Affaire Benalla : ce qu'il faut retenir de l'audition de Patrick Strzoda, directeur de cabinet d'Emmanuel Macron
D'après les révélations du "Monde", c'est lui qui avait autorisé Alexandre Benalla à participer aux manifestations du 1er-Mai. Dès le lendemain, il avait temporairement suspendu le jeune collaborateur, après avoir visionné les vidéos le montrant en train de frapper un manifestant.
Sa déposition était très attendue. Patrick Strzoda, directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, a été entendu par les députés de la commission d'enquête qui planche sur l'affaire Benalla, mardi 24 juillet. S'il a juré de dire la vérité, il a néanmoins expliqué qu'il s'en tiendrait à dire ce qu'il était autorisé à déclarer. Voici ce qu'il faut retenir de son intervention.
Il est revenu sur la sanction infligée à Alexandre Benalla après ses violences
Patrick Strzoda a pris le temps de décrire en détails la journée du 2 mai au cours de laquelle il a appris que le "chargé de mission de l’Elysée aurait eu un comportement inapproprié et choquant", alors qu'il accompagnait des policiers, en qualité d'observateur. Après avoir visionné une vidéo montrant les violences auxquelles s'est livré Alexandre Benalla, il décide de convoquer ce dernier.
Je l’ai informé que sa participation à une opération de maintien de l’ordre ne faisait pas partie d’une mission d'observation, et que son comportement fautif était inacceptable et ferait donc l’objet d’une sanction.
Patrick Strzodadevant la commission d'enquête de l'Assemblée
Le directeur de cabinet précise qu’il a immédiatement informé le secrétaire général de l’Elysée. "Le président de la République était en Australie et sur le point de se rendre en Nouvelle-Calédonie pour un déplacement extrêmement sensible."
Il revient ensuite sur la sanction infligée à Alexandre Benalla, jugée trop légère par beaucoup. "Il s’agit d’une part d’une suspension de 15 jours sans traitement. D’autre part, d’une modification des missions de monsieur Benalla, équivalant à une rétrogradation puisqu’il a été déchargé de la participation à l’organisation des déplacements officiels du président de la République."
Des photos ont toutefois fragilisé cette version de l'Elysée : les 13 et 14 juillet, on y voit Alexandre Benalla accompagner Emmanuel Macron en déplacement à Giverny (Eure) et lors du défilé militaire de la fête nationale.
Il pensait que la police était au courant de la participation d'Alexandre Benalla aux manifestations du 1er-Mai
A la demande d'Alexandre Benalla, Patrick Strzoda l'avait autorisé à participer à une mission d'observation du travail des policiers, sous l'autorité de la préfecture de police de Paris.
Lors de son audition, le directeur de cabinet du président de la République a tenté de justifier cette décision : "Il a indiqué que l’invitation lui avait été faite par monsieur Simonin, chef d’Etat major de la DOPC [Direction de l'ordre public et de la circulation au sein de la préfecture de paris] à la préfecture de police."
J’ai considéré que l’invitation qui lui était faite émanait d’un haut gradé de la DOPC et il se trouve que ce haut gradé, je le connais. Il a une réputation de professionnel (...) j’en ai déduis que la hiérarchie de la préfecture de police était au courant.
Patrick Strzodadevant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale
Laurent Simonin fait partie des policiers mis en examen pour "violation du secret professionnel" et "détournement d'images issues d'un système de vidéoprotection" après avoir transmis des images de vidéosurveillance mi-juillet à Alexandre Benalla.
Lundi, le directeur de l'ordre public et de la circulation au sein de la préfecture de paris, Alain Gibelin, a indiqué lors de son audition que Laurent Simonin ne l'avait pas informé de la participation d'Alexandre Benalla à l'opération de police. "A aucun moment, je ne suis mis au courant par celui qui aurait dû m'en informer, à savoir le contrôleur général Laurent Simonin", avait-il alors affirmé. Le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, avait également indiqué n'avoir pas été tenu au courant de la présence du chargé de mission de l'Elysée lors de la surveillance de la manifestation place de la Contrescarpe.
