L'article qu'il faut lire pour tout comprendre de l'affaire des écoutes de Sarkozy
Partie d'une enquête sur le présumé financement libyen de la campagne de l'ancien président, l'affaire de sa mise sur écoute est en train de se retourner contre le gouvernement. Francetv info vous en retrace les principales étapes.
L'affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy se complexifie de jour en jour, et il vous est de plus en plus difficile de vous y retrouver ? En cinq questions, francetv info démêle cet enchevêtrement d'affaires judiciaires et de polémiques politiques. A l'origine du nœud, l'enquête sur le présumé financement libyen de la campagne électorale de l'ancien président. Au final, un gouvernement affaibli par sa propre communication.
Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il été mis sur écoute ?
En avril 2013, la justice ouvre une information judiciaire pour déterminer si la Libye a participé au financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Dans le cadre de cette enquête, les magistrats décident, en septembre dernier, de placer l'ancien président sur écoute. Les enquêteurs découvrent alors que Nicolas Sarkozy possède un second téléphone, acquis sous le nom de Paul Bismuth. Ils entreprennent donc de surveiller également cet appareil, et apprennent que celui-ci permet à l'ancien pensionnaire de l'Elysée d'échanger discrètement avec son avocat, Thierry Herzog.
Qu'ont découvert les juges dans les enregistrements ?
Les écoutes révèlent que l'avocat de Nicolas Sarkozy est très bien informé sur les différents dossiers judiciaires en cours qui concernent l'ancien chef d'Etat. Elles montrent que Thierry Herzog "est entré en relation, à de nombreuses reprises, avec un magistrat du parquet général de la Cour de cassation", comme le précisent les documents brandis mercredi par Christiane Taubira et retranscrits par Le Monde.
Le haut magistrat en question se nomme Gilbert Azibert. Les communications exposent que ce dernier "aurait fait part à Thierry Herzog de son souhait d'être nommé (...) au Conseil d'Etat de Monaco, et que Nicolas Sarkozy aurait assuré qu'il l'aiderait dans ce projet", selon le verbatim du Monde. Sur ces informations, les magistrats décident d'ouvrir, le 26 février, une information judiciaire pour "violation du secret de l'instruction" et "trafic d'influence" (le fait d'abuser de son influence pour tenter d'obtenir d'une autorité ou d'une administration une décision favorable, comme un emploi).
Cette mise sur écoute est-elle légale ?
Après les révélations du Monde, plusieurs avocats se sont émus des méthodes employées par les juges, dénonçant des "atteintes graves et répétées" au secret professionnel. Selon les magistrats, la validité de ces écoutes peut facilement se justifier. Le procureur national financier Eliane Houlette, qui diligente l'enquête sur le trafic d'influence, argumente : "Elles ont eu lieu à travers une ligne téléphonique ouverte sous un faux nom et au surplus sont de nature à faire présumer la participation de l'avocat concerné à une infraction." Il apparaît donc que les juges n'ont pas violé les droits de Nicolas Sarkozy et de son avocat.
L'opposition évoque pourtant un "scandale d'Etat" et une "tentative de décrédibiliser, de déstabiliser" l'ancien président, selon les mots de Nathalie Kosciusko-Morizet. L'exécutif a-t-il commandité cette enquête pour affaiblir Sarkozy ? Rien ne permet de l'affirmer. Le gouvernement a répété à l'envi qu'il avait laissé la justice travailler de manière indépendante, au point d'affirmer qu'il n'était au courant de rien avant les révélations de la presse.
A quel moment le gouvernement est mis au courant ?
Comme le veut le circuit décrit par Le Figaro, le procureur général a transmis l'information à Christiane Taubira fin février. La ministre a remonté l'information de la mise sur écoute auprès de Matignon, comme l'a confirmé Jean-Marc Ayrault mardi soir. En revanche, la garde des Sceaux assure qu'elle n'a alerté ni le ministre de l'Intérieur, ni le président de la République. Manuel Valls a martelé à plusieurs reprises qu'il avait découvert cette affaire dans la presse, même si plusieurs professionnels s'étonnent du fait que le "premier flic" de France ait pu ignorer ces écoutes.
Quant à François Hollande, il serait au courant seulement depuis le 4 mars, à l'occasion de perquisitions menées par la justice, selon le Parisien. "Je crois que cette information est juste", a d'ailleurs lâché le ministre de l'Intérieur sur RTL. Le gouvernement cherche à prouver à tout prix qu'il n'est pas impliqué dans ce dossier, au risque de créer une certaine cacophonie dans la communication gouvernementale.
Que savait Christiane Taubira ?
Les conversations suspectes entre Nicolas Sarkozy et son avocat ont été interceptées entre le 28 janvier et le 11 février, il y a plus d'un mois. Dans un premier temps, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, affirme, sur TF1 le 10 mars, qu'elle n'était pas au courant de la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy. Deux jours plus tard, en conférence de presse, elle évoque un "malentendu". Elle savait pour les écoutes depuis le 28 février, mais ne connaissait pas "la date, la durée et le contenu des écoutes."
Pour appuyer sa démonstration, elle agite deux courriers rédigés dans le but d'informer le ministère de la Justice. Problème pour la ministre, ces documents apportent des informations sur le contenu des écoutes. Ils révèlent aussi que Christiane Taubira était "régulièrement" mise au courant sur le dossier dit des "financements libyens". Mais la garde des Sceaux ne désarme pas. Dans un entretien au Monde jeudi, elle réaffirme sa bonne foi et tente de désamorcer les soupçons de manipulation politique sous-entendue par la droite. En attendant, les explications confuses de Christiane Taubira ont permis au camp Sarkozy de détourner l'attention du dossier de "trafic d'influence".
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