Champ du référendum, décentralisation, IVG… Ce qu'il faut retenir du discours d'Emmanuel Macron à l'occasion des 65 ans de la Constitution

Le président de la République s'est exprimé au Conseil constitutionnel mercredi, vantant la stabilité de la Ve République tout en esquissant des pistes de réforme.
Article rédigé par franceinfo
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Le président de la République, Emmanuel Macron, à l'occasion du 65e anniversaire de la Ve République, le 4 octobre 2023. (YOAN VALAT / AFP)

"Un événement particulièrement important." Voici comment l'Elysée qualifiait le discours – qu'il a "mûri" – du président de la République à l'occasion des 65 ans de la Constitution de la Ve République. Emmanuel Macron a finalement annoncé, mercredi 4 octobre au Conseil constitutionnel, vouloir mener "à son terme" le "chantier" de l'élargissement du champ du référendum, simplifier le recours au référendum d'initiative partagée mais aussi ouvrir "une nouvelle étape de décentralisation"

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Lors de son premier quinquennat, le président de la République avait échoué à faire aboutir une réforme qui prévoyait d'introduire une dose de proportionnelle dans l'élection des députés, de réduire le nombre de parlementaires et de limiter le nombre de leurs mandats à trois consécutifs. Y parviendra-t-il durant ce second mandat alors qu'il ne dispose plus que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale ? Réponse dans les mois à venir. Franceinfo résume ce qu'il faut retenir des déclarations du chef de l'Etat. 

Une ode à la Constitution "la plus stable de notre histoire"

Pendant de longues minutes, le président de la République a vanté la Constitution de la Ve République, en vigueur depuis le 4 octobre 1958. Cette loi fondamentale, "la plus stable de notre histoire", "est une évidence" et nous "permettra de relever les défis de notre temps", a assuré Emmanuel Macron. "Cette Constitution permet de trancher tous les nœuds gordiens qui sont devant nous", a encore poursuivi le chef de l'Etat, tout en insistant sur le fait qu'il ne serait "pas dans l'intérêt de la France de changer de République".

Une allusion directe à la proposition de longue date d'une partie de la gauche, notamment de La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, qui milite pour une VIe République. "Je crois que notre Constitution doit être révisée lorsque c'est nécessaire (...) On ne révise pas la Constitution sous le coup de l'émotion, pour la beauté du geste", a-t-il insisté.

Néanmoins, "préserver la Constitution n'est pas la figer, cela suppose d'agir", a poursuivi le président de la République. "Notre Constitution mérite d'être révisée quand cela est nécessaire", a-t-il ajouté, dressant deux objectifs : "Être cohérent et conséquent".

Etendre le champ d'application du référendum

Première annonce du chef de l'Etat : l'extension du champ référendaire, prévu à l'article 11 de la Constitution. Actuellement, celui-ci dispose que le référendum ne porte que sur "l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions". Or, la droite et l'extrême droite plaident depuis de nombreuses semaines pour ouvrir le champ du référendum à la question de l'immigration. 

"Il existe des domaines importants qui échappent au champ de l'article 11, a reconnu Emmanuel Macron. J'ai ouvert ce chantier à Saint-Denis [lors d'une rencontre entre le chef de l'Etat et les représentants des partis politiques], je souhaite que nous puissions trouver collectivement les moyens de mener à son terme ce chantier." Le chef de l'Etat n'a toutefois pas précisé les domaines auxquels il souhaite étendre le référendum.

Simplifier le recours au référendum d'initiative partagée

Le chef de l'Etat s'est également prononcé sur le référendum d'initiative partagé (RIP) qui permet aux parlementaires et aux citoyens de s'associer pour exiger la tenue d'une consultation de la population. Dans le détail, le dispositif prévoit plusieurs étapes et pose des conditions exigeantes. Des restrictions qui peuvent être "décourangeantes", même, de l'aveu du président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, qui a pris la parole mercredi avant Emmanuel Macron. Depuis la création du RIP en 2015, aucune tentative n'a pu aboutir.

Emmanuel Macron a reconnu que la procédure était "excessivement contraignante" et qu'il fallait la simplifier. "Sa mise en œuvre doit être plus simple", a-t-il martelé. Il a également assuré vouloir tirer les leçons du ressentiment des Français qui, après avoir dit "non" au référendum établissant une Constitution pour l'Europe en 2005, avaient vu une partie des mesures traduites dans le traité de Lisbonne de 2007. "Nous avons à éviter toute forme de confusion et préserver la force de notre démocratie représentative et la force de notre démocratie directe", a affirmé Emmanuel Macron. 

Ouvrir "une nouvelle étape de décentralisation"

Emmanuel Macron a également promis d'ouvrir "le chantier d'une nouvelle étape de décentralisation", pour "donner plus de libertés mais aussi de responsabilités" aux élus locaux afin de "les aider à agir mieux". "Toute notre architecture territoriale est à repenser", a estimé le président de la République, jugeant que "l'empiètement" voire "la concurrence" entre les collectivités locales et l'Etat "produit de l'inefficacité pour l'action publique" et une "perte de repères pour nos concitoyens".

Le chef de l'Etat a évoqué le cas de la Nouvelle-Calédonie, qui "exige un cheminement commun qui exigera une réforme constitutionnelle". Le 26 juillet, lors d'un discours à Nouméa, Emmanuel Macron avait déjà dit vouloir, "début 2024", une "révision de la Constitution" pour ce territoire, évoquant notamment le dégel du corps électoral à court terme grâce à un "statut nouveau".

Autre collectivité concernée : la Corse, qui "ouvre la voie à une forme d'autonomie dans la République".  Le 28 septembre, devant l'Assemblée de Corse à Ajaccio, Emmanuel Macron a proposé qu'"une nouvelle étape soit franchie" avec "l'entrée de la Corse" dans la Constitution française. Il a donné "six mois" pour s'entendre sur un "texte constitutionnel". "L'ensemble de nos outre-mer doit être mieux reconnu dans notre Constitution", a aussi plaidé le chef de l'Etat. 

L'inscription de l'IVG dans la Constitution "dès que possible"

C'est un sujet qui agite les forces parlementaires mais aussi les associations depuis de nombreux mois : l'inscription de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. "J'ai exprimé mon souhait, le 8 mars dernier, que nous puissions trouver un texte accordant les points de vue entre l'Assemblée nationale et le Sénat et permettant de convoquer un Congrès à Versailles", a souligné le chef de l'Etat. "Je souhaite que ce travail de rapprochement des points de vue reprenne pour aboutir dès que possible", a-t-il ajouté.

Emmanuel Macron avait en effet annoncé au début de l'année sa volonté d'inscrire dans la Constitution la "liberté" de recourir à l'IVG, dans le cadre de sa future réforme des institutions. "Les avancées issues des débats parlementaires, à l'initiative de l'Assemblée nationale puis éclairées par le Sénat, permettront, je le souhaite, d'inscrire dans notre texte fondamental cette liberté dans le cadre du projet de loi portant révision de notre Constitution, qui sera préparé dans les prochains mois", avait déclaré le chef de l'Etat depuis le palais de justice de Paris.

L'Assemblée nationale et le Sénat doivent à présent adopter dans des termes identiques une proposition de loi constitutionnelle spécifique sur l'avortement. Le chemin à parcourir sur ce sujet est donc encore long

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