Comment le fossé s'est encore creusé entre François Ruffin et ses anciens camarades de La France insoumise

Le député picard, qui a rompu avec LFI dès la campagne des législatives, a relancé cette semaine l'offensive contre son ancienne formation politique, s'attirant une volée de critiques.
Article rédigé par franceinfo
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Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, le 5 février 2019. (BERTRAND GUAY / AFP)

Déjà dégradées ces deux dernières années, les relations entre François Ruffin et les élus insoumis proches de Jean-Luc Mélenchon sont devenues explosives ces derniers jours. Le député de la Somme a accusé le second d'avoir "abandonné une partie de la France" et poussé à une campagne communautariste, tandis que les cadres insoumis ont défendu leur leader. Alors que la Fête de l'Huma s'achève, dimanche 15 septembre, franceinfo revient sur cette brouille qui divise la gauche. 

1 François Ruffin étrille le fonctionnement du parti et sa stratégie

François Ruffin ne retient plus ses attaques contre le fonctionnement de son ancienne formation politique, avec laquelle il a rompu pendant la campagne des législatives. Interrogé mercredi sur le plateau de BFMTV, il décrit un parti "où il y a de la peur, (...) où il n'y a pas de place pour débattre, discuter, se contredire, échanger et dépasser les contradictions". Dans son livre Ma France en entier, pas à moitié, paru le même jour, François Ruffin critique ouvertement la ligne de LFI, son fonctionnement interne, mais aussi le rapport au peuple de son fondateur, Jean-Luc Mélenchon, qu'il accuse notamment de  "[remettre] au goût du jour" une forme de "snobisme de gauche"

Selon François Ruffin, l'ancien candidat à la présidentielle a "tout misé sur la jeunesse et les quartiers populaires" et "délaissé le reste", a-t-il expliqué au Nouvel Obs, à propos des ouvriers, "des travailleurs" et des habitants des zones rurales. Le député de la Somme décrit une "campagne au faciès" qu'il assure avoir menée lors des élections législatives de 2022 et pointe l'"épouvantail" que représente, d'après lui, Jean-Luc Mélenchon aux yeux de certains électeurs. "Quand je tombais sur un Noir ou un Arabe, je sortais la tête de Mélenchon, en bien gros sur les tracts. C'était le succès presque assuré. (...) Mais dès qu'on tombait sur un Blanc, pas seulement dans les campagnes, même dans les quartiers, ça devenait un verrou. (…) Du coup, je présentais un autre document, sans sa tronche ni son nom", raconte-t-il, disant avoir ressenti de la "honte". Il s'en prend plus violemment encore à l'entourage du leader de LFI, accusé "de faire la cour à Jean-Luc, porte-flingue, porte-serviette, porteur d'eau, pour être investi au bon endroit".

François Ruffin "se livre à quelque chose qui ne me va pas du tout, il commence à un peu trop marquer des buts contre son camp", réagit le député Eric Coquerel, dans la foulée de l'intervention de son collègue sur BFMTV. Pour un autre élu insoumis, le Marseillais Sébastien Delogu, son attitude est même "pitoyable", déclare-t-il au micro de Sud Radio. Jeudi, au tour du coordinateur des insoumis, Manuel Bompard, de lancer une réplique cinglante. Les accusations "blessantes, injustes et dangereuses" du député picard sont "une honte en entier et pas à moitié", écrit-il sur X. 

2 Le député est hué lors d'un débat à la Fête de l'Huma

Invité à débattre samedi à la Fête de l'Huma avec d'autres députés de gauche sur le thème de l'union des classes populaires, le député de la Somme arrive sur la scène de l'Agora sous les huées. A ses côtés, le député insoumis Raphaël Arnault revient sur les déclarations récentes de l'élu picard, qu'il accuse de commettre une "faute politique". "Diviser les classes populaires entre elles n'est pas la bonne façon de faire", déclare le membre du mouvement antifasciste La Jeune Garde, acclamé par la foule. "François, tu es allé récemment sur BFM, et je te le dis avec la plus grande sincérité militante que je peux avoir, tu as blessé énormément de camarades, notamment la jeunesse qui s’est mobilisée lors des élections", lui lance-t-il encore.  

S'il est normal de "s'engueuler en famille", note François Ruffin, il maintient ses critiques, demandant au public : "Quand Jean-Luc Mélenchon dit qu'il faut tout faire pour la jeunesse et les quartiers populaires, et laisser tomber le reste, qui est d'accord avec cette ligne-là ?" Devant les quelques mains levées, il martèle qu'il faut au contraire "agir pour toutes les classes populaires", persuadé qu'il y a "un immense commun entre la France des bourgs et la France des tours, et un chemin pour les unir". Pas question d'aller "séduire les racistes", rétorque Raphaël Arnault, alors qu'au moment de clore le débat, certains scandent "François Ruffin n'est pas un camarade", tandis que d'autres applaudissent le député de la Somme.

Lors de son meeting, Jean-Luc Mélenchon tente l'apaisement : "Oui (...) nous essayons d'amener massivement le peuple ouvrier des quartiers au vote. (...) Venez avec nous ! Ou bien, s'il y a des populations qui vous sont plus familières, des centres-villes qui vous sont plus accueillants qu'à nous, eh bien (...) convainquez-les de venir", lance-t-il.

Toujours depuis la Fête de l'Huma, les partenaires de LFI au sein du Nouveau Front populaire appellent à calmer le jeu. "Halte au feu", s'écrie le patron des communistes, Fabien Roussel. Quant à l'écologiste Marine Tondelier, elle invite ses alliés politiques à ne plus "se donne[r] en spectacle". Car pendant ce temps, "les autres mangent du pop-corn"

3 Les réactions se poursuivent à gauche

Le député LFI Raphaël Arnault s'exprime de nouveau dimanche, cette fois sur X. "S’il était bon d’aborder certains points hier, notamment avec François Ruffin, il est primordial de rappeler que si ça s’embrase des fois à l’Agora, nos ennemis ne se trouvent certainement pas à la fête de l’Huma", écrit l'élu, qui appelle à "construire l’unité face au fascisme", "peu importe nos différends". 

"François Ruffin a blessé et déçu des gens", réagit Mathilde Panot, interrogée sur France 3 au sujet de l'incident de la veille. "C'est ce qui s'est exprimé lors de cette Fête de l'Humanité et cela ne venait pas uniquement des insoumis (...). Nous nous adressons à tous les citoyens et citoyennes de ce pays", affirme la cheffe des députés LFI. 

Du côté du Parti socialiste, l'ancien président et nouveau député François Hollande partage l'analyse de François Ruffin sur le fonctionnement de La France insoumise. Il "dit de l'intérieur de LFI ce que nous disons de l'extérieur depuis longtemps : une dérive sectaire, communautariste, brutale et une stratégie minoritaire", estime-t-il sur le plateau du "Grand Jury" RTL-Le Figaro-Public Sénat-M6.

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