacles judiciaires et, le cas échéant, dans quel laps de temps. Le problème, c'est que la clé ne se trouve pas dans sa main, mais dans celle des juges.

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