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"Nicolas Sarkozy atteint son but en adoptant une posture d'homme blessé"

En pleine affaire des écoutes, Nicolas Sarkozy sort de son silence et accuse l'exécutif de "fouler au pied" les principes républicains. Décryptage avec Christian Delporte, spécialiste de la communication politique.

Article rédigé par Vincent Daniel - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Nicolas Sarkozy lors de l'inauguration de l'institut Claude-Pompidou consacré à la recherche sur la maladie d'Alzheimer, le 10 mars 2014 à Nice (Alpes-Maritimes). (VALERY HACHE / AFP)

Soupçonné de trafic d'influence, Nicolas Sarkozy riposte violemment. Dans une tribune publiée jeudi 20 mars par Le Figaro, l'ex-président évoque "des principes de la République foulés aux pieds" en référence aux écoutes décidées par la justice et réalisées pendant plusieurs mois sur ses lignes téléphoniques. 

Nicolas Sarkozy est visé par une information judiciaire ouverte le 26 février pour trafic d'influence et violation du secret professionnel. Il a été placé sur écoute, dans le cadre de l'instruction sur un présumé financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.

L'ex-chef de l'Etat s'interroge sur "ce qui est fait" du contenu des écoutes, allant jusqu'à évoquer la Stasi, la police politique de l'ex-Allemagne de l'Est. Quel signal a-t-il voulu envoyer aux Français ? Francetv info a interrogé Christian Delporte, historien spécialiste de la communication politique et des médias. Il est notamment l'auteur de Come back ! ou l'art de revenir en politique (Flammarion, 2014).

Francetv info : Pour sortir de son silence depuis sa défaite à la présidentielle, Nicolas Sarkozy a fait le choix d'une tribune, pourquoi ?

Christian Delporte : Le choix de la tribune lui laisse de la place pour s'exprimer. C'est beaucoup plus solennel, beaucoup plus grave qu'un autre mode d'expression. Et quand on tient soi-même la plume, sans répondre à des questions de journalistes, c'est toujours plus facile. C'est un nouveau type de positionnement de la part de Nicolas Sarkozy, beaucoup plus classique que ses prises de parole sur Facebook par exemple. Cela fait moins com' que ses fameuses "cartes postales" [un terme désignant les petites apparitions destinées à envoyer des signaux discrets mais réguliers à son camp]. 

Dans cette tribune, l'ancien chef de l'Etat apparaît comme une victime. Est-ce une bonne stratégie ?

Il est clairement dans la posture de victime. L'idée, c'est d'alimenter la théorie du complot et de l'acharnement. Se placer en victime ou en martyr est un grand classique de la vie politique, cela permet une identification de la part des Français. Et c'est utile pour garder le contact avec ses partisans, qui sont eux-mêmes persuadés qu'il y a complot contre Nicolas Sarkozy. Il va dans leur sens.

Ce qui frappe également, c'est le ton violent et la manière dont c'est interprété. Nicolas Sarkozy veut apparaître en homme blessé. Le but de cette tribune est de montrer qu'il est dans l'épreuve, avec une recherche d'empathie à son égard.

En quoi cette tribune est-elle violente ?

Il prend la distance nécessaire pour apparaître comme un simple citoyen, mais il attaque le président et le pouvoir de manière extrêmement rude. La comparaison avec la Stasi est évidemment caricaturale. L'ancien président utilise à dessein l'image la plus violente. 

Il se pose aussi en "citoyen normal", faisant évidemment référence à la figure de "président normal" de François Hollande. Sous-entendu : "Le président normal n'a rien de normal puisqu'il complote contre moi, il a renié sa parole, le 'moi, président de la République'." 

Cette tribune signe-t-elle le retour de Nicolas Sarkozy dans le jeu politique ?

Il dit qu'il ne veut pas se mêler de la vie politique aujourd'hui. En précisant "aujourd'hui", il ne dit rien de demain. Il préserve l'avenir. Et il se pose en recours avec un texte très politique. 

Cela fonctionne au moins auprès de ses partisans qui pouvaient peut-être douter, cela va les revigorer. Mais pour combien de temps ? Le temps politique n'est pas le temps judiciaire. Donc ce n'est pas terminé.

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