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Quartiers populaires : "On demande aux élus de faire les pompiers en permanence, sauf qu'à un moment donné, ça nous pète tous à la figure", déplore le maire de La Courneuve

Gilles Poux, maire PCF de La Courneuve avait co-signé une tribune en mai pour réclamer un plan d'urgence pour les banlieues, il appelle sur franceinfo à "sortir de 40 ans de politiques de la Ville relativement inopérantes sur les questions de promotion sociale".
Article rédigé par franceinfo
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Gilles Poux, maire PCF de La Courneuve. (HAJERA MOHAMMAD / FRANCE-BLEU PARIS)

"On a des politiques nationales qui considèrent qu'avec quelques subsides, on demande aux élus de faire les pompiers en permanence. Sauf qu'à un moment donné ça nous pète tous à la figure", déplore vendredi sur franceinfo Gilles Poux, maire PCF de La Courneuve (Seine-Saint-Denis). En mai dernier, il avait co-signé avec une trentaine d’élus locaux une tribune publiée dans Le Monde, qui réclamait un plan d’urgence pour les banlieues.

Emmanuel Macron a dit vouloir apporter une réponse complète et profonde aux émeutes du début de l'été. Est-ce que cela vous inspire ?

Ça m'inspire, à condition qu'on sorte des éléments de langage. J'espère qu'il va prendre en compte les besoins manifestés par les quartiers populaires depuis de très nombreuses années, pour sortir de 40 ans de politiques de la Ville relativement inopérantes sur les questions de promotion sociale. Il faut se demander comment vivent ces 6 millions d'habitants dans ces quartiers populaires, qu'on engage un travail avec la jeunesse de ces quartiers, avec les élus des collectivités, avec les différentes autorités, pour proposer des alternatives. Moi, j'ai engagé une bataille sur l'emploi dans ma ville : les entreprises me disent qu'elles sont prêtes, et ce qu'elles proposent c'est un an et demi d'intérim avant de pouvoir penser à un CDI. Tant qu'on est dans cette situation-là, on n'allumera pas de lumière au sein de cette jeunesse qui ne demande qu'à prendre sa place.

Donner sa place dans la société à des jeunes, en quoi ça consiste ?

La Courneuve est l'un des territoires qui reçoit le plus d'investissements privés et publics, avec les JO 2024, le Grand Paris Express, des entreprises privées qui viennent s'installer, et on a un taux de chômage trois fois supérieur à la moyenne nationale. Ce n'est pas que le fruit du hasard. La discrimination à l'embauche continue. Quand on entend l'ancien président du Medef dire que les dealers sont le premier employeur en Seine-Saint-Denis, ça ne m'étonne pas qu'il y ait encore de la réticence de la part des entrepreneurs à embaucher des jeunes de ces territoires.

Vous dites que de l'argent investi par la puissance publique, il y en a depuis plusieurs décennies. Où est-ce que ça coince ?

L'argent va aujourd'hui dans le dur, et de ce point de vue là, nos quartiers ont changé. À La Courneuve, la réalité urbaine a profondément changé, les logements sont de bien meilleure qualité. On est sur le chemin. Là où il n'y a pas de moyens, c'est sur les questions sociales et humaines : on est sur des investissements très marginaux, avec des services publics qui ont déserté les quartiers populaires. On a des politiques nationales qui considèrent qu'avec quelques subsides, on demande aux élus de faire les pompiers en permanence. Sauf qu'à un moment donné ça nous pète tous à la figure. Il faut qu'on sorte de ce mépris territorial, de ce mépris social auxquels nous sommes confrontés. 

Sentez-vous encore des stigmates de ce qui s'est passé au début de l'été ?

La tension est fort heureusement retombée. Pour autant, le ressenti, la douleur et le sentiment d'exclusion continuent à être profonds. S'il n'y a pas des signaux rapidement envoyés, si on n'ouvre pas la possibilité de discussion, on n'est pas à l'abri que ça réexplose dans les semaines, les mois à venir.

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