Boules puantes et électeurs suspects : à l'UDI aussi, l'élection du président a mal tourné
Le scrutin, qui visait à désigner le successeur de Jean-Louis Borloo, a viré au pugilat, sur fond d'accusations de clientélisme contre Jean-Christophe Lagarde.
L'ironie est cruelle. En juin, le conseil national de l'UDI avait adopté un "code de bonne conduite" en vue de l'élection à sa présidence, contresigné par tous les candidats. Ils s'y engageaient à "être respectueux de l'UDI et de [leurs] compétiteurs" et à "contribuer (...) au déroulement sain et serein du processus électoral". L'objectif : éviter de donner le même spectacle que l'UMP lors de l'ubuesque duel Copé-Fillon.
Mais, alors que Jean-Christophe Lagarde a été élu, jeudi 13 novembre, face à Hervé Morin, pour succéder à Jean-Louis Borloo, rien ne s'est passé comme prévu. La campagne s'est conclue dans un climat de grande tension, marqué les accusations portées contre le vainqueur surprise du premier tour, Jean-Christophe Lagarde. Le camp de son adversaire, Hervé Morin, a dénoncé des adhésions suspectes ainsi que le système "clientéliste" que Lagarde aurait instauré dans sa ville de Drancy (Seine-Saint-Denis), dont il est maire et député. Retour sur les nombreux couacs d'une élection qui met en péril l'existence même du parti centriste.
Des soupçons de faux électeurs dans l'Hérault
Le 5 novembre, Le Point (article payant) révèle que la FED (Force européenne démocrate), la formation de Jean-Christophe Lagarde au sein de l'UDI, a enregistré pas moins de 500 adhésions jugées douteuses dans l'Hérault avant le scrutin. C'est presque le nombre de voix (700) qui constituaient l'avance de Jean-Christophe Lagarde sur Hervé Morin à l'issue du premier tour. Hervé Morin et Jean-Christophe Fromantin convoquent alors une conférence de presse. Ils expliquent qu'ils s'inquiètent "pour la sincérité et l'honnêteté du scrutin" à l'UDI, et évoquent "un faisceau d'indices sur une machinerie" destinée à faire "gonfler les adhérents".
Au total, 400 mandats cash destinés au paiement de 400 adhésions auraient ainsi été déposés le même jour à la même heure dans un unique bureau de poste du département. De quoi suspecter des encartés fictifs. Des électeurs suspects repérés par l'huissier chargé de contrôler les listes électorales, qui en aurait fait part aux quatre candidats : Lagarde et Morin, mais aussi Yves Jégo, qui s'est rallié au premier, et Jean-Christophe Fromantin, qui soutient le second.
"L'huissier affirme avoir de quoi alerter Tracfin", l'organisme du ministère de l'Economie et des Finances qui lutte contre le blanchiment d'argent, raconte Fromantin. Près de 700 personnes auraient été rayées des listes dans le département, où la fédération de l'UDI est dirigée par un proche de Lagarde.
Saisie, la Cnat, la commission d'arbitrage du parti, a cependant estimé, le 12 novembre, n'avoir rien constaté de suspect.
A Drancy, des pratiques qui flirtent avec le clientélisme
A Drancy, la ville dont Jean-Christophe Lagarde est le député-maire, les résultats du scrutin sont pour le moins étonnants. La ville de 66 000 habitants comptait, selon des documents consultés par Le Scan, 1 652 inscrits, soit presque autant que Paris (1 775). Le Point explique que le nombre de votants fait de Drancy la première ville UDI de France, et que le seul département de la Seine-Saint-Denis représente 13% du total des suffrages exprimés. En comparaison, les fiefs des autres candidats font pâle figure.
Le directeur de campagne d'Hervé Morin, Jean Dionis, a une explication : il n'hésite pas, le 27 octobre, à dénoncer sur son blog "un système clientéliste [à Drancy], où l’adhésion à l’UDI fait partie d’échanges divers". De nombreux habitants de la ville, où s'est rendue l'AFP, ne cachent pas avoir pris leur carte et voté pour soutenir leur maire, sans toujours saisir les enjeux du scrutin. Une esthéticienne témoigne ainsi avoir fait voter toute sa famille pour "rendre service" à la mairie, qui l'avait relogée après un incendie, quelques années plus tôt. Sous couvert d'anonymat, un responsable syndical explique que cet engagement politique très relatif aurait permis à certains néo-adhérents de l'UDI de décrocher un emploi.
Largarde, lui, balaie les accusations, et se félicite des bons résultats récents de l'UDI dans le département, estimant représenter un nouveau centrisme plus urbain. Ce qui ne l'empêche pas de riposter : son directeur de campagne a, à son tour, le 5 novembre, saisi la commission d'arbitrage du parti pour qu'elle explique l'augmentation spectaculaire des adhésions à Neuilly-sur-Seine, la ville dont Jean-Christophe Fromantin est maire.
"Gang des barbares" et épouse cumularde
Lorsqu'il convoque la presse, le 5 novembre, pour évoquer le gonflement du nombre d'adhérents, Hervé Morin en profite pour évoquer une autre affaire qui embarrasse son rival, raconte le JDD. "Une élue UDI de Bobigny, ville qui se trouve dans la circonscription de Jean-Christophe Lagarde, est la compagne d'un membre du 'gang des barbares'" tacle-t-il.
L'histoire a été révélée en juillet par l'hebdomadaire Marianne après un tract anonyme. Ce dernier aurait donné lieu à une vraie chasse aux sorcières à la mairie de Bobigny : deux adjoints au maire, proches de Jean-Christophe Lagarde, auraient menacé une autre adjointe, soupçonnée d'être la taupe. Celle-ci a déposé plainte pour menaces de mort.
Autre casserole sortie des placards : l'épouse de Jean-Christophe Lagarde a été prise pour cible, fin octobre, par un ancien membre du parti, Jacky Majda. Il dénonce le fait qu'elle cumule, illégalement selon lui, plusieurs postes dont ceux d'adjointe à la mairie de Drancy et d'assistante parlementaire de son mari. Son salaire mensuel dépasserait ainsi les 8 000 euros, selon Le Point. Aude Lagarde a démissionné de son poste à l'Assemblée, mais le couple, qui plaide l'ignorance, est visé par une plainte de Jacky Majda pour prise illégale d'intérêts.
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