Il explique pourquoi il n’a pas prévenu la justice
Premier à avoir été mis au courant des agissements d’Alexandre Benalla, Patrick Strzoda n'a pas relayé l'information au procureur, ce que d'autres lui ont reproché. Gérard Collomb a ainsi affirmé, lundi lors de son audition, que c’était à lui de prendre les mesures nécessaires et d’avertir le procureur en s'appuyant sur l’article 40 du Code de procédure pénale. Patrick Strzoda a estimé ne pas disposer d'"assez d'éléments" en ce sens. "Cette interpellation n'a pas donné lieu à dépôt de plainte ou ITT", a-t-il justifié.
Cette décision, "je l'ai prise seul, en mon âme et conscience. Je n'en ai jamais parlé avec le chef de l'Etat, qui était à 10 000 km (en déplacement en Australie), qui est rentré le 6 mai. J'ai été recruté sur cette fonction pour m'occuper de la gestion interne de la présidence. C'est vraiment ma responsabilité, et je l'assume", a-t-il expliqué en réponse à une question du député PS, David Habib (Pyrénées-Atlantiques).
"Je n'en ai pas parlé avec le chef de l'Etat, et on ne m'a pas fait d'observation sur la décision que j'ai prise", a insisté le haut fonctionnaire, précisant avoir fait part le 2 mai de sa décision au secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, lequel en a informé Emmanuel Macron. "Dès que le président en a été informé, j'ai mis en oeuvre cette mesure. Je n'ai pas eu d'instruction contraire."
Il botte en touche sur la question des avantages d'Alexandre Benalla
"Je ne pourrais pas répondre à cette question car on touche au cœur de l’organisation". Le directeur de cabinet a suscité un véritable tollé de la part des députés en refusant de révéler les avantages dont Alexandre Benalla bénéficiait, jusqu'ici, en tant que chargé de mission à l'Elysée.
Auparavant, il s'était pourtant attaché à démentir certaines rumeurs qui circulent depuis le début de l'affaire.
J'ai entendu dire qu’il avait une rémunération de 10 000 euros mensuels : c’est faux.
Patrick Strzodadevant la commission d'enquête de l'Assemblée
"J'ai entendu dire qu’il devait s’installer dans un duplex de 300 mètres carrés ou 200, place de l’Alma. C’est faux.” a-t-il poursuivi. Il a également démenti le fait qu'Alexandre Benalla s'apprêtait à être nommé sous-préfet. A nouveau interrogé sur le salaire et le logement de fonction d'Alexandre Benalla un peu plus tard pendant la séance, Patrick Strzoda a démenti qu'il s'agisse de "privilèges" ou d'"avantages", affirmant que cela constituait des moyens adéquats pour exercer ses missions.
Pour autant, le directeur de cabinet n'a donné aucun chiffre sur la rémunération dont bénéficiait le jeune homme. "Ces informations sont connues de la Cour des comptes qui nous contrôle chaque année et elles sont connues de la mission parlementaire de la Commission des finances. Donc ces informations sont à votre disposition", s'est-il contenté de préciser.
Dans la soirée, il a été démenti sur ce point par le député UDI Philippe Vigier. "Contrairement à ce qu'affirme Strzoda, ni Lise Magnier ni moi, les rapporteurs spéciaux de la mission 'pouvoirs publics', ne disposons des informations sur la rémunération et les avantages accordés à Alexandre Benalla. (...) Nous allons écrire sans délai à l'Elysée afin d'obtenir ces informations", a réagi l'élu d'Eure-et-Loire sur Twitter.
Il a tenté d’expliquer le rôle d’Alexandre Benalla à l’Elysée
Quelle fonction exerçait exactement Alexandre Benalla auprès d’Emmanuel Macron ? En quelques phrases, le directeur de cabinet a essayé d’en dire un peu plus à ce sujet, en distinguant les postes de "chef adjoint de cabinet" et d'"adjoint au chef de cabinet".
Parmi les personnes qui assistent le chef de cabinet, "il y a un chef adjoint de cabinet qui, lui, fait l’objet d’une nomination qui est publiée au Journal officiel. En l'occurrence, il s’agit de M. Rodrigue Furcy qui est sous-préfet”, a-t-il détaillé. Patrick Strzoda les distingue des "adjoints au chef de cabinet qui sont sous l’autorité à la fois du chef de cabinet et du chef adjoint de cabinet et dont la nomination ne fait pas l’objet d’une publication au Journal officiel". Il expliquait ainsi pourquoi le nom d'Alexandre Benalla n'apparaît pas sur les organigrammes officiels de l'Elysée. Une réponse un peu alambiquée qui a laissé les députés dubitatifs.
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