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Comment les candidats à l'Elysée s'émancipent du programme de leur parti

De François Hollande à Marine Le Pen, d'Eva Joly à Nicolas Sarkozy, les prétendants à la course à la présidentielle prennent plus ou moins de distance avec le programme de leur formation politique.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
François Hollande au côté de Martine Aubry, la première secrétaire du Parti socialiste, le 23 novembre 2011. (PATRICK KOVARIK / AFP)

De la difficulté de pondre un programme avant d'avoir un candidat. Jusqu'où François Hollande va-t-il se démarquer du programme élaboré par le PS au printemps ? Que va reprendre Nicolas Sarkozy du projet de l'UMP, dont le dernier volet a été dévoilé mardi 6 décembre ? Le problème de la ligne à tenir vis-à-vis de son propre parti se pose aussi pour d'autres candidats, comme Eva Joly ou Marine Le Pen. 

• François Hollande et le PS : adapter sans renier

Chez les socialistes, le projet du parti tient une place plus importante que dans les autres formations politiques. Il est le fruit de subtiles synthèses entre les multiples courants, et chaque virgule compte. Le PS a adopté son projet fin mai à l'unanimité, après un long travail de fond mené sous l'impulsion de la première secrétaire, Martine Aubry.

C'est le mode de fonctionnement en vigueur rue de Solférino : d'abord le projet, ensuite la désignation de celui ou celle qui est le mieux à même de le défendre. Le candidat choisi est donc, d'une manière ou d'une autre, lié par ce texte. Ce qui explique les petites anicroches observées durant la primaire, lorsque les différents candidats prenaient leurs distances sur tel ou tel sujet.

Face à une Martine Aubry plus que jamais garante du projet du parti, François Hollande n'avait pas hésité à émettre des propositions qui n'y figuraient pas, comme le contrat de génération, ou la création de 60 000 postes d'enseignants.

Le projet du PS sera-t-il alors un lointain souvenir dans la campagne à venir ? Pour Pierre Moscovici, directeur de campagne de François Hollande, ce texte reste valable : "C'est l'inspiration du candidat, un socle commun, une référence. Mais le projet présidentiel sera légèrement différent." Et pour cause : le projet du PS a été bâti sur une hypothèse de croissance de 2,5 % en 2012, alors que les prévisions des économistes tablent aujourd'hui sur 0,5 %. "Il faudra donc des priorités en petit nombre", explique Pierre Moscovici, interrogé par des étudiants de Sciences Po. Le programme complet et chiffré de François Hollande doit être présenté en janvier.

• Nicolas Sarkozy et l'UMP : une distinction assumée

Comme le PS, l'UMP a rédigé son projet pour 2012, mais la méthode diffère. Elaboré beaucoup plus tardivement, sous la houlette de Bruno Le Maire, ministre de l'Agriculture, ce projet n'a jamais eu la prétention de se transformer en programme pour le candidat. Pour le parti de la majorité, qui ratifiera le texte le 21 janvier, le but est plutôt de remettre une liste de propositions à Nicolas Sarkozy, avant qu'il se déclare. Libre à lui, ensuite, de les utiliser ou non.

Alors qu'au PS chaque liberté prise avec le projet fait potentiellement ressurgir, comme en 2007, le spectre d'un candidat qui ne serait pas en phase avec son parti, l'UMP assume pleinement le fait que les deux projets puissent ne pas être parfaitement en phase.

Le secrétaire général du parti, Jean-François Copé, a mis un point d'honneur à faire émerger des idées nouvelles. Et tant pis si elles ne font pas l'unanimité. Ainsi, le scepticisme de Nicolas Sarkozy sur la proposition de supprimer les 35 heures, contenue dans le projet de l'UMP, n'a pas été perçue comme un cafouillage entre le chef de l'Etat et son parti. Chacun sait en effet que les véritables orientations du futur candidat sont plutôt à chercher dans ses discours, comme celui prononcé le 1er décembre à Toulon.

• Eva Joly et EELV : une candidate prise entre deux textes

Chez Europe Ecologie-Les Verts, le projet est presque bouclé. Il doit encore être discuté et ratifié le 17 décembre par "l'Agora" du parti. "C'est à la fois le projet du parti et le projet de la candidate", assure-t-on au sein du mouvement écologiste. Mais tout s'est compliqué depuis le psychodrame lié à l'accord électoral et programmatique passé avec le PS, par lequel les écologistes ont dû lâcher du lest, notamment sur la question du nucléaire. Conséquence logique : les deux textes, adoptés avec seulement un mois d'intervalle, sont fort différents.

Et Eva Joly dans tout ça ? "Un projet présidentiel, c'est une fresque. Libre à elle de donner des coups de projecteurs sur les thèmes qu'elle souhaite développer", explique un cadre du parti. Nul doute que les deux coprésidents de son conseil stratégique, Noël Mamère et Cécile Duflot, rompus aux négociations d'appareil, se chargeront de l'aiguiller.

• Marine Le Pen et le FN : un projet unique, mais une ligne très personnelle

Pour la campagne de 2012, le Front national n'a pas rédigé de programme. Le seul projet existant est celui de Marine Le Pen. Depuis qu'elle a repris les rênes du parti, elle s'autorise à défendre des valeurs auxquelles le Front national n'était pas habitué. Face à la mondialisation, elle n'hésite pas à s'engager pour la défense des services publics, alors que le FN prônait il y a encore quelques années la libéralisation de l'économie et voyait dans l'Etat un carcan bureaucratique et fiscal. Marine Le Pen fait par ailleurs de la laïcité une axe phare de son programme, au risque de dérouter certains militants attachés aux valeurs chrétiennes.

Pour la présidente du FN, il n'y a pas de contradiction : "Je ne suis pas la candidate du Front national mais la candidate soutenue par le Front national, car l'élection présidentielle est la rencontre d'un homme ou d'une femme avec le peuple", répète-t-elle régulièrement. Une explication qui résume en une phrase le lot commun de la plupart des candidats à la présidentielle.

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