Comment Montebourg va organiser son redressement politique
Après son éviction du gouvernement lundi, l'ancien ministre de l'Economie compte profiter pleinement de "cette liberté retrouvée". Dans sa ligne de mire, la présidentielle de 2017. Et pour y arriver, l'élu de Saône-et-Loire a un plan.
16h40. Une pluie battante tombe sur Bercy, lundi 25 août, quand Arnaud Montebourg se présente à la presse, visage crispé. La veille, le turbulent ministre de l'Economie a franchi, aux yeux de Matignon, "une ligne jaune", en déplorant ouvertement les choix politiques pris par François Hollande depuis deux ans. Arnaud Montebourg le sait : son aventure au gouvernement est terminée.
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"Que vais-je faire de cette liberté retrouvée ?" Reprenant son accent bourguignon, l'ancien député de Saône-et-Loire assure, forçant la modestie, qu'il va "retourner travailler parmi les Français" et, citant le général romain Cincinnatus, "retrouver ses champs et ses charrues". En réalité, si Montebourg compte labourer un terrain, c'est celui de la campagne de 2017. Et ce n'est pas un hasard s'il fait référence à Cincinnatus qui, après un premier exercice à tête de Rome, avait effectivement retrouvé ses champs, avant de reprendre le pouvoir quelques années plus tard… Et pour parvenir à ses fins, l'ex-ministre de l'Economie a déjà un plan tout tracé.
Étape 1 : miser sur l'échec de François Hollande
L'intéressé n'a jamais fait mystère de son ambition. "La présidentielle est la seule élection à laquelle j'envisage de me représenter un jour", confiait Montebourg en août 2013, à M, le magazine du Monde. Un an plus tard, le sujet est sur la table. Et à peine sorti du gouvernement, il semble déjà avoir un plan en tête.
Elu au conseil général de Saône-et-Loire, il compte surtout user de sa notoriété médiatique et de sa popularité à gauche pour marquer des points. Mais il mise aussi sur l'impopularité chronique de François Hollande. "La situation risque d'empirer, le chômage va s'aggraver, la crise va s'amplifier… Et si la réussite du quinquennat n'est pas au rendez-vous, Arnaud aura, le moment venu, son mot à dire", prévient d'ailleurs, sans détour, son ami Patrice Prat, député du Gard contacté par franctv info.
Pour le politologue Gérard Grunberg, c'est peut-être même dans le but de quitter le gouvernement, et de pouvoir mettre en branle dès maintenant sa stratégie, que l'ex-ministre de l'Economie a si vertement critiqué la ligne politique de François Hollande, dimanche, à Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire).
Étape 2 : réactiver son club politique
La route vers 2017 sera longue, mais celui qui avait surpris son monde en recueillant, en 2011, 17% des voix à la primaire du PS pour la présidentielle, n'a pas l'intention de perdre de temps. "Aujourd'hui, 80% des socialistes partagent sa volonté d'un changement de cap en direction des ménages", avance un proche. Dès ce week-end, à l'occasion de l'université d'été du PS à La Rochelle, "il fera passer des messages aux militants", selon les mots de son entourage. Il devrait réunir ses amis vendredi, avant d'aller à la rencontre des fondeurs, samedi.
Et ce n'est pas tout. Selon nos informations, il va également réactiver son club politique, "Des idées et des rêves". Pour la première fois depuis 2012, l'association se réunira début octobre, dans le Gard, en présence d'Arnaud Montebourg. "Le but est de faire émerger des idées, de créer un espace de débats, de faire prospérer un réseau de militants et d'élus…", énumère Patrice Prat, chargé de l'organisation de l'événement.
Etape 3 : préparer le congrès du PS de 2015
Dans le viseur de Montebourg et ses proches, le prochain congrès du Parti socialiste, prévu en 2015. "Ce sera l'occasion d'avoir un vrai débat et de clarifier la ligne politique voulue par les militants", explique le député "frondeur" Philippe Baumel. "Arnaud apparaîtra alors comme celui qui a eu le courage de dire qu'on allait dans le mur, et que Hollande aurait dû écouter", prédit un autre proche de l'ex-ministre de l'Economie.
Il pourrait tenter, d'ici là, de fédérer autour de lui les "frondeurs", et de reprendre en main la gauche du PS, aujourd'hui dépourvue de poids lourd. "Reste à savoir si ces 'frondeurs' voudront de lui comme ténor", doute le politologue Gérard Grunberg, en pointant du doigt leurs différentes sensibilités. "Ils n'ont pas envie de tomber dans les travers d'une Ve République et de se trouver un meneur, alors même qu'ils cherchent une dynamique collective", pense également la sénatrice socialiste Marie-Noëlle Lienemann, vieille opposante de la ligne hollando-vallsienne, citée dans Le Figaro. "De toute façon, ce n'est pas sa volonté", assure le député montebourien Patrice Prat.
Etape 4 : provoquer une primaire à gauche
"Son ambition n'est pas de s'enfermer dans le camp des 'frondeurs', mais de rassembler plus largement ceux qui croient qu'une autre politique de gauche est possible", reprend un proche. Et cette fois, c'est la possible primaire du PS en 2016 qui est en ligne de mire de Montebourg.
Plus la fin du quinquennat approchera, plus les militants socialistes redoutant un désastre en cas de nouvelle candidature de Hollande seront nombreux, et plus ceux appelant à désigner un autre candidat via une primaire le seront aussi. C'est en tout cas le pari que font aujourd'hui Montebourg et ses amis. "Politiquement, la situation sera telle qu'une primaire sera inévitable", pronostique un de ses soutiens, le député Philippe Baumel, contacté par francetv info. La probabilité pour qu'Arnaud Montebourg y soit candidat est très forte." Voilà Hollande prévenu.
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