Comment la gauche torpille la nomination de Jacques Toubon comme Défenseur des droits
Depuis l'annonce, mercredi par François Hollande, de la nomination du chiraquien au poste jadis occupé par Dominique Baudis, la gauche est montée au créneau.
Qui pour succéder à Dominique Baudis, décédé le 10 avril ? En suggérant de nommer l'ancien ministre RPR Jacques Toubon au poste de Défenseur des droits, François Hollande n'a pas (du tout) fait l'unanimité. Depuis une semaine, la gauche se mobilise pour empêcher la nomination de l'ancien garde des Sceaux de Jacques Chirac. Mercredi 18 juin, elle pourrait même être en passe de réussir.
Pour devenir Défenseur des droits, la candidature de Jacques Toubon doit séduire les élus. "Le Défenseur des droits est nommé par le président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable et non révocable. Sa nomination est soumise au vote de l'Assemblée nationale et du Sénat", explique le site Défenseur des droits.fr. Il assure que "ce mode de nomination garantit l’indépendance du Défenseur des droits". Or, "aucun socialiste ne votera 'pour'", explique France Inter dans un indiscret.
Francetv info revient sur cette campagne anti-Toubon. Comment la gauche s'y prend-elle pour torpiller cette candidature ?
En sortant les casseroles
Dès jeudi, les députés PS Yann Galut et Alexis Bacheley ont signé une tribune sur le site Rue 89 pour demander à leurs collègues parlementaires de "[rejeter] cette proposition de nomination". Et les élus de sortir les "dossiers" qui pèsent sur l'ancien ministre : "Nommer à ce poste un homme qui s’est prononcé contre l’abolition de la peine de mort, contre la dépénalisation de l’homosexualité serait un signal désastreux sur la capacité de cette institution à rendre des décisions propres à favoriser la non-discrimination et la défense des citoyens quelles que soient leurs origines, leurs sexualités, leurs opinions", ont fait valoir les deux élus de la Gauche forte, un courant à la gauche du PS.
Pour ces mêmes raisons, le Mouvement des jeunes socialistes (MJS) se dit "extrêmement surpris et inquiet de la potentielle nomination de Jacques Toubon". Enfin, dimanche, c'est au tour du président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, et du premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, d'exprimer leurs vives réserves sur le choix présidentiel.
Au centre, la sénatrice UDI Nathalie Goulet s'est insurgée, rappelant dans un communiqué "qu'en tant que garde des Sceaux, [Jacques Toubon] a été rechercher le procureur Davenas dans l'Himalaya pour contrer une enquête en cours", dans le cadre de l'ouverture d'une information judiciaire en 1996 contre l'épouse du maire de Paris, Xavière Tiberi.
En rendant les (rares) soutiens au PS moins audibles
Au fur et à mesure que la polémique enfle, la fracture se fait de plus en plus criante entre l'exécutif et sa majorité. A tel point que les soutiens de la candidature Toubon au PS, Manuel Valls, Bruno Le Roux et Jean-Marie Le Guen, se font de plus en plus hésitants. Interrogé par France Info, le président du groupe PS à l'Assemblée nationale a expliqué ainsi qu'il "comprenait le président de la République qui nomme l'homme d'aujourd'hui, pas celui d'il y a trente ans". Mais, a-t-il ajouté, "je remarque et je lui dis que cette nomination fait aujourd'hui grand bruit et qu'il est peut-être encore temps d'y réfléchir".
En lançant une pétition signée par 89 000 personnes
Pour Mehdi Ouraoui, du conseil national du PS, et Julien Bayou, le porte-parole d'Europe Ecologie-Les Verts, Jacques Toubon "incarne cette caste qui se partage les postes de la République, totalement déconnectée de la société". Dans une pétition, signée par près de 89 000 personnes, ils disent "non à la nomination de Jacques Toubon pour défendre nos droits !" Un message fort, mais qui n'a de force que celle du lobbying, alors que c'est aux élus de la commission des lois de valider ou non la nomination.
En suggérant à Toubon de retirer sa candidature
Seule, la gauche ne peut pas obtenir les 3/5es des voix de la commission des lois nécessaires à l'annulation de sa nomination. En revanche, un vote qui va à l'encontre du candidat désigné par François Hollande entérine la fracture entre l'exécutif et sa majorité. Pour éviter cela, Jean-Jacques Urvoas, patron de la commission des lois, cherche une porte de sortie, explique France Inter. "[Il] va discrètement suggérer à Jacques Toubon de retirer sa candidature avant le 2 juillet", assure la radio. Selon elle, "en attendant, pour la forme, les commissions vont tout de même auditionner Jacques Toubon, comme le veut la procédure..."
C'est compter sans la détermination de l'intéressé. Au micro d'Europe 1, Jacques Toubon a martelé qu'il n'était "pas question" qu'il renonce.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.