Guéant et ses primes : trois questions pour comprendre l'affaire
Quelque 10 000 euros mensuels, puisés dans les "frais d'enquête" des policiers, ont été "remis" entre 2002 et 2004 à Claude Guéant, alors directeur du cabinet du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, selon un rapport d'inspection.
L'Inspection générale de l'administration (IGA) et l'Inspection générale de la police nationale (IGPN, la "police des polices") ont rendu les conclusions de leur enquête sur le volet "primes" de l'affaire Guéant. Lundi 10 juin, les deux inspections ont indiqué conjointement que 10 000 euros par mois, "en provenance des frais d'enquête et de surveillance", ont été "remis au directeur du cabinet du ministre" de l'Intérieur entre mai 2002 et l'été 2004. En l'occurrence Claude Guéant, directeur de cabinet de ce ministère à l'époque dirigé par Nicolas Sarkozy.
En trois questions, francetv info démêle les conclusions de ce rapport.
Comment l'affaire a-t-elle démarré ?
L'affaire a débuté par une perquisition menée chez Claude Guéant dans le cadre d'une autre enquête : celle sur le présumé financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Selon le Canard enchaîné, les enquêteurs découvrent alors au domicile de l'ancien ministre des traces de paiements en liquide de factures.
D'après Claude Guéant, cet argent correspond à des "primes de cabinet" qu'il a touchées en tant que directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy quand ce dernier était ministre de l'Intérieur, entre 2002 et 2004, puis entre 2005 et 2007. Or, ces primes de cabinet ont été supprimées le 1er janvier 2002, par Lionel Jospin. Désormais qualifiées d'"indemnités pour sujétion particulière", elles sont intégrées à la rémunération normale des conseillers ministériels, explique Le Monde.fr.
Pourquoi les frais d'enquête et de surveillance sont-ils au cœur de l'enquête ?
La défense de l'ancien directeur de cabinet mise à mal par la disparition des primes de cabinet en 2002, Claude Guéant explique donc qu'un système de primes a "perduré" durant plusieurs années pour le seul ministère de l'Intérieur. Il évoque des compléments de salaire provenant des frais d'enquête et de surveillance (FES). Mais là encore, l'argument est mis en doute au motif que les FES ne sont pas censés financer les primes d'un cabinet ministériel.
Et pour cause, ces sommes, dont le versement a été réformé en 2006, ont "vocation à faciliter le fonctionnement des services de police judiciaire dans le cadre des enquêtes", a expliqué à francetv info Céline Berthon, secrétaire générale adjointe du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN), interrogée en mai. Par exemple, dans le cadre d'une filature, un policier peut ainsi être amené à payer un ticket de parking ou une consommation dans un bar ; les frais de police lui permettent d'en obtenir le remboursement.
Interrogés par francetv info, des syndicalistes au sein de la police s'étonnent que ces fonds puissent servir à financer des primes au sein du ministère de l'Intérieur, comme l'assure Claude Guéant.
Que révèle le rapport de l'IGA et de l'IGPN ?
Pour faire la lumière, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a donc demandé le 2 mai à l'IGA et à l'IGPN de mener une enquête administrative. Les deux inspections ont été chargées d'une "mission de vérification sur l'usage des frais d'enquête et de surveillance". Elles devaient notamment déterminer si, depuis le 1er janvier 2002, date où est entrée en vigueur la réforme des primes de cabinets ministériels, une partie des frais d'enquête a été utilisée "à d'autres fins".
Or, les conclusions montrent que la pratique des primes a "été rétablie" de mai 2002 à l'été 2004. Il semble, écrivent les rapporteurs IGA/IGPN, que "pendant deux ans", la dotation attribuée au ministère de l'Intérieur pour les personnels de cabinet "ait été complétée de versement en provenance des frais d'enquête et de surveillance". L'enquête estime "à hauteur de 10 000 euros par mois remis au directeur de cabinet du ministre" de l'Intérieur, Claude Guéant à cette époque.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.