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Compétitivité : les annonces gouvernementales reçoivent un accueil tiède

Le gouvernement a annoncé mardi l'octroi aux entreprises d'un crédit d'impôt de 20 milliards d'euros pour redresser la compétitivité de l'économie française, financé par une baisse des dépenses publiques et une hausse de la TVA. Après les annonces, les réactions : tantôt déçues, tantôt méfiantes. Ou franchement hostiles.
Article rédigé par Ludovic Pauchant
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
  (Maxppp)

"Le fait que la gauche en arrive aujourd'hui avec
comme seul horizon fiscal un bidouillage sur le taux de TVA sur les produits de
première nécessité tout en augmentant le taux général, c'est une régression
intellectuelle et politique considérable !
", s'attristait mardi
après-midi Thomas Piketty dans les colonnes du Monde.

La réaction de cet économiste, pourtant réputé proche du Parti socialiste, a rencontré de
nombreux autres échos, tant les mesures annoncées mardi midi par Jean-Marc
Ayrault au lendemain de la remise du rapport Gallois ont suscité, au moins pour la posture, la
déception, ou l'inquiétude, ou l'irritation. Ou les trois. Le gouvernement savait qu'il allait
tenir une position d'équilibriste, entre élan réformateur, reniement, pragmatisme
et social-démocratie. La journée de mardi le lui a bien rendu.

" Un virage à reculons, pas très assumé "

Côté entrepreneurs, patronat et partenaires sociaux, d'abord.
 Chez Force ouvrière, Jean-Claude Mailly,
s'est dit "satisfait ", estimant que la hausse prévue de TVA
pour 2014 restait "dans le domaine du raisonnable ". La CFDT,
elle, y voit "un virage à reculons, pas très assumé ", s'estimant
pourtant "satisfaite " que le gouvernement ait retenu la "majorité
des propositions sur la compétitivité hors-coût
"
, (entendre par là
celles qui ne touchent pas directement au cout du travail). La centrale s'inquiète
toutefois de la répercussion sur le consommateur de la hausse de la TVA et de l'éventuel
abandon de politiques publiques.

Des mesures globalement bonnes. Mais...

A peine plus d'enthousiasme chez Jean-François Roubaud, le
président de Confédération générale des petites et moyennes entreprises, qui, 
s'il trouve les mesures "globalement bonnes" , redoute une "usine
à gaz
" : "On est sur un crédit d'impôt et pas sur une
baisse des charges, donc ce n'est pas tout à fait la même chose. J'ai peur qu'on
aboutisse à quelque chose qui soit suffisamment compliqué pour qu'un grand
nombre d'entreprises et surtout les petites disent : "j'y vais pas, c'est
trop compliqué pour moi".
"

Côté restaurateurs, la hausse de la TVA a provoqué l'ire
de Didier Chenet, le président du principal syndicat de l'hôtellerie et de la
restauration. "On annonce une hausse de la TVA sans aucune
compensation sur le coût du travail : les entreprises augmenteront donc
leurs prix, le pouvoir d'achat baissera donc. Mécaniquement, la consommation
diminuera elle aussi, entraînant une réduction de l'activité et donc des
suppressions d'emplois. Au final, le secteur du tourisme se retrouvera dans une
situation de baisse de compétitivité par rapport aux autres pays
",
déplorait-il mardi après-midi sur France Info.

D'autres font moins de cas de la hausse de la TVA, mais ne s'estiment
qu'à moitié satisfaits du crédit d'impôt pour les entreprises. Stanislas de
Bensman, dirigeant d'une importante entreprise spécialisée dans l'informatique salue
ainsi "des annonces qui vont dans la bonne direction ", en
redoutant cependant un probable "effet saupoudrage ". Il
aurait fallu, selon lui, aller plus loin, en intégrant par exemple dans le
crédit d'impôt le salaire des cadres et du personnel d'encadrement, pour alléger
davantage le coût du travail, encore trop élevé.

De la stratégie de l'édredon à l'usine à gaz

Côté UMP, quand François Fillon fulminait sur Twitter contre
le "refus de François Hollande de faire un vrai choc de compétitivité ",
une "stratégie de l'édredon " qui "condamne à la
récession
", Christian Jacob, estime lui que "cela montre une
fois de plus l'incapacité à trancher et à décider du Premier ministre"
.  "Il
annonce des mesures qui verront leur application au mieux dans deux ans :
c'est une usine à gaz sur la manière dont tout ça se mettra en place et quand ça
se mettra en place ça sera soumis à moult débats
", déplorait mardi
midi le président du groupe UMP de l'Assemblée.

Son concurrent à la présidence de l'UMP, Jean-François Copé,
évoque de son côté un plan "hyper-complexe, bureaucratique, et par
ailleurs, très insuffisant"
. Comme François Fillon sur Twitter, il s'est
amusé de ce qu'il estime être un "gag " : "La
décision de François Hollande d'augmenter la TVA, c'est déjà un gag au sens où
François Hollande a passé l'essentiel de sa campagne présidentielle à dire aux
Français que s'il était président de la République, il n'augmenterait pas la
TVA, et voilà qu'il annonce une augmentation de la TVA
".

Le Centre dubitatif

Jean Arthuis, le sénateur centriste et ancien ministre des
Finances du gouvernement Juppé, considère, lui, que les mesures sont
insuffisantes : "Le compte n'y est pas ! Le choc de
compétitivité n'est pas là, or il y a le feu dans la maison...
",
déplorait-il mardi sur France Info, en émettant des doutes sur l'efficacité de
la méthode.

Jean-Louis Borloo, mi-figue mi-raisin, n'est, quant à lui, "pas
certain d'avoir tout compris
". Le président du groupe UDI de l'Assemblée
nationale a notamment ironisé sur "une espèce de virage à reculons qui n'est pas tout à fait
assumé
", concédant pour autant qu'il ne s'agissait pas de rejeter "tout
l'ensemble
", puisqu'il s'agissait d'un sujet qui concernait "tout
le monde
".

" On poursuit une même politique qui ne fonctionne
pas "

A la gauche de la gauche, déception affichée. Pour André Chassaigne, au Front de gauche, on ne prendrait pas "à bras-le-corps
la question des prélèvements financiers"
, comme on ne s'attaquerait
pas à la question du "coût du capital ". En s'enfermant ainsi, selon
lui, "dans cette espèce de postulat qui consiste à dire que c'est le
coût du travail qui est en cause"
.  "On pense que tout ça est plutôt
négatif et les quelques mesures positives qu'il pourrait y avoir demandent à
être traduites dans des textes
", conclut-il. Jean-Luc Mélenchon,
co-président du Parti de gauche, ne s'est pas économisé sur TV5 Monde pour s'écœurer
de la poursuite d'une "même politique qui ne fonctionne pas ",
jugeant les annonces du Premier ministre "lamentables ".

" Si nous voulons continuer à produire français, il
faut en finir avec économiquement correct
"

Beaucoup plus à droite dans l'échiquier, Marine Le Pen a
appelé à en "finir avec l'économiquement correct " : "Ceci
ne réglera pas les problèmes de nos entreprises, ne serait-ce que parce que ces
mini-exemptions de charges ne les rendront pas compétitives par rapport à des sociétés
basées en Chine ou au Bangladesh. Si nous voulons continuer à produire
français, il faut en finir avec l'économiquement correct
", s'exclamait
Marine Le Pen, la patronne du parti d'extrême droite.

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