"Timing surprenant", "une insulte", "il ne pense qu'à lui"... À peine déclaré candidat à la prochaine présidentielle, Édouard Philippe déjà vivement critiqué
Alors que la France se cherche toujours un Premier ministre, après déjà plusieurs jours de consultations politiques, Edouard Philippe a officialisé, dans la soirée du mardi 3 septembre, son projet présidentiel. L'ancien Premier ministre et maire du Havre a fait son annonce au détour d'une interview au magazine Le Point.
"Je serai candidat à la prochaine élection présidentielle", confirme Edouard Philippe, mettant fin à un secret de Polichinelle qui avait débuté dès son départ de Matignon en 2020, puis avec la création de son propre mouvement politique. Depuis, il disait "se préparer" loin des caméras.
En revanche, ce qui interpelle, c'est la réponse à une autre question : "Êtes-vous prêt, y compris en cas de présidentielle anticipée ?". "Je vous le confirme", répond Edouard Philippe sans détour. Cette réponse est étonnante alors que les appels à la démission d'Emmanuel Macron se multiplient à gauche et que la France insoumise tente de lancer une procédure de destitution. Édouard Philippe semble donc lui aussi le pousser vers la sortie, s'estimant prêt à prendre le relais à l'Elysée.
À ceux qui lui reprochent de ne pas s'être présenté aux dernières législatives, le maire du Havre répond : "Je préfère agir, faire" dans ma ville, plutôt "que parler à Paris". Il veut ainsi "créer son espace politique" et compte "proposer des choses aux Français". "Ce que je proposerai sera massif", promet-il, citant l'éducation, l'écologie ou encore, la sécurité mais sans détailler aucune de ses propositions.
Le moment n'est "pas opportun"
C'est le moment choisi pour cette annonce hautement politique qui étonne, jusque dans les rangs de l'ancienne majorité présidentielle. Seuls les élus de son parti Horizons saluent une "clarification" dans un moment de "brouillard politique épais". "Ça fait partie d'un cheminement personnel qui l'habite depuis un certain nombre d'années", défend ainsi sur franceinfo le porte-parole du groupe Horizons Xavier Albertini. "Il avait une démarche profonde depuis un certain nombre de mois", explique le député de la Marne, "il constate un certain nombre de crises à venir, notamment une crise démocratique". "On est quelque part dans une forme de pétole", analyse Xavier Albertini, filant une métaphore maritime, "c’est-à-dire un immobilisme sans vent et sans dynamisme".
La tonalité est différente chez Renaissance : "Ce timing est assez surprenant, je ne me l’explique pas vraiment", dit par exemple un député de premier plan. De son côté, le sénateur Renaissance François Patriat juge le moment "pas opportun".
"Edouard Philippe fait preuve d'individualisme alors que l'urgence, c'est de trouver une stabilité".
François Patriat, sénateur Renaissanceà franceinfo
L'annonce de cette candidature est "indécente au moment où la France est en crise", juge la députée RN Edwige Diaz, invitée de France Bleu Limousin mercredi 4 septembre. "Je trouve que cette annonce est indécente au moment où la France est en crise et plongée par Emmanuel Macron dans un bourbier, on a quelqu’un qui vient nous parler de ses ambitions personnelles", estime la vice-présidente du Rassemblement national.
La députée RN de Gironde et conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine résume le bilan de l'ancien Premier ministre : "Quand je pense Edouard Philippe, je pense réforme des retraites, je pense 80 km/h, je pense taxe sur les carburants, je pense gilets jaunes. Évidemment, je ne souhaite pas qu’Edouard Philippe soit le prochain président de la République, je souhaite que la prochaine présidente de la République soit Marine le Pen".
"Au mieux indécente, au pire une insulte aux Français"
À gauche aussi, les critiques sont appuyées. L'écologiste Sandrine Rousseau estime que l'ancien Premier ministre "ne pense qu'à lui" tandis que l'insoumise Aurélie Trouvé juge cette annonce "au mieux indécente, au pire une insulte aux Français", car selon elle, Edouard Philippe "n'aspire qu'à poursuivre et aggraver" la politique d'Emmanuel Macron.
Enfin, côté partenaires sociaux, la nouvelle n'est "pas facilitante" dans le contexte politique actuel, estime par exemple Marylise Léon, de la CFDT. Selon la secrétaire général du syndicat, Edouard Philippe "joue sa carte politique", en annonçant sa candidature à la présidentielle de 2027, mais cette annonce "n'est pas facilitante pour comprendre ce qu'il se passe et cela ne répond pas aux attentes des travailleurs et des travailleuses". "[Leurs] problématiques ne sont pas à échéance 2027, c'est tout de suite, là, maintenant. Il est urgent plus que jamais d'avoir déjà un Premier ministre pour mener les réformes, répondre aux attentes sociales", conclut-elle sur franceinfo.
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